Entre le discours du secrétaire général du Hezbollah, Naïm Kassem, lors des funérailles de ses deux prédécesseurs dimanche, et celui de Mohammad Raad, chef du bloc parlementaire, mardi à la Chambre, le parti semble « se libaniser ». Est-ce l’indice d’une véritable conversion ou bien s’agit-il d’une manœuvre pour laisser passer la tempête qui souffle actuellement sur la région ? La question ne se pose pas seulement au Liban mais aussi dans les milieux diplomatiques arabes et occidentaux... et les éléments de réponse ne sont pas encore très clairs.
Dans l’environnement populaire du Hezbollah, une phrase revient de plus en plus souvent : « À chaque étape, ses hommes ». Une façon déguisée de reconnaître que « l’âge d’or du Hezbollah » avait sa figure charismatique : Hassan Nasrallah. Naïm Kassem hérite de la période actuelle, qui est celle des coups durs et de la survie. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard si dimanche, au cours de la cérémonie consacrée aux funérailles de Hassan Nasrallah et de Hachem Safieddine, de nombreux partisans ont quitté les gradins de la Cité sportive au moment où Naïm Kassem prononçait son discours. Certes, ces personnes sont sans doute parties prématurément dans une volonté d’éviter la cohue du départ à la fin de la cérémonie, mais on peut se demander s’ils auraient eu le même comportement si c’était Nasrallah qui était en train de parler...
Dans ce discours (ainsi que dans d’autres), le cheikh a clairement déclaré le soutien total de sa formation à l’application de l’accord de Taëf. Il a aussi insisté sur le rôle du tandem chiite dans la reconstitution de l’État libanais en facilitant l’élection du président de la République, Joseph Aoun, ainsi que la formation du gouvernement dirigé par Nawaf Salam. Il a aussi clairement déclaré que le Hezbollah a choisi pour la période actuelle de laisser l’État et ses institutions assumer leurs responsabilités dans la défense du Liban face aux Israéliens et dans la reconstruction. Il a même déclaré qu’il avait pleinement confiance dans l’armée libanaise pour défendre le Liban. Il a aussi ajouté que la « résistance » continuera mais sous d’autres formes. Cette dernière partie de la déclaration a été interprétée comme une reconnaissance de la part du Hezbollah de sa renonciation à l’utilisation des armes dans la lutte contre Israël, pour laisser une chance aux efforts diplomatiques et ne pas entraver la mission de l’armée. D’ailleurs, depuis la conclusion du cessez-le-feu sous l’égide des États-Unis et de la France, le 27 novembre, le Hezbollah n’a pas réellement riposté aux attaques israéliennes quasi quotidiennes à la fois dans le Sud et dans la Békaa, si ce n’est le survol d’un drone.De son côté, Mohammad Raad a souligné la volonté du Hezbollah de coopérer avec le gouvernement dans la période à venir. Est-ce à dire que le Hezbollah a réellement renoncé à la résistance armée et qu’il serait prêt à déposer les armes ?
Selon de nombreux observateurs qui suivent de près le Hezbollah, celui-ci a aujourd’hui des priorités qui se résument à se reconstituer, en tant que force populaire et politique incontournable au Liban. C’est dans ce contexte que Naïm Kassem a déclaré que pour son parti, « le Liban est une patrie définitive ». À ce stade, et avec le coup dur porté à l’Iran, à travers la destruction du fameux « axe de la résistance » et surtout avec la perte des voies d’approvisionnement avec le Liban via la Syrie, le Hezbollah a intérêt à se présenter comme une force purement libanaise et à s’inscrire dans le giron de l’État, le temps de pouvoir reprendre son souffle. D’autant qu’il lui faut trouver des solutions de rechange à la destruction de ses réseaux de financement et d’armement. Mais surtout et c’est pour lui la priorité aujourd’hui, il veut trouver le moyen de conserver sa base populaire qui traverse des circonstances difficiles suite aux destructions israéliennes.
Certes, à ce stade, la grande « victoire » du Hezbollah, selon ses sources, est de considérer qu’il n’est pas éliminé de la scène, malgré la violence des attaques qui l’ont visé. Il peut aussi se vanter d’avoir conservé sa base populaire, malgré les coups durs et les souffrances que celle-ci a subies. C’était d’ailleurs clair lors de la cérémonie des funérailles, où l’émotion des présents paraissait réellement sincère. À tous ceux qui ont émis des doutes, laissant entendre que de nombreux participants à la cérémonie auraient été carrément contraints à s’y rendre, les sources du Hezbollah répondent : « On peut pousser les gens à venir mais on ne peut pas les obliger à pleurer... »
Toutefois, le défi reste donc pour le Hezbollah de conserver ce soutien populaire... au moins jusqu’aux prochaines élections législatives, prévues en mai 2026. Mais, en même temps, c’est ce que veulent éviter ses adversaires locaux, régionaux et internationaux. C’est pourquoi le bras de fer se joue actuellement à l’intérieur et il n’est pas facile à gérer des deux côtés.
Le Hezbollah s’est donc « libanisé » de facto, « l’axe de la résistance » n’a plus les moyens qu’il avait et parce que l’Iran ne sait pas encore ce qui l’attend avec l’administration de Donald Trump. Mais il n’a pas renoncé à l’option de la « résistance », même si, pour l’instant, il laisse l’action à l’État et il affirme se tenir derrière lui. Que cela soit sincère ou non, cette démarche de la part du Hezbollah est réelle car elle est dictée par la nécessité. L’État pourrait donc ainsi saisir cette opportunité et œuvrer en vue de réaliser un accord interne sur une stratégie de défense nationale. Mais est-ce vraiment ce qui lui est demandé, ou bien l’objectif ultime est, comme le laissent entendre certaines déclarations, de mettre un terme au conflit avec les Israéliens ?
Les milieux proches du Hezbollah reprennent aujourd’hui à leur compte une phrase de l’imam Moussa Sadr qui dit : « La paix interne et l’unité sont le meilleur moyen de faire face à Israël. » C’est donc à cela que se consacre aujourd’hui le parti chiite, en travaillant pour éviter son isolement sur la scène interne et en utilisant ce qu’il appelle « la patience stratégique ».
Tant qu ils n ont pas remis leurs armes à l armée .... ça reste des terroristes criminels ainsi que tous leurs alliés
21 h 35, le 03 mars 2025