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Société - Guerre au Liban

Collecte des déchets : l’autre casse-tête du déplacement de population

De Beyrouth à Tripoli, en passant par le Akkar et Deir el-Ahmar, le défi de la gestion des déchets au Liban s'est aggravé en raison des flux de déplacés par la guerre.

Collecte des déchets : l’autre casse-tête du déplacement de population

Des déchets qui s'amoncellent à Zouk, dans le Kesrouan, le 11 octobre 2024. Photo S.B.

Plus d’un million de résidents du Liban-Sud, de la Békaa et de la banlieue sud de Beyrouth ont été contraints, depuis l’escalade d’Israël contre le Hezbollah le 23 septembre dernier, de trouver refuge dans d’autres régions. Outre le désastre humanitaire que provoque ce déplacement de population, d’autres problèmes commencent à émerger, tel celui de la collecte et du traitement des déchets ménagers. Un défi qui s’est largement accru dans les zones d’accueil, menaçant l’hygiène publique et la santé des résidents comme celle des déplacés, alors que ce dossier est marqué par une organisation catastrophique depuis des décennies au Liban.

Contactée par L'Orient-Le Jour, une source officielle proche du dossier, souhaitant rester anonyme, estime qu'« il n'est pas possible, pour l’instant, d’avancer des chiffres ou des estimations sur les changements démographiques, les mouvements de population étant toujours en cours ». Elle note cependant qu’au niveau de la capitale et du Mont-Liban, les régions les plus densément peuplées, il y a une nette augmentation du volume de déchets générés. Et qu'a contrario, certaines zones comme par exemple le caza de Baabda – qui inclue la banlieue sud de Beyrouth, pilonnée par l'armée israélienne depuis le 27 septembre – connaissent une diminution sensible.

Des bouleversements confirmés par la compagnie City Blu, qui a un contrat avec  le Conseil du développement et de la reconstruction (CDR) pour la collecte des déchets des cazas de Baabda, de Aley et du Chouf (Mont-Liban sud). « Les défis auxquels nous faisons face sont immenses, à commencer par nos effectifs, qui vivent en majorité dans la banlieue sud et sont passés de 700 personnes à une cinquantaine », explique Milad Moawad, PDG de City Blu.

Le déplacement de population de la banlieue sud vers Aley et le Chouf implique aussi des changements d’itinéraires auxquels il a fallu s’adapter. « Nos heures de travail sont un autre problème puisque personne ne veut se diriger vers la décharge de Costa Brava (au sud de Beyrouth) la nuit. Cela signifie que nos journées se limitent dorénavant à une fourchette de 6h à 18h », poursuit-il. Actuellement, City Blu tente de convaincre les municipalités de Aley et du Chouf de lui consacrer un terrain où déposer les déchets en attendant leur transport vers la décharge, afin de ne pas trop retarder la collecte.

Des centaines de tonnes en plus à Beyrouth et au Mont-Liban

En plus de Aley et du Chouf, les déplacés de la banlieue sud se sont dirigés vers Beyrouth intra-muros, le Mont-Liban nord et même le Liban-Nord. « Depuis fin septembre, le tonnage que nous collectons a augmenté d’environ 100 tonnes à Beyrouth et d'environ 70 dans le Metn et le Kesrouan. Cela signifie qu’au lieu de collecter 1 200 tonnes par jour dans notre zone d’opérations, nous en sommes à entre 1 350 et 1 400 », indique Walid Bou Saad, PDG de Ramco, prestataire de collecte pour Beyrouth et le Mont-Liban, également par contrat avec le CDR.

Une hausse qui reste gérable pour la compagnie : « Avant la période du Covid-19 du début de la crise financière, nous étions programmés pour collecter près de 2 000 tonnes par jour dans cette zone », note-t-il, précisant que les problèmes rencontrés sont plus d’ordre logistique et notamment liés à la surpopulation et aux voitures qui bloquent souvent les ruelles.

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Juan Hobeiche, président de la Fédération des municipalités du Kesrouan, fait, lui, entendre un autre son de cloche, déplorant une collecte trop lente et irrégulière, alors que « le volume de déchets dans le caza n'a pas augmenté de manière dramatique ». Selon lui, tous les centres d’accueil du Kesrouan sont désormais pleins et hébergent près de 3 500 personnes, avec un nombre indéterminé de déplacés qui ont loué des logements ou résident dans des hôtels.

À Tripoli, un fardeau logistique et financier

Les localités plus au nord font elles face à des hausses davantage disproportionnée par rapport à leur population.  Selon des chiffres approximatifs avancés par le président du conseil de Tripoli, Riad Yamak, le chef-lieu du Liban-Nord compte près de 6 000 personnes dans les centres d’accueil et 10 000 autres dans des maisons.

« Les prestataires de service de la ville, Batco pour l’enfouissement en décharge et Lavajet pour la collecte, étaient en grève avant cette crise, le Premier ministre Nagib Mikati, à notre demande, a accepté de leur avancer certaines sommes en retard pour faire cesser la grève, nous évitant une catastrophe », dit-il.

Car le volume de déchets « a considérablement augmenté dans la ville », nous assure-t-il, une information confirmée par une source de Lavajet. La surpopulation guette dorénavant la plupart de quartiers populaires de cette métropole considérée comme l'une des plus pauvres du pays, et la quantité de déchets aurait augmenté de près de 20 %, à plus de 400 tonnes par jour.

