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perspectives - L’opposition appelée à dissocier les suppôts de Damas des ex-alliés ayant leur propre assise populaire Autres temps, autres enjeux : les clivages de l’après-Taëf désormais dépassés

«À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. » Quoi de plus éloquent que ce vers de Corneille pour décrire le scrutin qui s’est déroulé hier au Liban-Sud. Un scrutin sans enjeu, sans bataille, sans véritables concurrents. Tout comme celui de Beyrouth d’ailleurs, la semaine précédente. Pour rendre imparable leur rouleau compresseur conjoint, les leaders du tandem Amal-Hezbollah se sont livrés à un confortable partage du gâteau afin d’éviter tout risque de remise en question du statu quo ante. Et tant pis si les autres composantes communautaires (chrétienne, sunnite, druze) n’ont pas eu droit au chapitre dans le choix de ceux qui sont censés être « leurs représentants » à la Chambre. Le « big brother », un peu dans le sens de 1984 de George Orwell, était là pour ça. Dans ces législatives 2005, les choses sérieuses sont prévues la semaine prochaine, notamment au Mont-Liban. Mais paradoxalement, là où des élections – de vraies – sont attendues, là où les électeurs devront réellement choisir, l’opinion publique, ou du moins une partie d’entre elle, en vient à déplorer l’absence de… rouleau compresseur. Car une alliance électorale entre le Courant patriotique libre et les autres fractions de l’opposition du Bristol aurait placé les circonscriptions de la Montagne dans, exactement, la même situation que le Liban-Sud, hier, ou Beyrouth, le 29 mai dernier. Il ne faut pas s’y méprendre à cet égard. L’enjeu de ce scrutin 2005 n’est plus désormais de départager dans les urnes les pro et les antisyriens. Le temps où Damas était maître du jeu politique au Liban est en effet à jamais révolu. Les services syriens sont, certes, sans nul doute toujours actifs sur la scène locale, mais leur rôle de tuteur, de haut-commissaire, n’est plus d’actualité. Le Liban est passé, brutalement, d’une phase historique à une autre. Il est passé irréversiblement de l’ère de l’hégémonie syrienne à celle de l’ombrelle de l’Onu et de la communauté internationale. Si bien que les clivages ne sont déjà plus ceux qu’ils étaient avant le 26 avril 2005, avant le retrait total syrien. Damas ayant été contrainte de se désengager politiquement du Liban, il n’existe (presque) plus de responsables qui se croient encore obligés de défendre la présence ou l’influence de la Syrie dans le pays du Cèdre. Les ingérences syriennes sur la scène libanaise étaient ces dernières années le principal sujet de clivage et de tension entre les fractions locales. Ce dossier est maintenant clos. En quelque sorte, le combat sur ce plan a cessé faute de combattants, même s’il reste à démanteler impérativement, et sans délai, les ramifications restantes de l’appareil sécuritaire libano-syrien. Compte tenu de cette situation nouvelle, une distinction s’impose entre les ex-alliés de Damas au Liban. Il y a ceux (Nasser Kandil et consorts) qui n’ont été qu’une simple et pure émanation du pouvoir syrien ou (comme le PSNS et la branche libanaise du Baas) qui se sont transformés en antennes des services de Damas sur l’échiquier libanais. Et il y a, dans une autre catégorie, ceux (à l’instar de Talal Arslane et Sleimane Frangié, Amal et le Hezbollah) qui ont une assise populaire solidement établie (le plus souvent familiale ou clanique) qui existaient historiquement bien avant l’ère syrienne, ou indépendamment de celle-ci, et qui continueront forcément d’exister après le départ des troupes de Damas. Toute alliance ou compromission avec la première catégorie serait un coup de Jarnac porté à la lutte menée pendant quinze ans, notamment par les jeunes et les étudiants, contre la tutelle syrienne. Une éventuelle coopération avec le second groupe est par contre tôt ou tard inévitable, puisque ces pôles d’influence ont toujours eu une existence politique propre à eux. Une telle distinction pose évidemment, dans le contexte présent, le problème des alliances conclues ça et là par les différentes fractions de l’opposition plurielle à l’occasion des législatives. Il faut reconnaître dans ce cadre que les profonds bouleversements qu’a connus le Liban au cours des dernières semaines ont été trop rapides pour que l’opinion publique puisse assimiler aussi brusquement que Walid Joumblatt fasse le déplacement jusqu’à Msayleh pour obtenir le soutien de Nabih Berry à Baabda-Aley, que Bahia Hariri soit l’alliée du mouvement Amal au Liban-Sud ou que le général Michel Aoun forme des listes communes avec Talal Arslane et, probablement, avec Sleimane Frangié au Liban-Nord. Mais avec le retrait syrien, la vie politique libanaise recommence à prendre son cours normal, à plus forte raison à la faveur d’un scrutin marqué traditionnellement par des calculs souvent contre nature. Il reste que par respect pour tous ceux qui ont consenti des sacrifices afin de lutter contre l’occupation syrienne, il est impératif de dissocier, même en cette période électorale, les ex-alliés de Damas, bénéficiant d’une légitimité indéniable et ayant préservé un minimum de dignité nationale, des simples suppôts de la Syrie qui ont été parachutés sur l’échiquier local au début des années 90. À l’ombre de la république de Taëf, les Libanais avaient perdu l’habitude des vraies batailles électorales. Maintenant que le pays s’est engagé sur la voie d’une nouvelle phase historique placée sous ombrelle onusienne, il est sans doute grand temps de retourner aux pratiques démocratiques qui caractérisaient le Liban d’avant-guerre. Michel TOUMA
«À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. » Quoi de plus éloquent que ce vers de Corneille pour décrire le scrutin qui s’est déroulé hier au Liban-Sud. Un scrutin sans enjeu, sans bataille, sans véritables concurrents. Tout comme celui de Beyrouth d’ailleurs, la semaine précédente. Pour rendre imparable leur rouleau compresseur conjoint, les leaders du tandem Amal-Hezbollah...