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Culture - Théâtre/Rencontre

Quand Betty Taoutel joue sa « Mono Pause » sur scène

Après une éclipse de quatre ans, la pétulante comédienne, auteure et metteuse en scène remonte sur les planches du théâtre Tournesol, en duo avec le Dr Jacques Mokhbat, dans une nouvelle pièce de sa création.

Quand Betty Taoutel joue sa « Mono Pause » sur scène

Betty Taoutel, la reine du tragi-comique libanais. Photo DR

Le jeu de mots du titre est, en lui-même, assez éloquent…Même si le synopsis de Mono Pause, la nouvelle pièce que présente Betty Taoutel au théâtre Tournesol*, se veut hyperlaconique. « C’est l’histoire de la disparition volontaire d’une femme. Les événements se déroulent dans une maison de la montagne libanaise », résume-t-il. Heureusement qu’il y a l’affiche qui préfigure le registre drolatique de cette nouvelle création. On y voit les jambes croisées d’une femme : la gauche galbée de bas résille et le pied glissé dans un escarpin à talon aiguille, tandis que la droite, habillée d’un fuseau bariolé, fini dans une pantoufle. Avec aussi une main en vernis rouge fatal et l’autre en gant de ménagère...Tout un programme !


Une affiche prometteuse... Photo DR

Mais où était donc passée la comédienne ?

Si, pour son retour au théâtre après quatre ans d’absence, l’auteure-metteuse en scène et comédienne fait bien des mystères, c’est un peu par superstition. Betty Taoutel avoue en effet être un peu sur le qui-vive. Car, à l’instar d’une bonne partie des Libanais, elle revient de loin. Et surtout d’une année 2020 particulièrement catastrophique pour elle. « Le 6 mars de cette année-là, je présentais Couloir al-faraj (Le couloir de la délivrance) au théâtre Tournesol, lorsque la pandémie de Covid-19 nous a obligés à tout arrêter en plein succès. J’avais beaucoup investi dans cette pièce, que j’avais moi-même produite et qui incluait, outre une troupe de 18 comédiens sur scène, dont deux grands noms Georges Diab et Tony Mehanna, des projections de vidéos tournées spécifiquement en amont », indique-t-elle. Et de poursuivre : « Cet arrêt brutal, je l’ai ressenti comme une amputation. D’autant qu’entre l’argent bloqué en banque, le remboursement des billets, le règlement des frais et la dépréciation du montant récolté en livres libanaises, je me suis retrouvée dans de mauvais draps. Quand, en plus, l’explosion au port de Beyrouth a eu lieu, dévastant ma maison, blessant gravement ma mère et provoquant la mort de deux voisins et amis, c’était plus que je ne pouvais supporter. Et, le confinement s’éternisant, j’ai vraiment déprimé. Je n’arrivais plus à faire de projets, encore moins à m’atteler à l’écriture d’une pièce. »

Pour cette auteure de théâtre qui a toujours puisé son inspiration de la réalité libanaise, tirant des rouages sociétaux et des comportements de ses compatriotes la matière première d’un cocasse de situation, l’actualité de ces dernières années était trop tragique, trop absurde, trop douloureuse pour la mettre en mots et en situations prêtant au rire.

Betty Taoutel et Jacques Mokhbat, le duo de « Mono Pause », une pièce libanaise à l’affiche du théâtre Tournesol. Photo DR

« Cette réalité-là dépassait la fiction. Je n’avais pas encore le recul nécessaire pour digérer ce qui nous était arrivé. Et je ne pouvais vraiment pas en rire. Comment écrire en faisant abstraction du Covid, de la dépréciation de la livre libanaise, de l’explosion du 4 août 2020 et de tout ce que nous avons subi ces quatre dernières années ? Tout ce que j’allais écrire ne pouvait que se révéler stérile par rapport à notre vécu », confie Betty Toutel, qui dit s’être alors repliée dans son rôle de mère de famille… Jusqu’à la sortie en salle à Beyrouth au début de l’année dernière du film All Roads Lead to Roma (Tous les chemins mènent à Rome) de Lara Saba dans lequel elle jouait une hilarante bonne sœur.

