Le plus cocasse dans cette République de peu, c’est cet entêtement calcifié qu’on rencontre chez les gens de pouvoir, à tous les étages de la gelée glutineuse qui leur sert de cerveau. Non pas que cette obstination soit le résultat de données précises et réfléchies, mais plutôt la manifestation d’une pathologie étroitement liée à un orgueil mal placé et à un ego surdimensionné.
Incontestablement, le pompon d’honneur va à l’inénarrable Phénix de Aïn el-Tiné, qui le premier a flairé la formidable opportunité de passer quasi-numéro un de cette virgule du Levant, après en avoir longtemps été le numéro deux. Du coup, c’est désormais un zombie rafraîchi qui tient salon en son clapier, avec derrière lui bien en vue le drapeau bicolore frappé du buisson. Cache-sexe attitré du Parti barbu, et de crainte sans doute de voir se dérober sous sa rondelle le fauteuil dans lequel il s’est coulé il y a 32 ans, Istiz Nabeuh fait du dialogue un sésame incontournable pour déverrouiller une présidentielle soigneusement cadenassée par ses soins. Et comme il sait que ses invités potentiels ne peuvent se blairer ni au propre ni au crasseux, il ronronne d’avance à l’idée qu’il n’en sortira que dalle.
Autre bavasseur primé : Mikou-les-miquettes, dit aussi le Mikati décati. Mesurée en volume d’air déplacé, son activité est ahurissante. Quoi de plus normal, en fait : quand l’actualité est chaude, il faut du vent, et notre homme est à ce titre le Premier ministre sortant le plus éolien du Liban. Depuis qu’Orangina, premier du nom, lui a lâché la grappe en allant claper sa purée dans sa voie de garage, il ne se retient plus et affiche une constance certaine dans l’obstination : Conseils des ministres épisodiques malgré la vacance à la tête de l’État et la bronca de ses détracteurs ; renvoi péremptoire au Parlement de textes de loi déjà adoptés, mais qu’il ne trouve pas à son goût ; admirable créativité dans l’échafaudage de combines pour ne pas engager des réformes… Bref, Mikou se sent pousser des ailes, mais il vole encore bien bas.
Enfin, la trilogie serait incomplète si l’on n’y ajoutait le Sayyed Barbu, champion toutes catégories des fanfarons à la sauce réchauffée au charbon de langue de bois pur arabica. Une mixture dont notre ami a trouvé la formule magique : « Mon cœur est iranien, mais mes tunnels sont libanais.» En bon démago, il met toujours la charia devant l’hébreu et rêverait de livrer des juifs au Hamas et des Ukrainiens à Poutine. Face aux leaders politiques tétanisés par la trouille, il a le raccourci lapidaire : « Cou-couche panier ! Téhéran appelle. » Aussi, le mot d’ordre est-il tombé : les tontons macoutes du Parti velu, qui s’ébrouent gaiement au milieu des habitants du Liban-Sud, déguerpiront le jour où les 1 700 résolutions de l’ONU précédant la 1 701e du cru seront appliquées. C’est-à-dire quand les Anglais quitteront Gibraltar, les Turcs le nord de Chypre et les Russes le Donbass ukrainien.
Question planétaire : qui de ces trois illustres tire-au-flanc s’est adjugé les faveurs de la masse populaire ? Aucune importance. Depuis des années, les calculettes se sont mélangé les circuits et délivrent la même réponse : les trois se gavent et l’écrasante majorité des Libanais en bavent...
gabynasr@lorientlejour.com
commentaires (8)
Un jour les livres d'histoire en parleront et ce sera l'objet d'etudes universitaires : "Le Liban, premier pays pris entierement en otage par de purs mafieux".
Michel Trad
22 h 33, le 01 mars 2024