« Nous allons pouvoir couvrir nos dépenses », assurait à L’OLJ l’homme d’affaires Michel Mecattaf, fondateur de Nida’ el-Watan (« L’appel de la nation », NDLR), au lendemain du tirage du premier numéro le 1er juillet 2019, quelques mois à peine avant le déclenchement de la crise économique et financière au Liban.
Moins de cinq ans plus tard, le pays toujours en crise et en plein conflit régional au Liban-Sud, les quelque 30 journalistes du titre, envisagé par son fondateur lors de son lancement comme l’« alter ego de L’Orient-Le Jour en langue arabe », ont appris mardi que la dernière édition du journal tiré à 15 000 exemplaires aura lieu fin mars, soit ce vendredi (en raison des congés de Pâques).
« Les employés du journal ont été informés qu’ils recevraient leur dernier salaire en mars et que le journal allait cesser d’être imprimé. La direction leur a proposé de poursuivre de manière bénévole leur travail en avril pour la version numérique, dans l’espoir de trouver un repreneur », a indiqué une source informée à L’OLJ. Le rédacteur en chef Béchara Charbel s’est montré positivement surpris par « la solidarité » montrée par les journalistes : « Ils ont tous décidé de rester à leur poste jusqu’à fin avril. »
Selon la même source, après la mort de Michel Mecattaf, le 18 mars 2022, des suites d’une crise cardiaque, la famille Mecattaf a continué de financer le journal pendant deux ans, « mais ni ses frères ni son fils n’avaient de projet politique pour le journal, qui coûte environ 2 millions de dollars par an. Donc ils ont décidé d’arrêter ».
« Contacts engagés » pour une reprise
Ancien partisan des Kataëb et candidat malheureux aux élections législatives de 2018 dans le Metn pour les Forces libanaises (FL), Michel Mecattaf – qui avait eu des démêlés avec la justice en 2021 via sa société de transfert de fonds Mecattaf – avait annoncé à L’OLJ en juillet 2019 son intention de créer un journal qui soit « le porte-étendard de la défense des idées du 14 Mars, à savoir l’indépendance, la souveraineté et la liberté du Liban ».
Rana Jouni, correspondante au Liban-Sud pour ce journal, qu’elle considère comme « sa seconde maison » depuis 2019, assure que si « les correspondants n’ont pas été informés directement » de la fermeture du journal, elle en avait perçu plusieurs signes annonciateurs : « D’abord, le retard pris dans le versement de mon salaire de février, finalement payé. Puis j’ai lu l’article d’al-Akhbar évoquant les difficultés financières du journal. »
« Nida’ el-Watan lance un appel à l’aide financière », titrait ainsi al-Akhbar samedi dernier, évoquant le risque que l’équipe rédactionnelle soit réduite, voire pire. Deux jours plus tard, ce même quotidien, proche du Hezbollah, annonçait que le chef des FL « Samir Geagea s’engage à financer Nida’ el-Watan ». Contacté, le porte-parole des FL, Charles Jabbour, nuance : « Les Forces libanaises ont leurs propres médias, comme Radio Liban Libre, et n’ont pas les moyens de financer Nida’ el-Watan », précisant que le parti chrétien « n’en est pas moins concerné par la survie du journal et multiplie les contacts avec de possibles repreneurs ».
Enfin, d’après la source susmentionnée, « à l’heure actuelle, la seule option sérieuse envisagée est de réunir 10 ou 15 actionnaires prêts à mettre chacun 100 000 dollars sur la table ». Béchara Charbel se dit « optimiste » face au sérieux des contacts engagés, qu’il dit être dans « le camp des souverainistes », tout en ne voulant pas « donner de faux espoirs » à son équipe.