
Le Premier ministre sortant Nagib Mikati lors de son entretien à la chaîne al-Jadeed, le 5 mars 2024. Capture d'écran Al-Jadeed
« Le Hezbollah s'attache-t-il à contenir la situation et à l'atténuer ? Ou veut-il ouvrir un nouveau front ? Je pose la question... Pour moi, il s'attache à la contenir », a affirmé le Premier ministre sortant Nagib Mikati mardi soir, lors d'une longue entrevue à la chaîne libanaise al-Jadeed. Il a estimé que le parti chiite, dont les affrontements avec Israël sont quasi-quotidiens depuis le 8 octobre 2023, « a la capacité de riposter, mais se contient. »
Dans cet entretien télévisé, le chef de cabinet a également abordé les retombées de la récente visite de l'émissaire américain Amos Hochstein lundi au Liban, détaillant les contours d'une « proposition » que le diplomate a soumise pour tenter de calmer le jeu à la frontière sud. Il a encore abordé la présidentielle et en a profité pour tacler ses adversaires politiques, le chef du CPL (Courant patriotique libre, aouniste) Gebran Bassil et le ministre sortant de la Défense Maurice Slim, proche du CPL.
La proposition d'Amos
« Tout le monde tente de calmer le front au Liban-Sud et d'instaurer une stabilité durable sur le long terme. C'est là la mission de M. Hochstein, et des propositions ont été faites » à cet effet, a indiqué Nagib Mikati en répondant aux questions de Georges Salibi sur al-Jadeed. « Un accord pour la période du ramadan aura lieu à Gaza, des informations font état d'un cessez-le-feu avant le ramadan. Chez nous, il y aura des négociations ce mois-ci », a-t-il ajouté.
L'émissaire américain « a élaboré une proposition et l'a mise sur la table. Le président Berry l'étudie, et une réponse sera apportée. Nous avons également des questions et nous attendons des réponses de M. Hochstein », a détaillé Nagib Mikati, indiquant que le président du Parlement libanais et lui-même « prendron[t] contact avec M. Hochstein dans les 48 heures, par téléphone », au sujet de cette proposition.
Le Premier ministre sortant a indiqué en outre que la proposition du diplomate US se présente comme « un outil d'application de la résolution 1701 de manière complète ». Cette résolution, conclue entre Israël et le Liban en 2006 au cours de la guerre de juillet, donne explicitement le pouvoir à la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) et à l'armée libanaise d'opérer et de maintenir la paix le long de ce que l'on appelle la Ligne bleue, qui délimite la frontière séparant le Liban d'Israël. Elle prévoit également que le Hezbollah soit tenu à l'écart de la frontière en échange du respect par Israël de la souveraineté libanaise. « Nous sommes attachés à la 1701, à condition qu'Israël stoppe ses violations contre le Liban, qui ont atteint le nombre de 35.000 entre 2006 et 2024 », a ajouté Nagib Mikati mardi soir.
Diplomatie et présidentielle
Le chef du gouvernement sortant a également abordé les contacts avec les pays du quintette impliqué dans le dossier de la présidentielle libanaise (France, États-Unis, Qatar, Égypte et Arabie saoudite). Cette échéance politique piétine depuis des mois et le Liban reste sans président depuis octobre 2022. « Les intentions françaises sont bonnes. [Paris est] un soutien du Liban, et les contacts sont perpétuels entre nous », a affirmé M. Mikati. Quant à la position saoudienne, « elle n'a pas changé », selon lui.
« Le Liban ne supporterait pas un président de la République qui soit une figure de défi. Et de ce que l'on peut voir, Sleiman Frangié ne fait pas l'unanimité », a estimé le Premier ministre en évoquant le chef des Marada, soutenu par le tandem chiite Hezbollah-Amal. Il a également rappelé que le Hezbollah est présent au Parlement avec un bloc de députés. « Je discute toujours avec eux, car l'intérêt du Liban l'exige. »
Évoquant l'initiative du bloc de la Modération nationale, M. Mikati a estimé qu'elle « fait bouger le marasme politique ». Ce groupe (constitué de députés majoritairement sunnites ex-haririens) effectue une tournée auprès de différentes formations politiques et plaide pour des discussions au sein du Parlement jusqu'à un consensus, avant d'ouvrir des séances électorales.
Piques à Bassil et Slim
Nagib Mikati a également taclé ses adversaires politiques durant l'interview, notamment le camp aouniste, qui lui est hostile. Questionné sur la possibilité d'être poursuivi par une pétition parlementaire lancée par Gebran Bassil, il a ainsi réagi : « Je suis prêt, j'espère que ça arrivera ! (...) S'il (M. Bassil) n'arrive pas à rassembler 26 députés et veut que je me poursuive moi-même, je suis prêt. »
Un minimum de 26 députés est effectivement requis pour déposer une pétition parlementaire à l’encontre du Premier ministre devant la Haute Cour chargée de juger les présidents et les ministres. Il y a deux semaines, le chef du CPL avait annoncé qu'il entamerait cette démarche, après que le gouvernement sortant a procédé à des nominations qui, selon les aounistes, n'entrent pas dans les prérogatives d'un cabinet uniquement chargé de l'expédition des affaires courantes. Quant au ministre sortant de la Défense Maurice Slim, appartenant au camp aouniste et avec qui Nagib Mikati a quasiment rompu tout lien, le chef de cabinet lui a adressé cette pique : « Je ne m'opposerai pas au ministre de la Défense. Mais si je suis poursuivi pour haute trahison, il sera poursuivi pour manquement à ses devoirs. Je sais que la décision ne lui revient pas, mais qu'il est téléguidé par d'autres », a-t-il lancé, dans une allusion à peine voilée à Gebran Bassil.
EQUITE OBLIGE : COMME VOUS NE POUVEZ PAS DECIDER NI VOUS NI LE PERCHE, ENVOYEZ LA PROPOSITION AU BARBU, DE FACTO CHEF D,ETAT DANS LA RESERVE, ET ATTENDEZ LES ORDRES.
11 h 23, le 07 mars 2024