Au Liban, pays parfois qualifié de « paradis pénal », l’arrestation d’un ancien haut fonctionnaire de la trempe de Riad Salamé est loin d’être monnaie courante. Interpellé ce mardi dans le cadre de l’affaire dite « Optimum Invest », dans laquelle il est notamment accusé d’avoir détourné au moins 40 millions de dollars de fonds publics, l’ex-gouverneur de la banque centrale du Liban (BDL) pourrait, pour la première fois, faire un tour derrière les barreaux, plus d’un an après avoir quitté ses fonctions en juillet 2023.
Alors que le procureur financier Ali Ibrahim a engagé des poursuites pour « détournement et vol de fonds publics, faux et enrichissement illicite » contre celui qui est considéré comme l’un des principaux acteurs de l’effondrement financier du Liban déclenché en 2019, L’OLJ revient sur d’autres cas emblématiques d’arrestations de responsables politiques au Liban depuis la fin de la guerre civile (sans prétendre à l’exhaustivité) :
L’exception Samir Geagea (1994-2005) :
Parmi les nombreux assassinats de responsables politiques libanais ayant émaillé l’histoire du Liban, celui commis contre l’ancien Premier ministre Rachid Karamé, dont l’hélicoptère avait été piégé le 1ᵉʳ juin 1987 alors qu’il s’apprêtait à rejoindre Beyrouth depuis Tripoli, fait office d’exception. Plus d’une décennie après les faits, en 1999, la cour de justice avait rendu un verdict pointant la responsabilité d’une cellule des Forces libanaises, alors dissoutes, et de son chef Samir Geagea, qui fut emprisonné entre 1994 et 2005.
M. Geagea avait d’abord été condamné en 1995 pour le meurtre d’un rival chrétien, Dany Chamoun, chef du Parti national libéral.
Il s’agit des seules peines de prison à avoir été prononcées contre un chef de milice au lendemain de la guerre civile, alors qu’une loi d’amnistie avait été votée le 26 août 1991 pour permettre aux responsables des crimes commis durant la guerre de se soustraire à la justice pénale. Ces deux verdicts, rendus sous l’occupation syrienne, ont ainsi été fortement contestés par une partie de l’opinion et des ONG de défense des droits humains.
Chahé Barsoumian et les résidus pétroliers (1999-2000)
Ancien ministre de l’Industrie et du Pétrole sous plusieurs gouvernements différents entre 1992 et 1998, Chahé Barsoumian fait également partie des rares ministres à être passés par la case prison. Soupçonné de corruption, de favoritisme et d’avoir dilapidé des fonds publics dans l’adjudication de contrats pétroliers, il a été condamné et incarcéré en mars 1999 sur ordre du parquet financier. Onze mois plus tard, il a été libéré sous caution avant d’être blanchi en 2005 par un vote de la Chambre des députés.
Michel Samaha et les explosifs syriens (2013-2016)
Ancien ministre de l’Information et du Tourisme dans plusieurs gouvernements postérieurs aux accords de Taëf, signés le 22 octobre 1989 et destinés à mettre fin à la guerre civile, Michel Samaha avait été arrêté en août 2012 à la demande du procureur général dans le cadre d’une affaire de transport d’explosifs qui lui auraient été remis par les renseignements syriens au Liban.
Après une première condamnation en 2013 par le tribunal militaire à une peine de 4 ans et demi de prison, il avait été libéré en janvier 2016, avant d’être de nouveau jugé en cassation et condamné à purger une peine de 13 ans de travaux forcés pour « terrorisme » et à la déchéance de ses droits civiques.
Ancien conseiller du président Bachar el-Assad, Michel Samaha faisait régulièrement partie des délégations présidentielles syriennes lors des voyages à l’étranger. Il avait été auparavant, pendant de nombreuses années, un cadre dirigeant du parti Kataëb avant de s’aligner sur les thèses du parti Baas syrien et de collaborer avec les forces syriennes au Liban.
Sa condamnation par la justice libanaise s’est basée sur des preuves de flagrant délit, l’ancien ministre ayant été filmé, à son insu, en train de répartir des tâches relatives à des assassinats ou des attentats dans diverses régions du Liban contre des personnalités appartenant à la communauté sunnite. Il a finalement été libéré le 2 août 2022.
Badri Daher, de l’explosion du 4-Aôut au Captagon (2020-2023)
Ex-directeur des douanes libanaises, Badri Daher est le plus haut fonctionnaire à avoir été emprisonné dans l’affaire de la double explosion au port de Beyrouth du 4 août 2020, lors de laquelle il était encore en poste. Proche du Courant patriotique libre, il a été incarcéré quelques semaines après le drame et relâché en janvier 2023 avec seize autres détenus sur décision de l’ancien chef du parquet, Ghassan Oueidate, alors qu’il est toujours mis en cause par le juge d’instruction près la cour de justice Tarek Bitar.
Par ailleurs, M. Daher avait été mis en cause dans une autre affaire concernant sa demande de levée de l’interdiction de voyage d’un prince saoudien pris en flagrant délit de contrebande de Captagon hors du Liban en novembre 2020. Il avait été innocenté par la chambre d’accusation de Beyrouth, en octobre 2022.
Depuis février dernier, Badri Daher est en outre visé par cinq mandats d’arrêt émis par le juge d’instruction Bilal Halaoui après sa non-comparution à une audience concernant l’organisation d’une vente aux enchères de biens saisis par les douanes. Il est accusé d’« enrichissement personnel, de négligence des charges de la fonction et de gaspillage de fonds publics ».
Les « petits » fonctionnaires
Dans le cadre d’une vaste lutte contre la corruption menée ces dernières années, des arrestations avaient également eu lieu contre des fonctionnaires de moindre échelle comme Hoda Salloum, directrice générale du département du trafic routier. Dans le cadre d’une enquête sur des soupçons de corruption visant les centres d’enregistrement des véhicules à travers le Liban, elle a ainsi été incarcérée avec 70 autres employés du même département en novembre 2022 par la Chambre d’accusation du Mont-Liban. Cette dernière a également inculpé à la même époque des fonctionnaires du service foncier des cadastres de Baabda et du Metn, pour avoir amassé des sommes mirobolantes par des pots-de-vin soutirés à des contribuables.
Enfin, Aurore Féghali, l’ancienne directrice générale du Pétrole au ministère de l’Énergie et de l’Eau, avait quant à elle été arrêtée début mai 2020 avant d’être libérée sous caution deux semaines plus tard. Elle avait été épinglée dans le cadre du scandale dit du « fuel défectueux » livré aux centrales électriques libanaises. Un mois plus tôt, Électricité du Liban (EDL) avait signalé à la justice que l’entreprise publique algérienne Sonatrach lui avait livré du carburant frelaté, conduisant à l’arrestation du représentant de l’entreprise au Liban, Tarek Faoual.
Personne à la rédaction pour un rappel avec l’affaire Intra. Je lis, par hasard, quelque part, un peu tard : ""LE 14 OCTOBRE 1966, LA BANQUE INTRA SOUFFRIRA D'UN MANQUE DE LIQUIDITES QUI L'AMENERA A CESSER D'HONORER SES PAIEMENTS. EN CAUSE, LE REFUS DE LA BANQUE CENTRALE LIBANAISE FONDEE EN 1964, D'ACCORDER CES LIQUIDITES"". De 1964 à 2024, que d’épisodes ayant défrayé la chronique. Notre banque centrale est donc récente, mais que d’histoires pour nous rafraîchir la mémoire. Comment fait-on avant sans banque centrale, ni gouverneur ?
04 h 58, le 05 septembre 2024