« Mon mari m’a sommée d’aller me coucher ! Il me disait que rien n’allait arriver », raconte Salma*, de son appartement à quelques encablures du port de Beyrouth. « J’avais peur qu’un missile nous tombe sur la tête », explique-t-elle, suivant les nouvelles avec des proches par téléphone. Après avoir zappé en continu sur les chaînes de télévision arabes, européennes et américaines, son cousin à Broummana (Metn) a lui aussi finalement éteint les feux. « Un vaudeville ! » finit par qualifier quelques petites heures de sommeil plus tard Salma, visiblement exaspérée, au téléphone.
Dans la nuit de samedi à dimanche, nombreux sont les Libanais à ne pas avoir fermé l’œil de la nuit. Nombreux sont ceux aussi à avoir dormi à poings fermés. Alors que l’Iran annonçait en soirée le lancement de quelques centaines de drones vers Israël, une première historique, en riposte à la frappe aérienne – non revendiquée – par Israël sur une annexe du consulat iranien à Damas le 1er avril, les habitants du Liban ont oscillé entre la crainte d’un embrasement régional et la lassitude face à une « mascarade ».
« Rien de grave »
Dans le quartier de Geitaoui, à Achrafieh, Élie explique avoir dormi « confortablement » : « Ces deux-là (Israël et l’Iran) se sont mis d’accord », explique-t-il. Pour lui, tout ça « n’est que de la propagande… Je suis persuadé qu’ils n’ont rien frappé. Un rocher peut-être… » dit-il. Et d’ajouter : « Si Israël n’a pas eu peur, pourquoi moi je devrais ? »
Non loin de là, dans un cours de sport à Gemmayzé, tenu de bonne heure dimanche matin, la riposte iranienne s’invite entre deux soulevés de jambes. « Mon frère nous a prévenus par texto de ne pas sortir de la maison… avant de nous envoyer une vidéo de lui finalement parti en boîte de nuit ! » raconte la coach. Léa, qui assiste au cours, explique avoir vite compris qu’il ne s’agissait de « rien de grave », à l’instar de sa camarade de classe qui, malgré sa nature anxieuse, a rapidement relativisé la situation : « Ça se voyait que l’action était coordonnée. Aucun effet de choc : les drones (iraniens) avaient besoin de neuf heures pour arriver… » souligne-t-elle.
À Jiyé, à une vingtaine de kilomètres au sud de Beyrouth, Leila Joheir explique avoir été réveillée en matinée par le bourdonnement d’un drone israélien survolant la région. « Toute la nuit, j’étais stressée par ce qui se passait. Un de mes cousins a vu des engins dans le ciel à Saïda », dit-elle. « Nos nerfs sont tendus. On ne sait pas ce dont est capable ce fou de (Benjamin) Netanyahu… », le Premier ministre israélien, lance-t-elle.
Très loin de là, en France, c’est au réveil que Diane est tombée sur l’information à la une des actualités internationales. « J’ai eu très peur… J’ai contacté tous mes proches pour m’assurer qu’ils allaient bien », dit-elle. Mais les analyses politiques d’experts à la télévision la rassurent : « Finalement, cette attaque, ce n’est que des paroles… Ils ont sauvé la face mais, en conséquence, Israël a retrouvé le soutien international qu’il avait perdu et reconquis l’opinion publique », dénonce-t-elle, amère.
« Même pas peur »
Si la vie semble avoir dès l’aube repris son cours dans la capitale, les nerfs des Libanais des régions du Sud sont plus tendus. « Que personne ne vive ce que j’ai vécu ! » lâche Fatima* à Khiam, village frontalier avec Israël et bombardé depuis le début des affrontements entre le Hezbollah et l’État hébreu le 8 octobre dernier, dans le sillage de la guerre à Gaza. Déplacée depuis, Fatima est descendue samedi rendre visite à ses proches. « Tout était calme », dit-elle. Jusqu’à la nuit quand, vers 3h30 du matin, l’aviation israélienne a bombardé de deux missiles une place du centre du village, faisant un mort et cinq blessés, selon une source médicale sur place citée par le correspondant de L’OLJ. « Jamais je n’ai été aussi terrorisée. On aurait dit que les frappes avaient lieu juste à côté de moi », dit-elle, disant ranger ses affaires pour quitter le village.
Non loin de là, à Hebbariyé, à deux pas de la frontière, jamais Em Mohammad n’avait vécu une telle nuit au cours des six derniers mois de conflit au Liban-Sud : « Personne n’a trouvé le sommeil ici, lâche-t-elle. La terre tremblait et le bruit était assourdissant. » Pour autant, elle l’assure : « Même pas peur. » « On s’attendait à ce que l’Iran aille plus loin contre Israël pour libérer la Palestine et que l’on puisse enfin se reposer », assène-t-elle au téléphone.
Déplacée de Khiam vers le caza de Nabatiyé, Emné* n’a pas non plus dormi de la nuit. « Mes parents à Beyrouth n’ont cessé de m’appeler pour que je les rejoigne. Je leur ai dit que j’attendrai de voir comment la situation évolue », affirme-t-elle. Si elle pointe du doigt « l’hystérie et la panique » des Israéliens dans la nuit de samedi, démontrant selon elle « leur lâcheté devant le monde entier », Emné espère néanmoins qu’« il n’y aura pas de règlement de comptes sur le territoire libanais ».
Hassib Abdelhamid, lui, n’y croit pas. S’il admet que la nuit a été « terrible » et « impressionnante » dans son village de Kfar Hamam, près de Hebbariyé, il balaie l’idée d’une guerre régionale. « L’Iran s’est contenu, comme s’il y avait eu un accord avec les États-Unis », analyse-t-il, ajoutant toutefois s’attendre à ce que « le Liban-Sud morfle dans les prochains jours ».
Un refrain que certains Libanais reprennent ce dimanche matin, évoquant le scénario de la pièce de théâtre de Ziad Rahbani Un long-métrage américain. Le metteur en scène libanais y raconte le quotidien de patients souffrant de maladies mentales liées à la guerre dans un hôpital psychiatrique au Liban, fait de complots dans un pays présenté comme l’arrière-cour des jeux des grandes puissances. « Tu l’as vue ? Non ? Visionne-la ! s’exclame Salma. Les dindons de la farce, ce sera nous ! »
*Les prénoms ont été modifiés.
Si ceux qui attaquent Israël de sauvagerie et d'inhumanité depuis des décennies nous proposent un modèle plus vertueux...!!! Leurs soutiens sont des régimes plus barbares les uns que les autres...!!! Ne prenez pas vos contradicteurs pour des imbéciles...!!! Votre mobile est de la Haine Pure car elle veut remplacer une soi-disant barbarie par d'autres encore plus affreuses ...!!! Vous prêchez la Haine... rien d'autre Respectez les Esprits lucides et remettez vous en cause...
13 h 19, le 15 avril 2024