Le Mossad de retour à Beyrouth ? Les enquêtes en cours pointent du doigt le service extérieur des renseignements israéliens dans l’élimination mardi soir à Beit Méry de Mohammad Srour, a appris L’Orient-Le Jour auprès de plusieurs sources sécuritaires. Ce changeur travaillant dans les associations Baït el-Mal et al-Qard al-Hassan du Hezbollah était visé par des sanctions américaines pour son rôle présumé dans le financement du Hamas pour le compte des gardiens de la révolution iraniens. Son élimination suscite des craintes quant à la capacité des Israéliens de mener d’autres opérations du même type dans le futur, comme lors des années de la guerre civile libanaise.
Cette affaire soulève de nombreuses questions sur la situation du pays, qui semble désormais exposé à toutes les possibilités dans le cadre de la guerre militaire et sécuritaire en cours entre Israël et le Hezbollah. Ce dernier maintient toujours le silence, affirmant qu’il laisse l’enquête suivre son cours et attend ses résultats. « Il faut que l’enquête soit sérieuse et approfondie, l’affaire est très grave », tient à souligner un proche du parti.
Srour torturé
D’après la version des sources sécuritaires interrogées, Mohammad Srour est sorti de chez lui le 3 avril en direction de Beit Méry, plus précisément du quartier de Monteverde. Là-bas, il s’est rendu dans l’une des villas pour remettre une somme d’argent transférée d’Irak au Liban pour le compte d’une femme prétendant s’appeler Zeinab Hammoud. Il s’était déjà rendu auparavant dans cette villa en compagnie de son neveu pour les mêmes motifs. Mais lors de sa seconde visite, il a été retenu contre son gré et a subi un interrogatoire sévère, sous la torture et les menaces. Les ravisseurs réclamaient des informations sur son mode opératoire et sur les personnes avec lesquelles il travaillait au Liban, en Iran ou dans d’autres pays, ainsi que sur les changeurs qui collaboraient avec lui dans la bande de Gaza. Toujours selon ces informations, la victime a été touchée par six balles tirées d’un pistolet Glock 19. Les enquêteurs estiment que les balles ont été tirées sur ses jambes l’une après l’autre afin de lui retirer le maximum d’informations et de le terroriser davantage. « Srour était surveillé par les Américains et les Israéliens et il était recherché par eux depuis 2018, avant d’être placé sur la liste des sanctions en août 2019 », précise un des responsables de sécurité interrogé.
Son élimination intervient à l’heure où les Israéliens ont dans leur viseur les modes de financement du Hamas et traquent à cet effet de nombreux changeurs – dont une soixantaine ont déjà été éliminés – à l’intérieur de la bande de Gaza. En Turquie, les autorités ont par ailleurs annoncé l’arrestation de plusieurs cellules affiliées au Mossad, pour avoir poursuivi des éléments du Hamas ou avoir mené des opérations sur le territoire turc ciblant des changeurs de monnaie.
Le mode opératoire
L’enquête se poursuit à la recherche d’autres pistes. Lorsqu’il opère au Liban, le Mossad s’appuie en général sur des acteurs locaux qui lui fournissent le soutien logistique dont il a besoin. D’ailleurs, la femme qui prétendait être Zeinab Hammoud parle avec un accent libanais, ce qui pousse les enquêteurs à chercher les Libanais impliqués dans le crime. Quant à la villa où le crime a eu lieu, elle n’a pas été louée directement entre les propriétaires et les locataires, mais via une application mobile, et la réservation a été effectuée depuis l’extérieur du Liban. Même les paiements ont été transférés sur un compte bancaire à l’étranger, révèle une source proche de l’enquête.
Les organes de sécurité surveillent toutes les caméras autour de la villa, dans une tentative de détecter tout mouvement suspect. Sauf que les personnes impliquées dans l’opération avaient des provisions pour plusieurs jours afin de ne pas attirer l’attention sur leurs entrées et sorties. Les agents du Mossad utilisent généralement des passeports étrangers pour entrer en territoire libanais, ce qui est actuellement au centre de l’enquête pour déterminer leurs heures d’entrée et de sortie, avec des indications selon lesquelles ils ont probablement déjà quitté le pays. La confirmation de leurs identités se fait en croisant les images des caméras de surveillance à l’aéroport, aux frontières et aux abords de la villa louée. Les assaillants ont, selon les sources interrogées, laissé l’argent sur place, ainsi que leurs armes et les vêtements utilisés, mais tout a été plongé dans l’eau avec des produits de nettoyage pour effacer les empreintes et ne laisser aucune trace, ce qui prouve le niveau de professionnalisme de l’équipe.
Si l’enquête confirme l’implication du Mossad dans cette opération, cela signifierait le début d’une nouvelle phase dans le conflit entre le Hezbollah et Israël. En plus des opérations visant à éliminer les cadres militaires et sécuritaires du parti chiite, Israël aurait également commencé à cibler ses sources de financement.
Cette opération, dans ses détails, renvoie les enquêteurs et les observateurs à l’incident qui a eu lieu il y a quelques semaines, quand des personnes munies de passeports diplomatiques sont entrées dans la banlieue sud de Beyrouth avant d’être arrêtées par les autorités libanaises. Certaines étaient armées tandis que d’autres surveillaient et filmaient certaines zones. Sauf que les autorités libanaises n’ont pas pu les interroger en raison de leur immunité diplomatique.
commentaires (6)
Donc si on comprend bien la situation. L’assassinat de M Srour entraîne une enquête approfondie et c’est le Mossad, alors que celle de P Sleimane est fini en 1 jour avec vol de voiture comme argument. Paix à leurs âmes à tous les 2. Je me demande juste comment sont menés les enquêtes
EL Khoury Jony
12 h 25, le 13 avril 2024