Combien de pistes d’atterrissage et de décollage et d’aérodromes peut contenir un pays d’à peine plus de 10 000 kilomètres carrés ? Si l’aéroport Rafic Hariri ou la base militaire aérienne de Rayak sont bien connus des Libanais, ces derniers seront peut-être surpris d’entendre parler d’autres aérodromes qui existent un peu partout sur le territoire et qui sont pour la plupart tombés dans l'oubli, ne subsistant qu’avec peine dans la mémoire collective. Ces infrastructures racontent pourtant les cahots de l'histoire libanaise.
« L’Orient-Le Jour » vous emmène en promenade dans le temps, aux origines de ces aérodromes et aéroports.
La base militaire de Rayak, en activité depuis 1914
En 1914, la base de Rayak, dans la Békaa, n'est encore qu'une piste de terre tracée par les aviateurs allemands déployés en Palestine. Dès 1920, c'est l'armée française qui prend contrôle des lieux et entreprend de faire de l'endroit la base aérienne la plus moderne de la région. Elle voit des avions allemands s'y poser à nouveau dès 1940, à la faveur de la collaboration entre la France de Vichy et le régime nazi. La base passe finalement sous contrôle de l'armée libanaise en 1943. C'est en 1949 qu'elle voit la naissance de l'armée de l'air libanaise qui l'occupe aujourd'hui encore. Elle abrite actuellement l'école de pilotage de l'armée ainsi qu'un centre de formation des forces spéciales.
Marjeyoun, crucial pendant la Seconde Guerre mondiale
Quelques pierres et des pistes de terres, les derniers vestiges de la base aérienne de Marjeyoun rappellent l'importance stratégique qu'eut cette région du Liban-sud à la croisée des chemins entre le Liban, la Palestine et la Syrie. Cruciale pendant la Seconde Guerre mondiale, afin de contrôler l'avancée des troupes de l'Axe, la piste n'a pas survécu cependant au départ de l'armée britannique.
Qoleïat, un jour ouvert aux vols domestiques ?
L'aérodrome de Qoleïat est aménagé par l'armée française en 1938. Toujours en activité dans les années 60, il sert alors à la firme pétrolière de Tripoli, qui y fait transiter ses employés entre le Liban et l'Irak. Courte parenthèse, l'armée libanaise prend le contrôle de la piste en 1966 et y entame des travaux de modernisation. Jusqu'à l'intervention de l'armée syrienne qui gardera la main sur l'aérodrome jusqu'en 2005, année de son retrait du Liban.
L'accalmie est de courte durée, dès 2006 l'aérodrome est bombardé par l'armée israélienne qui cible systématiquement les pistes libanaises. Réparées, celles-ci voient à nouveau l'armée de l'air libanaise prendre le contrôle des lieux. Dès 2010, des discussions sont engagées pour transformer ce qui est désormais la base aérienne René Moawad en aéroport domestique et international servant de point de transit aux vols intérieurs et aux low-costs internationaux, sans que le projet ne soit jamais concrétisé.
Iaat, de l’armée au Hezbollah
Construite par les Alliés durant la Seconde Guerre mondiale, la piste de Iaat au nord de Baalbeck, dans la Békaa, n'a connu qu'une brève histoire. Employée par l'armée de l'air libanaise à partir de l'indépendance en 1943, elle ferme définitivement ses portes dans les années 60. Le nom d'Iaat est néanmoins à nouveau associé à l'aviation militaire en 2014 lorsque des images satellite révèlent l'aménagement d'un aéroport de drones par le Hezbollah, non-loin des anciennes pistes.
Halate, un aéroport chrétien sur une autoroute
En janvier 1987, les Forces libanaises bombardent l'aéroport de Beyrouth, situé dans la partie Ouest de la capitale, pour le rendre inutilisable. Derrière les bombes, la volonté de forcer la main des partenaires internationaux pour faire de l'aérodrome militaire de Halate un aéroport ouvert aux vols civils. Problème : il ne s'agit en fait que d'une portion d'autoroute transformée à la va-vite en piste d'atterrissage par l'armée libanaise en 1976. Celle-ci a vu le contrôle de ses bases aériennes lui échapper depuis le début de la guerre, à l'image de la base militaire de Rayak, berceau de l'armée de l'air, alors sous la coupe de l'armée syrienne.
Place à l'improvisation. Située à 28 kilomètres au nord-est de Beyrouth, la piste de Halate est dégagée en utilisant un tronçon de l'autoroute qui relie la capitale à Tripoli. Alors que la guerre dure, les installations sur place se développent, financées en partie par la banque al-Mashreq, proche des phalangistes, et font de la base un aérodrome fonctionnel, à défaut d'être sûr. Le projet d'aéroport civil en zone chrétienne ne verra pourtant jamais le jour : la piste, trop courte, et la proximité des bâtiments alentour rendent presque suicidaire son utilisation par des avions civils. Dès 1991, la piste est finalement reconnectée à l'autoroute et l'aérodrome est vite oublié.
Baadaran, l’aérodrome de la Montagne
La piste de Baadaran tire son nom du village du Chouf qui l'accueille, non-loin de Moukhtara. Située à la cime des montagnes du Chouf, elle doit son existence au Parti socialiste progressiste. Aux premières années de la guerre civile, la courte piste de 850 mètres doit permettre aux druzes d'avoir leur propre aéroport, en complément du port de Khaldé. Bien qu'agrandie en 2007, la piste n'accueille aujourd'hui plus de vols civils ou militaires, mais plutôt des touristes, concerts et passionnés de modélisme aéronautique.
Jounié et Hamate, des pistes éphémères
En 1975 une simple piste de terre est tracée dans la terre de Jounié pour accueillir le trafic militaire détourné de l'aéroport de Beyrouth. Trop rudimentaire, la piste ne sert qu'un an avant de laisser la place à la piste de Hamate.
Cette dernière, baptisée « Aéroport international Pierre Gemayel » ne remplit jamais les fonctions que promettait son nom. Construite à l'instigation des Kataëb en 1976, la piste de Hamate devait réceptionner vols civils et militaires. Mais avant même d'être achevée, elle passe sous le contrôle de l'armée syrienne qui l'utilise pour faire décoller ses hélicoptères. En 2005, l'armée libanaise reprend contrôle des lieux qu'elle utilise aux mêmes fins.
Dekouané, la piste oubliée
Si elle est devenue un lieu de promenade prisé de certains habitants du quartier, la petite piste d’atterrissage de Dekouané n’a pas marqué l’histoire pour ses fonctions militaires. Toute proche du camp palestinien de Tal el-Zaatar, elle est trop courte pour avoir une utilité militaire conséquente. Ses dates de construction et d’abandon sont inconnues.
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Un autre aerodrome, maintenant transformé, se trouvait à Mazraat Dmoul, dans la région de Nabatiyeh, probablement aménagée par les forces alliées durant la seconde guerre mondiale.
Georges Gharios
10 h 11, le 31 juillet 2023