Et, selon Riad Yamak, la logistique pour atteindre les sites où se trouvent les déplacés y est aussi un problème ; tandis que les aides en nature aux déplacés, qui parviennent souvent dans des packages de plastique, sont de nature à augmenter le volume de déchets.

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Cette source soulève aussi la question du fardeau financier, qui est supporté par différents acteurs selon les régions. Car, contrairement aux régions de Beyrouth et du Mont-Liban qui sont payées par tonne de déchets collectée, traitée ou enfouie, par le biais du CDR et prélevées dans la Caisse autonome des municipalités, les entrepreneurs à Tripoli reçoivent une somme forfaitaire par mois devant être débloquée par le ministère des Finances. « Quand le tonnage augmente, nos frais augmentent, sans que nous ne soyons indemnisés », déplore cette source.

Le Akkar crie à l’aide

Plus au nord, cette question financière et logistique se pose avec d’autant plus d’acuité que la gestion des déchets est entièrement laissée à des autorités locales déjà submergées depuis longtemps par la crise des réfugiés syriens. Et le Akkar en est l’exemple le plus significatif.

Selon le mohafez du Akkar, Imad Labaki, cette région accueille près de 55 000 personnes dont 6 600 dans 102 centres d’accueil et près de 47 500 dans des maisons, qu’ils louent ou partagent avec des familles résidentes. « Imaginez l’augmentation catastrophique du volume de déchets et le danger de son amoncellement dans les rues dans le cadre d’une telle surpopulation... » s'exclame-t-il.

Les municipalités sont en première ligne du dossier de gestion des déchets, puisqu’aucun plan gouvernemental n’y a jamais été implanté. Elles doivent elles-mêmes payer les services de prestataires privés (deux pour toute la zone, selon le mohafez) et la région entière dépend d’une décharge sauvage sise dans un terrain privé et constamment menacée d'incendies. « Or les municipalités n’ont pas d’argent et ne peuvent augmenter les charges payées par les résidents, sous prétexte qu’il faut desservir une population de déplacés », souligne-t-il.

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M. Labaki dit avoir demandé au gouvernement d’aider le Akkar à faire face à ce problème écologique et sanitaire, et qu’il attend toujours la réponse. « Nous demandons aussi, dans l’urgence, aux ONG qui se chargent de secourir les déplacés, de consacrer une partie de leurs fonds à nous aider à collecter les déchets des centres d’accueil », ajoute-t-il.

À Deir el-Ahmar, le tri à la source compromis

La région de Deir el-Ahmar, qui accueille principalement les déplacés des villages voisins de Baalbeck-Hermel (Békaa-Nord), est elle aussi dans le pétrin. « Le quota qui nous était fixé par le gouvernement pour l’accueil de déplacés était de 2 000 personnes, nous en sommes à 9 000 ou 10 000, suivant les jours et les flux », souligne le député de la région Antoine Habchi. Il ajoute qu’outre les centres d’accueil attitrés, les églises et les maisons d’hôte ont ouvert leurs portes, ainsi que des milliers d’habitants qui accueillent des familles chez eux. « Par rapport aux déchets, cela représente 4 à 5 tonnes quotidiennes de plus, alors que notre production était d’un peu plus d’une tonne environ en temps normal », précise-t-il.

Un tas d'ordures à Deir el-Ahmar que le système d'ébouage ne permet plus de collecter. Photo envoyée par le bureau d'Antoine Habchi

Pour ce qui est de la gestion des déchets, et contrairement aux autres régions, Deir el-Ahmar avait énormément progressé ces dernières années vers un système intégré, qui comprenait un tri à la source avec collecte séparée et un passage vers un centre de traitement où les déchets organiques sont compostés et les recyclables triés. « Nous en étions arrivés à 80 % de tri dans les maisons. Mais aujourd’hui, c’est ce système qui est la principale victime du déplacement de population », regrette M. Habchi. Comme dans le Akkar, le casse-tête est logistique et financier, puisque la municipalité n’a plus de fonds suffisants, et les craintes sont autant écologiques que sanitaires.

« Ma principale revendication au gouvernement aujourd’hui est une aide pour l’approvisionnement en mazout car, sans cela, ni la collecte n’est possible ni l’approvisionnement en électricité pour toutes ces personnes », plaide Antoine Habchi. 

Plus d’un million de résidents du Liban-Sud, de la Békaa et de la banlieue sud de Beyrouth ont été contraints, depuis l’escalade d’Israël contre le Hezbollah le 23 septembre dernier, de trouver refuge dans d’autres régions. Outre le désastre humanitaire que provoque ce déplacement de population, d’autres problèmes commencent à émerger, tel celui de la collecte et du...
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Ya 7aram el choum, Encore des victimes de l'inconscience du Hezbollah d'abord coupable envers sa propre population. Un jour il faudra juger sauf que pour la plupart la sentence a déjà été exécutée

Liban Libre

05 h 11, le 17 octobre 2024

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Commentaires (1)

  • Ya 7aram el choum, Encore des victimes de l'inconscience du Hezbollah d'abord coupable envers sa propre population. Un jour il faudra juger sauf que pour la plupart la sentence a déjà été exécutée

    Liban Libre

    05 h 11, le 17 octobre 2024

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