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Nos Lecteurs ont la Parole

Un mal libanais : compromission et manque de sérieux

Les sources profondes du désastre libanais depuis surtout 2016 relèvent de la psychologie historique du Libanais, de la culture politique dominante et des mentalités. Depuis la création de l’État (sic) du Grand Liban, le 1er septembre 1920, le Libanais n’a pas acculturé l’État perçu comme un organe étranger en raison de plusieurs siècles d’occupation.

Aucun régime politique dans le monde ne fonctionne avec régularité dans des situations d’occupation. C’est le cas depuis l’accord du Caire en 1969 et ses séquelles et un accord similiaire revisité du 6 février 2006. Même avec la Constitution libanaise la plus adaptée, des rapports interculturels historiques et profonds entre les communautés et un environnement moins hostile et plus démocratique, la gouvernabilité du Liban exige un changement de mentalité. Il s’agit notamment de : la culture et l’acculturation de l’État ; la mémoire collective et partagée, grâce à une historiographie scientifique, mais aussi réaliste et pragmatique ; la fin d’une adaptabilité libanaise extrême, sans aucun seuil de tolérance en ce qui concerne la souveraineté et les fonctions essentielles de l’État. Tolérance certes, mais il y a, comme en médecine, un seuil de tolérance au-delà duquel le corps refuse, rejette et risque la mort.

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La résilience (« resilientia ») est la « capacité à vivre, à se développer, en surmontant les chocs traumatiques, l’adversité » (Le Robert). La capacité de résilience du Libanais est extrême, sans aucun seuil de tolérance ! L’entrecroisement des intérêts dans un petit pays, l’enchevêtrement des liens de parenté, d’amitié et d’échange, la multi-appartenance des citoyens à plusieurs organisations sociales et la force des pressions extérieures ont fait que le Libanais se trouve trop accommodant, sans aucun seuil de tolérance ! Les Libanais, mûris par une communauté d’expérience, scandaient en octobre 1990 une chanson patriotique avec ce refrain: « Qu’une fois, au moins, dites non » (Qûlû shî marra la’). C’est par excès de tolérance (au sens médical) que le Liban a connu un excès de violence.

L’accommodement sur des problèmes dichotomiques, non négociables par nature, fait détériorer une situation endémique, ajournant ainsi à plus tard un conflit qui explosera avec plus de violence, car il sera surchargé des séquelles et des dysfonctions accumulées du passé.

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Comment un homme de devoir peut-il, dans un petit pays comme le Liban où tout le monde se connaît, sauvegarder ses bonnes relations et leur chaleur humaine tout en appliquant la norme et la loi ? Dilemme dramatique pour le politicien ayant la trempe de l’homme d’État, pour le magistrat, le fonctionnaire, le chef d’un établissement ou d’un collège, le gérant d’un immeuble en copropriété, le père et la mère de famille au sein de la famille libanaise étendue.

En passant de la musâyara (complaisance) à la norme réfléchie, consentie et juste, les relations à tous les niveaux gagnent en chaleur humaine, avec plus de transparence et moins d’interférence néfaste du privé sur le public.

Nombre d’expressions du terroir exigent désormais une thérapie : Ma’lesh, Mashîha, Shû-fîha, Baynâtna, Tarrîha, Mâ-tehmul al-sullum bi-l-’ard… (Ça ne fait rien, Fais passer, Entre nous, Ne porte pas l’échelle en largeur…). Toute une éducation est nécessaire pour apprendre désormais que signifie être sérieux !

Antoine MESSARRA

Ancien membre du Conseil

constitutionnel, 2009-2019

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Les sources profondes du désastre libanais depuis surtout 2016 relèvent de la psychologie historique du Libanais, de la culture politique dominante et des mentalités. Depuis la création de l’État (sic) du Grand Liban, le 1er septembre 1920, le Libanais n’a pas acculturé l’État perçu comme un organe étranger en raison de plusieurs siècles d’occupation.Aucun régime politique dans...

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