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Politique - Sécurité aérienne

Un « réel danger » pour l’aviation ? Un ministre accuse Israël de brouiller les signaux GPS au Liban

L’AIB confirme à « L’OLJ » que des brouillages sont constatés « tous les jours », notamment depuis septembre 2023.

Un « réel danger » pour l’aviation ? Un ministre accuse Israël de brouiller les signaux GPS au Liban

Un avion atterissant sur le tarmac de l’AIB. Photo d’archives Hussam Chbaro

Le ministre sortant des Travaux publics et des Transports, Ali Hamiyé, a accusé Israël d’être lié à un intense brouillage des signaux GPS au Liban, dénonçant une manœuvre qui « viole la souveraineté nationale » et « bafoue la sécurité aérienne » dans l’espace aérien libanais, sans considération pour d’éventuelles victimes collatérales.

Ce brouillage serait un des moyens utilisés par l’armée israélienne dans le cadre de ses affrontements avec le mouvement palestinien Hamas à Gaza et le Hezbollah à la frontière libano-israélienne.

Le ministre a fondé cette grave accusation sur un rapport de l’Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA) daté de novembre 2023 et brandi lors d’un discours prononcé à l’occasion de la cérémonie de clôture d’un projet de jumelage entre l’Autorité libanaise de l’aviation civile, l’Union européenne (UE) et l’Autorité italienne de l’aviation civile à Beyrouth. L’occasion pour le ministre affilié à la branche politique du Hezbollah d’appeler l’UE à « prendre des mesures radicales pour éliminer la grave menace pour la sécurité aérienne dans toute la région, mettant en péril les normes et les opérations internationales et risquant la vie des gens ».

De quoi s’agit-il exactement et quels sont les risques posés ?

« Systématique » depuis septembre

Une source de l’administration chargée de la sécurité des vols de l’Aéroport international de Beyrouth (AIB), souhaitant garder l’anonymat, fait état de deux types spécifiques d’interférence avec les signaux permettant aux aéronefs de s’orienter dans les airs qui ont été détectés ces derniers temps : le « jamming » et le « spoofing ».

Le jamming (littéralement « brouillage » en anglais) désigne le phénomène de gel d’un signal GPS : il se fige, ne répond plus et la localisation est perdue.

Le spoofing (« usurpation »), lui, désigne un brouillage qui fait changer de localisation. « Par exemple, vous êtes à l’AIB et le GPS va vous indiquer que vous êtes à l’aéroport de Damas », explique la même source. Ce dernier phénomène est particulièrement craint par les pilotes parce qu’il peut également tromper sur l’altitude à laquelle l’appareil est en train de voler.

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La source précitée se montre d’ailleurs plus alarmiste que le ministre. « Du brouillage, il y en a tous les jours, c’est systématique. On a vu un gros changement (...) surtout à partir de septembre dernier. Il y a un danger accru avec ces guerres dans la région, c’est évident », insiste-t-elle, ajoutant : « C’est compliqué, car c’est au niveau politique et international que (ce genre de problème) se règle. » 

Le rapport de l’EASA, que L’Orient-Le Jour a consulté, indique même que les cas de jamming et de spoofing sont en augmentation depuis février 2022. « Cela affecte particulièrement les régions géographiques entourant des zones de conflit, mais ces brouillages sont également notables dans le sud et l’est de la Méditerranée, la mer Noire, la mer Baltique et l’Arctique », indique le texte.

Utilité sur le plan militaire

Todd Humphreys, professeur d’ingénierie aérospatiale à l’Université du Texas à Austin, indiquait en novembre 2023, dans un article du New York Times, que « le spoofing est très répandu au Liban et de faux signaux indiquent aux pilotes que leur appareil se trouve directement au-dessus de l’aéroport de Tel-Aviv alors qu’il en est très éloigné ».

Opsgroup, une plateforme spécialisée dans la surveillance de l’espace aérien et des aéroports dans le monde, a déclaré à ce même média avoir reçu « une cinquantaine de rapports similaires. Dans certains cas, l’équipement de bord montrait que les avions s’approchaient des aéroports de Bagdad, du Caire ou de Beyrouth, au Liban, alors que ce n’était pas le cas ».

Le laboratoire Todd Humphreys localise la source des interférences GPS dans le nord d’Israël, sur la base militaire de Meron. Cette base avait d’ailleurs fait l’objet d’une attaque massive du Hezbollah le 6 janvier dernier, au cours de laquelle 62 roquettes avaient été tirées et avaient permis à la milice de détruire une partie du matériel de surveillance sur place.

Car les systèmes de brouillage représentent un sérieux handicap pour « l’axe de la résistance », dont l’arsenal de précision repose en grande partie sur l’emploi de drones et de missiles guidés par GPS. Tant que les brouillages persistent, les attaques du Hezbollah reposent avant tout sur l’emploi de missiles antichars russes Kornet qui disposent d’un système de guidage par laser. Le groupe a donc tout intérêt à attirer l’attention sur les risques, bien réels, que les brouillages israéliens font courir aux avions civils.

Du côté des militaires israéliens, les brouillages sont moins problématiques. Quelques semaines avant le 7 octobre, une firme israélienne a mis au point un système de protection contre les disruptions de systèmes GPS. Le dispositif, baptisé InfiniDome, sécurise les plus petits drones israéliens et leur permet d’opérer dans des zones de brouillage. Les drones plus imposants employés par l’État hébreu évoluent à des altitudes qui les laissent hors de portée des dispositifs de guerre électronique du Hamas et du Hezbollah, ce qui n’empêche pas ceux-ci de revendiquer la capture de plusieurs d’entre eux.

