
Mgr Béchara Raï et l'ancien ministre Youssef Salamé, entourés des dignitaires et des députés. Photo DR
Le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, a parrainé le 29 février à Bkerké un congrès destiné à discuter et dresser la feuille de route d’un document sur la vision d’« un État laïc, décentralisé et neutre », établi il y a quelques mois par « La Rencontre de l’identité et de la souveraineté ». Ce collectif, présidé par l’ancien ministre Youssef Salamé, affirme rechercher des solutions aux crises constitutionnelles et politiques que traverse le pays. Des représentants du cheikh Akl druze, Sami Abi el-Mona, et de cheikh Ali Fadlallah, dignitaire chiite, ont participé à l’événement, aux côtés notamment des députés Antoine Habchi (FL), Salim Sayegh (Kataëb), César Abi Khalil (CPL), Tony Frangié et William Tok (Bloc national indépendant), Neemat Frem et Adib Abdel Massih (indépendants) et Élias Jaradé, député de la contestation.
Raï : « Appliquons Taëf »
Dans son intervention, le prélat maronite a rappelé que la proclamation du Grand Liban (1920) consacre une appartenance « citoyenne et non religieuse » à l’État, notant que « rien dans la Constitution ne lie la politique à la religion ». « La beauté du Liban réside dans son pluralisme », a par ailleurs déclaré Mgr Raï, soulignant que « le pacte national (1943), renouvelé par l’accord de Taëf et réglementé par la Constitution, a été établi pour vivre ce pluralisme dans l’unité ». « Mettons-le donc en œuvre », a-t-il lancé.
Pour sa part, M. Salamé a mis en garde contre « une menace de désintégration de l’État », soutenant que le document établi par son collectif constitue « un remède pour apaiser les appréhensions des Libanais » causées par la diversité au sein de la communauté et les crises économiques et sociales.
Le document discuté par les participants au congrès, dont L’Orient-Le Jour a consulté une copie, comporte des solutions qui pourraient « contribuer à reconstruire l’État sur base de la citoyenneté ».
Il préconise notamment la suppression du confessionnalisme au niveau des trois présidences, de la République, du Parlement et du Conseil des ministres, et dans toutes les administrations, mais aussi l'abolition partielle des quotas confessionnels au niveau du pouvoir législatif. Il prévoit aussi d’« ajuster les mécanismes de la représentation populaire » en réaménageant des circonscriptions électorales pour réaliser un meilleur équilibre entre elles. Il s'agirait par exemple d'intégrer la région de l'Iqlim el-Kharroub (partie intégrante du Chouf) au caza de Saïda, ou de retirer des villages du caza de Zahlé pour les insérer à la Békaa-Ouest et à Baalbeck.
La création d’un sénat qui serait composé de représentants des différentes communautés religieuses a également été mise en avant.
Le document insiste par ailleurs sur la neutralité du Liban, préconisant de « ne pas le faire entrer en guerre, ni dans la politique des axes régionaux et internationaux ».
Sur le plan des pouvoirs constitutionnels, le collectif insiste sur la nécessité d’établir « leur équilibre, loin des rapports de force ». Il propose dans ce cadre d’accroître les prérogatives du président de la République, en lui accordant notamment le pouvoir de convoquer le Conseil des ministres, de retirer la confiance au gouvernement (dans une procédure présentée au Parlement), ou encore d’appeler à un référendum en cas de « profondes divisions ». Le président devrait alors être élu au suffrage universel.
Dans un contexte rongé par les clivages communautaires, l’initiative du collectif présidé par M. Salamé n’est pas isolée. En janvier dernier, l’idée d’un « Rassemblement du Grand Liban » avait été présentée par des acteurs de la société civile, notamment Hayat Arslane, veuve de Fayçal Arslane. Au cours d’un événement tenu également à Bkerké, les intervenants avaient évoqué « un système politique dysfonctionnel », et « sa gestion par une classe politique inapte, déchirée par un jeu d’intérêts et les considérations communautaires ».
Bien que les tentatives d'appeler aux changements constitutionnels soient les bienvenus, le document présenté (que j'ai bien revu) est loin de promouvoir la laïcité, puisqu'il reprend pour base la répartition confessionnelle pour au moins 20 ans encore. Il ne définit pas non plus "la neutralité ", concept qui a plusieures definitions. A mon avis, peut-être un petit pas à l'avant, mais qui évite les vrais problèmes.
12 h 09, le 05 mars 2024