
L’aéroport de Qleyaat, au Liban-Nord. Photo Michel Hallak
C’est l’un de ces éternels débats qui agitent la classe politique libanaise depuis la fin de la guerre civile : le Liban a-t-il besoin d’un second aéroport ? Depuis plusieurs mois, le sujet est revenu sur la table, suite aux bombardements israéliens intensifs dans la banlieue sud de Beyrouth, située à proximité de l’aéroport Rafic Hariri (AIB) ; aux menaces israéliennes pesant sur lui pendant la dernière guerre ; et, plus récemment, aux manifestations des partisans du Hezbollah protestant contre l’interdiction d’atterrissage de deux avions iraniens en février.
Principalement portée par les partis opposés au tandem chiite, l’ouverture d’un second aéroport civil au Liban, à Qleyaat, dans le Akkar, a surtout été mentionnée dans la déclaration ministérielle du gouvernement de Nawaf Salam.
Aménagé par l’armée française en 1938, l’aéroport de Qleyaat sera placé sous le contrôle de l’armée libanaise en 1966, qui le modernise en base militaire. Il est rebaptisé aéroport René Moawad en 1989, en hommage au président de la République élu – sur les lieux mêmes – et assassiné. En 2006, l’aérodrome est bombardé par l’armée israélienne qui cible systématiquement les pistes libanaises. Réparées, celles-ci voient à nouveau l’armée de l’air libanaise prendre le contrôle des lieux. Dès 2010, des discussions sont engagées pour transformer ce qui est désormais la base aérienne René Moawad en aéroport civil commercial, sans que le projet ne soit jamais concrétisé.
Dans ce cadre, ce sont plusieurs études de réaménagement de l’aéroport qui ont été réalisées, « mais elles ont toutes besoin d’être actualisées », précise à L’OLJ le député Sajih Attié, président de la commission parlementaire des Travaux publics et membre du bloc de la Modération nationale, qui a toujours milité pour l’avancée de ce dossier.
AIB engorgé
Mais, au-delà des considérations politiques et sécuritaires, une telle infrastructure présente-t-elle un intérêt économique ? « Ce n’est pas parce que la surface du Liban est réduite qu’il ne doit pas être doté de plusieurs aéroports civils », justifie Fadi Ramadan, ancien commandant de bord auprès de la Middle East Airlines (MEA) et désormais pilote auprès d’Air Côte d’Ivoire. Chypre, plus petite que le Liban, dispose de trois aéroports civils en activité. La Jordanie en compte aussi trois, tout comme Israël. Le Liban ? Un seul.
Indépendamment de cela, ses retombées économiques sur la région seraient importantes. « L’aéroport fait vivre toute la zone environnante. C’est tout le Liban-Nord qui profiterait de cette nouvelle infrastructure, que ce soit en termes de tourisme, de transport, d’hôtels ou de restaurants », indique Fadi Ramadan. Sa mise en œuvre permettrait de « garantir 2 000 emplois » et aurait un « impact positif sur le Liban et la Syrie », soulignait fin février le député du Akkar Walid Baarini.

Le Liban a d’autant plus besoin d’un deuxième aéroport que la capacité de l’AIB est largement dépassée. Ouvert en 1953, il sera agrandi et modernisé à plusieurs reprises, de sorte à pouvoir accueillir, à partir de 2005, jusqu’à 6 millions de passagers par an. Mais cette capacité sera vite dépassée dans les années 2010, dépassant la barre des 8 millions de passagers par an dès 2017. Si la pandémie de Covid-19 fait un temps dégringoler les chiffres, la barre des 6 millions de passagers par an est de nouveau dépassée en 2022 et 2023, tandis que le cessez-le-feu entre le Hezbollah et Israël en vigueur depuis fin novembre 2024 et le récent apaisement diplomatique entre le Liban et ses voisins laissent les acteurs économiques espérer un retour massif des voyageurs. « Avoir un deuxième aéroport au Liban complétera l’offre que propose le pays et ne fera pas de concurrence à l’AIB », continue Fadi Ramadan.