Danger pour l’aviation civile

Lors de sa prise de parole mardi, le ministre Hamiyé avait affirmé que ces pratiques « représentent un nouveau danger pour toutes les compagnies de transport aérien, y compris européennes ». La source contactée à l’AIB indique, pour sa part, que cela « peut effectivement être très dangereux », et dénonce le fait qu’aucune solution n’a été trouvée. « Ça fait des mois qu’on en parle, rien n’est fait. Il n’y a pas de solution, sinon la pression politique et diplomatique », ajoute cette source.

Dans un article publié le 27 février dernier faisant état de telles pratiques menées par Israël et affectant le Liban, l’organisation libanaise de défense des droits numériques SMEX souligne que « le brouillage et l’usurpation des signaux GPS sont des pratiques normalement considérées comme illégales », celles-ci entraînant des problèmes de navigation et des positionnements erronés, et pouvant conduire à de graves accidents.

SMEX précisait aussi qu’Israël utilise très spécifiquement des technologies de jamming et de spoofing dans sa stratégie de guerre. Abed Kataya, directeur chargé du contenu numérique à SMEX, assure à L’Orient-Le Jour que l’État hébreu les utilisait déjà « avant le déclenchement de la guerre à Gaza » et qu’elles peuvent aussi « affecter les moyens de télécommunication au Liban ».

Et outre l’aviation civile, ces brouillages ont, a fortiori, des conséquences pour de plus petits engins : les drones.

Sur les réseaux sociaux, plusieurs témoignages affluent sur le sujet. Le photographe Rami Rizk, habitué à utiliser des drones, a indiqué vendredi dernier sur X que son drone s’était crashé à cause d’un jamming. « Ce sujet n’est pas à prendre à la légère, deux personnes compétentes ont perdu leur drone en moins d’une semaine. C’est sûrement lié à la guerre, car c’est la première fois que ça m’arrive », écrivait-il. Un témoignage partagé sur X par de nombreux pilotes de drone ayant subi le même genre de problème.

Les recours des pilotes

Mais alors, comment se fait-il, compte tenu des dangers encourus, que l’ensemble des compagnies aériennes n’aient pas décidé d’arrêter tout survol de la région ?

Un pilote s’exprimant sous couvert d’anonymat donne des éléments de réponse. « La navigation via GPS est devenue la norme depuis les années 1990, en raison de ses nombreux avantages en termes de précision, de portée et pour la visibilité en temps réel. Mais les pilotes disposent d’autres moyens pour s’assurer de leur position une fois dans les airs », explique-t-il. 

De nombreux appareils sont, par exemple, équipés de systèmes Adirs (pour Air Data Inertial Reference System). Le terme désigne des ensembles de capteurs et autres sondes mesurant la vitesse, l’altitude et l’angle d’attaque de l’aéronef via les déplacements de l’air ou l’inertie. « L’Adirs ne peut pas être affecté par les technologies de brouillage car les données qu’il mesure sont directement liées au déplacement de l’appareil et non à son positionnement par rapport à un signal. Et elles sont paramétrées au décollage en fonction de la longitude et de la latitude », explique le pilote.

Les pilotes disposent d’un autre filet de sécurité par leurs contacts permanents avec les contrôleurs aériens qui peuvent détecter et prévenir les avions s’éloignant de leurs trajectoires prévues. « L’espace aérien est une gigantesque autoroute avec de multiples voies balisées avec des outils d’aide à la navigation comme les VOR (VHF Omnidirectional Range, un système de positionnement radioélectrique) ou les balises non directionnelles (NDB, des réseaux d’émetteurs radios) », précise le pilote contacté.

Il conclut en indiquant que les pilotes et les contrôleurs aériens se renseignent en temps réel sur l’évolution de la sécurité des zones qu’ils doivent survoler et se transmettent des consignes. Les pilotes peuvent être alertés qu’une zone en particulier peut être compromise et vont avoir pour consigne de désactiver leur GPS et de compter sur les autres moyens de navigation le temps de s’en éloigner. 

Le ministre sortant des Travaux publics et des Transports, Ali Hamiyé, a accusé Israël d’être lié à un intense brouillage des signaux GPS au Liban, dénonçant une manœuvre qui « viole la souveraineté nationale » et « bafoue la sécurité aérienne » dans l’espace aérien libanais, sans considération pour d’éventuelles victimes collatérales. Ce brouillage serait un des moyens...

commentaires (1)

Ali Hamiyé accuse toujours les autres de ce que son parti fait subir au peuple libanais. La guerre au sud liban en est la meilleure preuve. Dorénavant, nous exigeons des preuves de ce qu’ils racontent comme bobards, sachant qu’il est le dernier à vouloir la sécurité de notre pays puisque affiliés à ses fossoyeurs. Trêve de propagandes fallacieuses nous sommes déjà plus que gavés. Ils ont réussi à brouiller tous nos radars et nos institutions pour s’imposer en nous exposons à tous les dangers pour devenir les seuls décideurs de notre sort. Il ne sont pas à un brouillage prés.

Sissi zayyat

10 h 41, le 09 mars 2024

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Commentaires (1)

  • Ali Hamiyé accuse toujours les autres de ce que son parti fait subir au peuple libanais. La guerre au sud liban en est la meilleure preuve. Dorénavant, nous exigeons des preuves de ce qu’ils racontent comme bobards, sachant qu’il est le dernier à vouloir la sécurité de notre pays puisque affiliés à ses fossoyeurs. Trêve de propagandes fallacieuses nous sommes déjà plus que gavés. Ils ont réussi à brouiller tous nos radars et nos institutions pour s’imposer en nous exposons à tous les dangers pour devenir les seuls décideurs de notre sort. Il ne sont pas à un brouillage prés.

    Sissi zayyat

    10 h 41, le 09 mars 2024

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