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Nos Lecteurs ont la Parole - Par Amine ISSA

Les sept péchés d’Israël

Le premier péché d'Israël est celui d'avoir vu le jour. D'avoir cru aux promesses et aux mensonges des Européens. Les promesses furent faites pour laver la conscience des Européens perclus de culpabilité face à l'assassinat programmé de six millions de juifs par l'un des leurs. Ils sacrifièrent pour cela les droits du peuple palestinien. Par le mensonge, pour démanteler l'Empire ottoman, ils promirent aux Arabes et aux juifs la même terre (les accords Sykes-Picot et la déclaration de lord Balfour). Certes, Theodor Herzl, le père fondateur d'Israël, usa de tous les moyens pour gagner l'Europe à sa cause. Ne disait-il pas « Nous formerions là-bas (en Palestine), pour l'Europe, un morceau de ce mur contre l'Asie ; nous prendrions en charge les avant-postes de la civilisation contre la barbarie »? (1). Mais il faut savoir que l'immigration juive, qui débuta réellement en Terre sainte à partir du XVIIIe siècle, fut l'œuvre de colons fuyant les pogroms de Damas, de Pologne et de Russie, et qui obtinrent pacifiquement et légalement des terres en Palestine. Le mouvement enflait graduellement, et les juifs en Europe militaient ardemment pour leur État ; mais il aurait pris sans doute une autre forme sans l'intervention des Occidentaux. Cela n'excuse pas les Israéliens, chassant en une guerre éclair un peuple de son territoire. Mais pouvaient-ils refuser les promesses inconséquentes des Occidentaux et leur graduelle indulgence face aux actes de sabotage des milices sionistes en Palestine ?
Le deuxième péché d'Israël est d'avoir en 1956 cédé aux fanfaronnades des deux empires anglais et français à leur crépuscule. Pour Ben Gourion, Nasser représentait un danger pour Israël. Mais l'État hébreu n'aurait jamais lancé ses troupes dans le Sinaï, jusqu'aux portes de Port-Saïd, si l'Angleterre et la France, furieuses de la nationalisation du canal de Suez par l'Égypte, n'avaient promis à Israël de lui emboîter le pas. Toutefois, c'était compter sans l'intervention des véritables maîtres de l'ordre mondial, c'est-à-dire l'Union soviétique et les États-Unis, qui sommèrent les trois aventuriers de se retirer. Ce qu'ils firent, pour leur plus grande honte et un surcroît d'animosité du monde arabe à l'encontre d'Israël.
Le troisième péché d'Israël fut la guerre préventive de juin 1967. Il est vrai que le monde arabe voulait encore reconquérir la Palestine, et Nasser, à la veille de l'attaque, avait interdit aux navires israéliens le passage du détroit de Tiran. Mais ce n'est pas tant la guerre en elle-même qui fut une faute que l'invasion du Sinaï, du Golan et surtout de Gaza, de la Cisjordanie et de la vieille ville de Jérusalem. Israël agrandissait son État en occupant tout le territoire restant de la Palestine. Il entreprit depuis la colonisation de ce territoire au détriment de ses habitants d'origine. Israël, par cet acte, ôtait aux Palestiniens tout espoir d'avoir un jour un État indépendant.
Le quatrième péché d'Israël fut son effort constant de démantèlement du monde arabe en des entités confessionnelles, lesquelles soit se feraient la guerre et donc affaibliraient le front anti-israélien, soit s'allieraient avec Israël face à la majorité sunnite. Ben Gourion avait adressé en 1954 une lettre au Premier ministre Moshe Sharett, dans laquelle il le poussait à démembrer le Liban et à créer un État maronite qui serait l'allié d'Israël. Moshe Sharett refusa (2). En 1978, quand Israël envahit le Liban pour mater l'OLP, il se rappela de cette lettre. Renonçant à séduire les chiites, exaspérés par les débordements de l'OLP, Israël tendit la main aux chrétiens. Ceux-ci, le couteau à la gorge, acceptèrent son aide, jusqu'au moment où Béchir Gemayel refusa de signer avec l'État hébreu un traité de paix. Suite à ce refus, Israël créa une animosité entre les druzes et les chrétiens, ce qui déboucha sur les massacres et déplacements de population qui envenimèrent durablement les relations entre les deux communautés. En Syrie, on peut expliquer l'indulgence d'Israël à l'égard