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Les tonnants silences de l’Oncle Sam

De Biden ou de Netanyahu, lequel arrivera à faire plier l’autre ? Le vote intervenu lundi au Conseil de sécurité de l’ONU a spectaculairement creusé le fossé entre ces deux étroits alliés que sont traditionnellement les États-Unis et Israël ; mais la fin de la partie est loin d’être sifflée pour autant.


À plus d’un titre, la résolution onusienne a de quoi irriter au plus haut point les Israéliens, et pas seulement parce qu’elle use de ces deux mots de cessez-le feu et d’immédiat, longtemps tabous pour les Américains eux-mêmes ; fait remarquable, le texte ne renferme en outre aucune condamnation explicite du Hamas palestinien. Mais surtout, la résolution est passée comme une lettre à la poste, à la quasi-unanimité du Conseil, sans encourir un quelconque veto de la délégation US qui, après avoir usé et abusé de ce droit, a préféré cette fois s’abstenir. Qui ne dit mot consent, et il est des silences bien plus éloquents que mille discours.


Pour historique qu’il soit, le vote de lundi n’est pas pour autant le Pérou. Censé ouvrir la voie à un arrêt durable des hostiités, ce cessez-le-feu ne vaut d’abord que pour le mois de ramadan, dont la moitié est déjà écoulée en pure perte de vies humaines. Et il ne vaut, de surcroît, que ce que valent les résolutions onusiennes, théoriquement contraignantes mais souvent méprisées par les États interpellés : spécialité dans laquelle Israël est d’ailleurs passé champion toutes catégories, comme il le démontrait dès hier en redoublant de violence.


Toujours est-il que ce n’est pas tant l’expédition contre le Hamas qui embarrasse ou inquiète les États-Unis que le désastre diplomatique qui en résulte pour ses auteurs : et inévitablement aussi pour leurs protecteurs. Cet isolement croissant d’Israël est même le seul point sur lequel s’accordent Joe Biden et son rival Donald Trump : le premier prêchant désormais la modération, alors que le candidat républicain exige au contraire qu’on en finisse au plus vite avec le job. C’est autour de l’offensive terrestre projetée contre la ville de Rafah que tourne d’ailleurs l’actuelle brouille israélo-américaine. Les États-Unis s’effarent à juste titre de l’hécatombe que provoquerait une telle opération, le gouvernement israélien n’ayant produit aucun plan crédible d’évacuation de la population civile. Pour marquer sa colère après l’abstention US, Netanyahu a même été jusqu’à décommander l’envoi d’une délégation à Washington chargée d’y débattre de la question.


Pour les Américains par contre, aucun changement de cap n’a eu lieu, et il n’y a guère dans tout cela de quoi fouetter un chat. Mieux, à défaut de dialoguer avec Bibi, ils ne sont guère en panne d’interlocuteurs israéliens. Il y a peu, le ministre sans portefeuille Benny Gantz s’en allait fuguer sur les rives du Potomac. En ce moment, c’est le ministre de la Défense Yoav Gallant qui est l’invité du Pentagone. Ces deux hommes ne cachent guère leurs désaccords avec Netanyahu, mais cela n’en fait pas pour autant des archanges de paix. Inquiétante est ainsi l’exigence de Gallant, tout juste formulée, d’une victoire totale à Gaza ; car toute demi-solution, a-t-il fait valoir, donnerait des ailes au Hezbollah et forcerait donc Israël à entreprendre une opération d’envergure sur son front nord. Ce que veut dire en somme ce personnage, c’est que si Israël se retrouvait frustré d’un triomphe absolu, il lui faudrait se défouler en allant casser le Liban.


Affligés d’un gouvernement vissé aux abonnés absents et qui n’a d’autre motif d’espérance que les intercessions du sieur Amos Hochstein, c’est là que les Libanais auraient apprécié un brin de commentaire sur la question. Car il est aussi certains silences dont on se passerait bien.

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

De Biden ou de Netanyahu, lequel arrivera à faire plier l’autre ? Le vote intervenu lundi au Conseil de sécurité de l’ONU a spectaculairement creusé le fossé entre ces deux étroits alliés que sont traditionnellement les États-Unis et Israël ; mais la fin de la partie est loin d’être sifflée pour autant.À plus d’un titre, la résolution onusienne a de quoi irriter au plus haut...