Un chantier à 120 millions de dollars
Sajih Attié estime que cet aéroport peut être aménagé de sorte à « accueillir jusqu’à 2 millions de passagers par an, ce qui permettrait de réduire la pression sur l’aéroport de Beyrouth ». D’autant plus qu’entre « 30 et 40 % des voyageurs libanais à travers l’AIB viennent du Liban-Nord », souligne Jean Abboud, le président de l’Association des agences de voyages et de tourisme au Liban. Le positionnement géographique de l’aéroport de Qleyaat pourrait aussi être un avantage de par sa proximité avec la Syrie. Situé à moins de 10 minutes du poste-frontière de Arida, « il pourrait aussi bénéficier à plus d’un million de Syriens vivant à proximité », mentionne Sajih Attié.
Ce nouvel aéroport serait également complémentaire à l’AIB de par sa différence de positionnement sur le marché. « L’aéroport à Qleyaat peut se positionner comme hub pour les compagnies aériennes low cost, pour le fret aérien et pour les vols charters organisés par des tours opérateurs », précise un responsable dans l’AIB, sous couvert d’anonymat.
Si les compagnies aériennes low cost sont de plus en plus demandées, celles-ci ne sont « pas toujours capables d’assurer des vols depuis le Liban à cause des frais élevés de l’AIB et du manque de place », souligne Jean Abboud. Celles-ci pourraient alors assurer une liaison avec l’aéroport de Qleyaat, à condition que ces frais soient moins élevés que ceux de l’AIB. « Des frais moins élevés pourraient favoriser le positionnement de cet aéroport en tant que pôle pour le fret aérien. « Le tarif du traitement et du transport d’un kilogramme de cargo à l’AIB est de 2,5 dollars. Avec les low cost, il pourrait être compris entre 0,5 et 1 dollar par kilogramme à l’aéroport de Qleyaat, ce qui rendrait certaines exportations moins chères et les encouragerait », précise le député Sajih Attié.
Autre usage potentiel pour cet aéroport : des vols internes, reliant le Liban-Nord à la capitale. « Pour qu’un tel projet aboutisse, il faut en développer l’infrastructure, par exemple par la mise en place de navettes ou de parkings à destination des voyageurs », explique le responsable à l’AIB. « Un vol Beyrouth-Qleyaat prendrait moins de 30 minutes et coûterait entre 50 et 70 dollars, en fonction de la demande, des prix des carburants et de la façon dont le secteur est géré », estime Fadi Ramadan.
Reste à trouver les moyens de le financer. Selon Sajih Attié, le chantier « pourrait coûter entre 100 et 120 millions de dollars et pourrait être finalisé dans un délai de 6 mois ». Plutôt « près de deux ans », selon le responsable au sein de l’AIB. À l’heure où l’État manque de fonds, le député précise que ce projet serait financé à travers un BOT (build, operate and transfer), un modèle de partenariat public-privé dans lequel une entité privée est mandatée pour concevoir et exploiter une infrastructure publique sur une période donnée, avant de la remettre à l’État. Le délai et l’enveloppe prévus varient en fonction de l’usage prévu pour cet aéroport.
Si à terme, le pays serait hyper décentralisé ( pour ne pas dire "fédéral"), un aéroport au MONT LIBAN serait aussi nécessaire. Puisqu'il y en aura un à Beyrouth pour TOUS évidemment mais en zone chiite.Un à Kleiate pour TOUS aussi mais en zone sunnite.Reste pour TOUS aussi mais en zone chrétienne.Pourquoi ne pas y penser aussi?Au final,les régions chrétiennes majoritairement entre le Mont Liban et le Nord ne devraient pas avoir des infrastructures?Le liban est DEJA, dans nos esprits du moins,catégorisé par zones communautaires. Pas la peine de jouer aux hypocrites et ne pas le reconnaitre.
13 h 20, le 26 mars 2025