Arrêté le 8 août 2012, Michel Samaha, ancien ministre réputé pour ses relations étroites avec le régime syrien, a retrouvé la liberté hier, après avoir purgé une peine de prison de dix ans, presque jour pour jour. M. Samaha a été condamné pour avoir planifié, en coordination avec le chef du bureau qui chapeaute l’ensemble de l’appareil sécuritaire syrien, le général Ali Mamlouk, un transport d’explosifs depuis la Syrie jusqu’au Liban dans le but de les utiliser dans des assassinats et divers actes terroristes. Sa condamnation par la justice libanaise s’était basée sur des preuves de flagrant délit, l’ancien ministre ayant été filmé, à son insu, en train de répartir des tâches relatives à des assassinats ou des attentats dans diverses régions du Liban contre des personnalités sunnites. L’arrestation de Michel Samaha avait été précipitée par des aveux auxquels il s’était livré, après avoir été confronté à des preuves tangibles sur son implication. L’ancien ministre et député avait reconnu avoir planifié, à l’instigation de Damas, plusieurs attentats à la bombe qui étaient prévus lors d’iftars (durant le mois du ramadan) au Liban-Nord, et précisément au Akkar, l’objectif étant de provoquer une discorde sunnito-alaouite et sunnito-chrétienne. Il avait également avoué que les explosifs préparés à cette fin avaient été transportés de Syrie à bord de sa voiture de type Mercedes.
« J’avais l’intention de provoquer un choc pour mettre fin à l’anarchie au niveau de la sécurité au Akkar. Je pensais que ce choc était de nature à favoriser une entente politique autour de l’adoption de mesures sérieuses pour contrôler la frontière, à travers l’armée, ce qui mettrait fin aux interventions dans ce qui se passe en Syrie », s’était justifié l’ancien ministre, selon l’acte d’accusation rendu public en février 2013. Le premier juge d’instruction militaire, Riad Abou Ghida, avait alors requis la peine de mort contre l’ancien ministre et – pour la première fois dans l’histoire du Liban de l’après-guerre – contre un haut responsable syrien, en l’occurrence le chef des renseignements syriens. Mais Michel Samaha a finalement été condamné, durant la même année, par le tribunal militaire à une peine de 4 ans et demi de prison, la cour ayant considéré qu’il n’était pas passé à l’acte. Il avait été libéré en janvier 2016, avant d’être de nouveau jugé, en avril de la même année, par cette même instance et condamné à purger une peine de 13 ans de travaux forcés et à la déchéance de ses droits civiques. Ce qui signifie que M. Samaha ne peut plus exercer aucune activité politique ou commerciale à l’avenir. La peine initiale dont il avait fait l’objet avait été multipliée par trois sous la pression populaire, mais aussi grâce à une entente politique conclue dans les coulisses et qui consistait à infliger à M. Samaha une peine maximale en échange du renoncement des figures du 14 Mars, à leur tête le ministre de la Justice de l’époque Achraf Rifi, à réclamer l’abolition du tribunal militaire, une cour d’exception décriée par de nombreuses organisations pour sa procédure opaque et qui occulte les normes du procès équitable, dont les droits de la défense. Conseiller du président Bachar el-Assad, Michel Samaha faisait régulièrement partie des délégations présidentielles syriennes lors des voyages à l’étranger. Il avait été auparavant, pendant de nombreuses années, un cadre dirigeant du parti Kataëb, avant de s’aligner sur les thèses du parti Baas syrien et de collaborer avec les forces d’occupation syriennes au Liban. L’ironie de l’histoire a voulu que l’ancien ministre soit libéré le 2 août, soit deux jours avant la deuxième commémoration du drame du port de Beyrouth. Un crime innommable qui a fait 220 morts et des milliers de blessés et qui, à ce jour, est resté impuni du fait de mille et une manœuvres d’obstruction visant à empêcher l’enquête menée par le juge d’instruction Tarek Bitar. Le dessaisissement du juge Bitar pendant près de 10 mois par intermittence est le signe patent du « dysfonctionnement des services de la justice », souligne Akram Azouri, pénaliste. « Lorsque l’État se désiste de sa fonction première qui est de garantir le bon fonctionnement de la justice, il s’annule lui-même et laisse le champ libre aux gens d’exercer une justice privée qui est l’apanage des sociétés tribales antérieures à la création de l’État », note le juriste. Et de rappeler qu’avant l’accord de Taëf, même si la justice n’était pas toujours rendue de manière exemplaire, les hommes politiques ménageaient au moins la forme. Ce qui n’est plus le cas de nos jours.
commentaires (4)
Quelle HONTE, mais qui illustre très bien comment le pays est kidnappé et torturé par des forces malfaisantes syro-iraniennes pour le bonheur du diable même...
Wlek Sanferlou
14 h 50, le 03 août 2022