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Société - Justice

La mésaventure d'une cargaison de blé ukrainien importée au Liban

Après que le juge des référés du Metn a confirmé que la qualité de la marchandise est conforme aux normes, une polémique a suivi, accusant le magistrat de vouloir faire entrer « une marchandise pourrie » sur le marché.

La mésaventure d'une cargaison de blé ukrainien importée au Liban

Un échantillon du blé ukrainien qui a subi des tests biologiques. Photo fournie par Jihad Abboud

La justice est saisie en ce moment d’un litige opposant le ministère de l’Agriculture à une société commerciale, Chabarek Trading SAL, sur 4 506 tonnes de blé ukrainien que la société veut faire entrer sur le marché libanais, mais que le ministère a saisi dans des silos à Beyrouth, depuis février 2023, au motif qu’un laboratoire accrédité a jugé que la marchandise est avariée. La société importatrice a porté un recours contre la décision du ministère devant le juge des référés du Metn-Nord, Ralph Karkabi, qui a émis le 17 octobre dernier un jugement autorisant l’entrée du blé, sur base de rapports d’un expert et de laboratoires accrédités attestant au contraire que le blé en question est propre à la consommation.

Alors que le ministère de l’Agriculture disposait d’un délai légal de 30 jours pour s’opposer à la décision judiciaire, il ne l’a fait que le 25 novembre. Dans un jugement prononcé jeudi, le juge Karkabi a donc rejeté l’opposition tardive du ministère représenté par le Contentieux de l’État. Selon nos informations, cette instance, qui n’a pas encore été notifiée du rejet de son recours, compte interjeter appel. Elle aura 30 jours pour le faire à partir de la date de sa notification. L’autorisation d’entrée du blé est exécutoire jusqu’à nouvel ordre, sachant que l’appel n’a pas un effet suspensif et que la décision du juge Karkabi ne pourra faire l’objet d’un arrêt d’exécution que si la cour d’appel saisie en décide ainsi.

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Le jugement a créé la polémique dans certains médias qui ont critiqué l’autorisation d’entrée d’« une marchandise pourrie », reprochant au juge des référés d’« avoir ignoré l’impact qu’une cargaison avariée peut avoir sur la santé des consommateurs ». Ils l’ont accusé d’avoir pris parti pour la société importatrice sans avoir tenu compte des résultats d’une organisation gouvernementale, le Bureau des recherches scientifiques agronomiques (Lebanese Agricultural Research Institute, LARI), qui « ont montré des moisissures dans les échantillons recueillis ». Or, selon une source judiciaire informée du dossier, la société Chabarek avait à son tour demandé des analyses à un laboratoire accrédité, qui a affirmé que le blé était propre à la consommation.

Face à cette contradiction, le juge Karkabi a fait appel à un expert, Jihad Abboud, président de l’ordre des chimistes et enseignant à l’Université libanaise, qui a demandé de nouveaux tests biologiques au laboratoire LARI, mais aussi à d’autres laboratoires accrédités, en l’occurrence l’Institut de recherche industrielle (Industrial Research Institute, IRI) et le laboratoire de l’Université américaine de Beyrouth (AUB). M. Abboud a présenté son rapport au juge des référés en septembre 2023.

Degré acceptable

« Dans les trois laboratoires sollicités, les échantillons ont réussi les tests toxicologiques. Aucune présence dangereuse de toxines produites par des moisissures ou des champignons (aflatoxines ou ocratoxines) n’a été détectée », affirme Jihad Abboud, interrogé par L’Orient-Le Jour. À la question de savoir comment les résultats de LARI se sont avérés favorables, contrairement à février 2023 lorsque les mêmes tests avaient été demandés par le ministère de l’Agriculture, M. Abboud nuance en disant qu’un technicien de ce laboratoire a affirmé avoir décelé des moisissures à l’examen visuel de la marchandise. « C’est sur base de cet examen que le ministère a pris sa décision de saisir la marchandise, bien que les tests biologiques du même laboratoire n’aient montré aucun danger », précise-t-il. « Or, entre un test biologique et un test visuel, c’est le premier qui doit l’emporter », martèle l’expert. « Il faut d’ailleurs savoir qu’un certain degré de moisissure est acceptable lorsqu’il ne dépasse pas les normes locales et les standards internationaux », ajoute-t-il, soulignant qu’« en deçà d’une certaine proportion, la qualité de la farine n’est nullement impactée et convient parfaitement à la consommation ».

Certains observateurs n’excluent pas que derrière « la campagne » visant à empêcher l’entreprise de faire entrer son blé sur le marché et le distribuer dans les minoteries, se cachent des intérêts politico-mercantiles.

Nous avons tenté sans succès de joindre le ministre de l’Agriculture Abbas Hajj Hassan et d’entrer en contact avec la société Chabarek.

La justice est saisie en ce moment d’un litige opposant le ministère de l’Agriculture à une société commerciale, Chabarek Trading SAL, sur 4 506 tonnes de blé ukrainien que la société veut faire entrer sur le marché libanais, mais que le ministère a saisi dans des silos à Beyrouth, depuis février 2023, au motif qu’un laboratoire accrédité a jugé que la marchandise est...

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