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Le Dr Mokhbat, facteur déclencheur

Son apparition sur grand écran va ranimer la curiosité du public à son égard. « Les gens ont commencé à me demander où j’avais disparu. Et cette question, qui revenait de manière récurrente, a fini par provoquer chez moi un déclic. J’allais faire de la disparition d’une femme le thème de départ de ma nouvelle pièce », relate la dramaturge qui, dès août 2023, va s’atteler à l’écriture de Mono Pause. L’histoire d’une femme (qu’elle interprète elle-même) qui traverse un chamboulement intérieur, exacerbé par tout ce qu’elle a vécu ces dernières années au Liban et qui décide volontairement de disparaître pour prendre une pause. Partie se réfugier dans une maison de montagne, elle y croisera en chemin un homme. Un personnage que Taoutel, qui écrit toujours des rôles spécifiques pour ses acteurs, a spécialement concocté pour son ami le professeur Mokhbat, spécialiste des maladies infectieuses et comédien à ses heures perdues. « Il m’avait contactée quelques mois plus tôt et m’avait fait part de sa lassitude de baigner dans ce tourbillon de virus et de pandémie. Et de son envie de prendre congé de la médecine en remontant sur les planches d’un théâtre. Son désir de jouer a été l’un des facteurs déclencheurs de cette pièce qui, sans évoquer directement les événements traversés, dépeint leurs conséquences sur nos vies, nos caractères et notre seuil de tolérance », signale l’auteure, qui a également signé la mise en scène de Mono Pause. Une pièce qui, à travers ce duo d’acteurs sur scène, « accompagnés des voix off de cinq autres personnages », raconte aussi la rencontre de deux personnes, « l’une en quête de solitude et l’autre fuyant la solitude », consent-elle à dévoiler.

Solidaire et passionnée

Bien qu’elle confie ressentir une certaine angoisse à l’idée que l’arrêt brutal des représentations en 2020 puisse se reproduire,  Betty Taoutel a tenu à présenter son nouveau spectacle dans la même salle du Tournesol qu’il y a quatre ans. « Par esprit de solidarité avec ce théâtre qui a accueilli plusieurs de mes pièces et qui a été la cible d’une agression pendant les événements de Tayouné et victime d’un incendie l’année dernière. Et par désir de contribuer à lui redonner sa place en tant que lieu de rencontre, et non pas de discorde et d’agression », affirme cette passionnée des planches. Laquelle aurait aimé pouvoir se « contenter de tourner dans des films et des séries télévisées. Mais j’ai un besoin viscéral d’écriture scénique. Ne pas écrire me détruirait. Et, surtout, j’ai besoin du théâtre pour sentir que j’existe. Les acteurs de cinéma et de télévision sont des icônes qu’on regarde de loin. Moi, c’est ici, sur les planches, que je sens l’amour du public », lance avec exaltation la reine du tragi-comique libanais.

« Mono Pause » au théâtre Tournesol, rond-point Tayouné. Du 14 jusqu’au 31 mars, les jeudis, vendredis, samedis et dimanches (20h30). Et les mardis et mercredis pour diverses associations caritatives. Billets en vente à la librairie Antoine.

Le jeu de mots du titre est, en lui-même, assez éloquent…Même si le synopsis de Mono Pause, la nouvelle pièce que présente Betty Taoutel au théâtre Tournesol*, se veut hyperlaconique. « C’est l’histoire de la disparition volontaire d’une femme. Les événements se déroulent dans une maison de la montagne libanaise », résume-t-il. Heureusement qu’il y a l’affiche qui...

commentaires (2)

Superbe pièce et superbe acteurs

Tacla sfeir

20 h 37, le 15 avril 2024

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • Superbe pièce et superbe acteurs

    Tacla sfeir

    20 h 37, le 15 avril 2024

  • Super et bravo !

    Moi

    13 h 27, le 16 mars 2024

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