du régime par sa volonté d'y voir prospérer l'animosité entre la majorité sunnite et la minorité alaouite au pouvoir. Le régime syrien, pour sa propre survie, renoncerait ainsi à attaquer Israël qui occupe le Golan afin de se consacrer au contrôle de son front interne. En même temps, l'État hébreu admet l'alliance de la Syrie avec l'Iran, le Hezbollah et le Hamas au seul but de dresser le monde arabe contre Damas. Il serait trop long de dresser la liste des interventions d'Israël à des fins de subversion du monde arabe. Or, celui-ci, et progressivement par certains de ses membres et pas des moindres, a démontré sa volonté de parvenir à une paix juste et équilibrée avec Israël. En poursuivant sa politique de déstabilisation, Israël confirme son refus d'y parvenir.
Le cinquième péché d'Israël a consisté à renier ses engagements vis-à-vis des Palestiniens. Je ne retiendrai qu'un point : la géographie. À Oslo, Israël acceptait de définir les contours du futur État palestinien. Or, depuis, il n'a pas cessé d'encourager l'expansion des colonies. Le nombre de colons est passé de
134 286 en 1994 à 275 156 en 2007 (3). Comment expliquer ces agissements autrement que par la volonté délibérée de l'occupant de rendre irréversible le morcellement des territoires occupés et d'hypothéquer ainsi la viabilité de l'État palestinien en gestation ?
Le sixième péché d'Israël est de contredire la supériorité morale dont il se prévaut. Albert Einstein, évoquant le projet sioniste, disait à propos de la communauté juive: « À toutes les époques, elle a donné naissance à des hommes qui ont incarné la conscience du monde occidental, et ont été les défenseurs de la dignité humaine et de la justice. » (4)  Or, des massacres de Deir-Yassine aux bombes à fragmentation et au phosphore lancé sur le Liban et Gaza, la dignité humaine ne pesa pas lourd. Quant à la justice, commande-t-elle l'occupation de la Cisjordanie ? Yeshayahou Leibowitz, l'un des plus grands penseurs juifs orthodoxes du XXe siècle, ne dit-il pas que « la sensibilité morale de ceux qui préconisent de rester dans les Territoires est la sensibilité morale du fasciste » ? (5)
Le septième péché d'Israël serait celui de disparaître. Ce ne serait pas la première fois dans l'histoire de l'humanité qu'une nation cesserait d'exister. Mais ceux qui appellent aujourd'hui à cette disparition, les extrémistes musulmans, s'attaquent autant à l'État d'Israël comme entité politique qu'aux juifs comme communauté religieuse. Il ne s'agit plus seulement de réparer l'injustice faite aux Palestiniens, d'accepter un État où les deux communautés cohabiteraient, mais de chasser les juifs hors de ce territoire. Tous les moyens seraient autorisés pour parvenir à cette fin. Si les juifs devaient en être les premières victimes, c'est la région en entier qui nouerait avec une logique d'extermination. Les juifs d'abord, les chrétiens ensuite, mais pas eux seulement. On a bien vu en Irak, en Afghanistan et au Pakistan cette même logique s'appliquer entre les sunnites et les chiites. En évoquant la disparition d'Israël, je force le trait, nous ne sommes pas à la veille de voir se produire pareil événement. Mais cette logique meurtrière est à l'œuvre. Le déni par Israël des droits légitimes des Palestiniens et le refus de l'Occident de lui forcer la main contribuent largement à son extension.

Amine ISSA

1- « L'État juif », Theodor Herzl, éditions Kronberg/Taunus, page 213.
2- Lettre publiée par le fils de David Ben Gourion en 1979, en annexe de ses Mémoires posthumes.
3- Rapport de la Foundation for Middle East Peace, septembre-octobre 2008.
4- « Comment je vois le monde », Albert Einstein, Flammarion, page 124.
5- Entretien accordé à Ilan Greilsammer le 29/04/05 sur le site lesogres.org.
Le premier péché d'Israël est celui d'avoir vu le jour. D'avoir cru aux promesses et aux mensonges des Européens. Les promesses furent faites pour laver la conscience des Européens perclus de culpabilité face à l'assassinat programmé de six millions de juifs par l'un des leurs. Ils sacrifièrent pour cela les droits du peuple...
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