La la la, bla bla bla ; ce n’est pas mine de rien qu’elle revient cette fois, la chansonnette ! Car elle est là, omniprésente, tapageuse, occupant le gros du discours politique local sans se décider toutefois à livrer le couplet de la fin. Oui, par tous les dieux, à quand donc le désarmement du Hezbollah ?
Le fait est que l’interrogation est des plus légitimes. En contester le bien-fondé relèverait du déni le plus débridé, ou alors de la plus flagrante mauvaise foi. Pour avoir déclenché une catastrophique guerre de trop en se portant au futile secours de l’infortunée Gaza, la milice aura d’ailleurs mâché le travail à ses nombreux détracteurs en leur offrant sur un plateau le plus accablant des réquisitoires. Face à un ennemi surpuissant, le Hezbollah, en dépit de ses rodomontades, s’est ainsi avéré incapable de défendre le sol, les populations qui y vivent, et jusqu’à ses propres dirigeants ; au contraire il a attiré sur le Liban une tornade de morts et de destructions. À lui seul, le verdict sans appel des armes devrait être déjà des plus concluants ; mais on se gardera d’ignorer pour autant les méfaits passés – et aussi les très réels périls pour l’avenir – d’un arsenal qui aura surtout servi à soutenir la montée en puissance de la formation pro-iranienne au plan interne libanais.
Dès lors, la question n’est plus trop de savoir si le Hezbollah doit ou non faire son adieu aux armes ; ce n’est plus le pourquoi qui fait sérieusement débat, du moment qu’un très large consensus populaire et politique entoure désormais ce vieux dilemme. C’est en revanche le comment qui, depuis le premier instant, n’a jamais cessé de poser problème, et qui revêt une acuité particulière avec les actuelles polémiques autour de l’adoption d’un calendrier-programme officiel pour le désarmement. Fort heureusement est exclu d’emblée tout recours à la manière forte : se relevant à peine d’un conflit où il s’est trouvé plongé malgré lui, le pays ne peut en aucun cas se permettre ne serait-ce qu’une amorce de guerre civile.
Lundi, le président Joseph Aoun, sans doute encouragé par le bémol apporté aux exigences américaines, a paru trancher la controverse en affirmant que c’est seulement par le dialogue que pourrait être réalisé le désarmement tant attendu. En même temps qu’il reprenait à son compte cette claire mais fugitive évidence jamais entrée dans les faits, le chef de l’État n’a pas manqué d’innover. S’il a en effet évoqué la stratégie de défense convenue avec le Hezbollah en 2012 et désespérément demeurée lettre morte, il n’y a vu que le simple, le naturel produit d’une autre stratégie encore plus pressante et même hautement prioritaire : celle de la sécurité nationale, autrement dit de la paix domestique. Avant même que de songer à parer tous ensemble aux menaces provenant du dehors, les Libanais méritent que soit définitivement écartée, de manière crédible, toute possibilité de les voir se battre entre eux. Mais sont-ils tous vraiment libres de s’y atteler ?
Une fois de plus, c’est ailleurs que va se jouer la réponse, à la faveur d’un autre et titanesque dialogue : celui que les États-Unis et l’Iran entameront samedi dans le sultanat d’Oman. Sans cesser d’agiter le gros bâton, ce sont d’alléchantes carottes que Washington fait miroiter à la République islamique sous la forme d’une levée des dures sanctions économiques qui frappent celle-ci en échange d’un nouvel accord sur le nucléaire. Il en faudra toutefois davantage, notamment de solides garanties de sécurité régionale, pour amener Téhéran à composition. Signe de faiblesse ou appétissantes carottes accommodées cette fois à la sauce Kambiz et susceptibles de tenter l’Oncle Sam ? En autorisant ses protégés d’Irak à bazarder leurs fusils pour se mettre à l’abri des bombes américaines et israéliennes, le régime des mollahs semble vouloir montrer à quels autres sacrifices il serait disposé si seulement il y trouvait son compte.
Joyau de la couronne persane, le Hezbollah pourrait être bientôt fixé sur son prix réel. Et nous autres sur les modalités du grand bazar.
Issa GORAIEB