
Le Premier ministre sortant, Nagib Mikati, lors d’une interview accordée à l’agence Reuters depuis le Sérail, le 29 février 2024.
Un arrêt des combats dans la bande de Gaza, qui pourrait être conclu dès la semaine prochaine, déclencherait des pourparlers indirects pour mettre fin aux hostilités le long de la frontière sud du Liban avec Israël, a déclaré le Premier ministre sortant Nagib Mikati jeudi. Lors d’une interview accordée à l’agence Reuters, M. Mikati a ajouté qu’il était convaincu que le Hezbollah cesserait le feu si Israël faisait de même, ce qui mettrait fin à près de cinq mois de bombardements transfrontaliers et de frappes aériennes.
Depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza entre Israël et le mouvement islamiste Hamas, le Hezbollah cible quotidiennement des positions militaires israéliennes, en soutien à son allié palestinien. Israël mène de son côté des frappes et des opérations ciblées contre des responsables du parti chiite soutenu, tout comme le Hamas, par l’Iran.
Dans son interview à Reuters, le Premier ministre libanais a déclaré qu’un accord pour mettre fin aux opérations militaires à Gaza « se profile à l’horizon » et pourrait être conclu dès la semaine prochaine. « Si nous parvenons à une cessation des opérations militaires à Gaza, alors je crois que nous aurons devant nous des semaines intensives de négociations, afin que nous puissions atteindre ce que j’ai toujours appelé la stabilité à long terme au Liban-Sud », a ajouté M. Mikati. Et de rappeler qu’il avait rencontré l’envoyé spécial américain Amos Hochstein en février à Munich, soulignant que ce dernier était « en train de préparer une nouvelle visite au Liban prochainement ».
Amos Hochstein, qui était à Beyrouth pour la dernière fois mi-janvier, est l’architecte et le principal médiateur d’un accord rare en 2022 entre le Liban et Israël, avec le feu vert du Hezbollah, sur la démarcation de leur frontière maritime. Le diplomate américain a dit qu’il espère faire de même pour la frontière terrestre entre les deux pays. Interrogé sur la question de savoir si le Hezbollah avait donné signe de sa volonté d’avancer dans les pourparlers, Nagib Mikati a répondu que la « coopération » dont ont fait preuve « toutes les parties » pour faciliter l’accord maritime pourrait être reproduite pour un accord frontalier terrestre. « Je suis certain et convaincu que dès qu’Israël arrêtera ses violations contre le Liban, le Hezbollah cessera les hostilités – ou ne répondra pas à quelque chose qui ne s’est pas produit », a-t-il déclaré.
Le parti chiite lui-même ne cesse d’affirmer, par la bouche de ses responsables, qu’il respecterait la trêve sur le front sud si celle-ci est déclarée à Gaza. « La guerre au Liban-Sud est liée à l’agression contre Gaza d’une part, et à la sécurisation des moyens de protection de notre pays d’autre part », a réitéré jeudi le député Hassan Fadlallah. « Lorsque l’occupation cessera son agression contre Gaza, ce front s’arrêtera car il est un front de soutien », a-t-il assuré. Il s’exprimait lors d’une cérémonie organisée par son parti en hommage au commandant du Hezbollah tué il y a quelques jours, Hassan Hussein Salamé, à Kherbet Selm, au Liban-Sud.
« Je parle au nom du Liban... »
Du côté israélien, on tient toutefois un autre discours. Une trêve à Gaza n’entamera pas « l’objectif » d’Israël de repousser le Hezbollah du sud du Liban, a ainsi assuré cette semaine le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, lors d’une visite d’inspection à la frontière, confirmant que ses militaires avaient augmenté leur « puissance de feu ». « Nous allons poursuivre les tirs dans le Nord, indépendamment de ce qui se passe dans le Sud (à Gaza), et ce jusqu’à ce que nous atteignions notre objectif » de repousser le Hezbollah de la frontière, a-t-il dit.
Outre les États-Unis, la France cherche également à désamorcer la situation au Liban-Sud. Début février, le ministre français des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, a remis à cet effet aux autorités libanaises une feuille de route en trois étapes. La feuille de route ambitionne de parvenir à un cessez-le-feu, en vue d’assurer l’application de la résolution 1701 (2006) du Conseil de sécurité (ayant mis fin à la guerre entre Israël et le Hezbollah). Un retrait des combattants d’élite du Hezbollah et de leur arsenal lourd à 10 km de la frontière est dans ce contexte proposé. La feuille de route vise aussi à relancer, dans une phase ultérieure, les négociations sur la délimitation de la frontière terrestre entre les deux pays. Elle est inspirée de l’accord d’avril 1996 et prévoit, parallèlement à ces arrangements, de créer une commission de supervision formée des États-Unis, de la France, du Liban et d’Israël.
Dans son interview à Reuters, Nagib Mikati a refusé de spécifier quelles mesures le Hezbollah serait prêt à prendre pour maintenir un cessez-le-feu. « La question peut être posée au Hezbollah. Moi je parle au nom du Liban, et nous sommes prêts à exécuter la résolution 1701 dans son intégralité », a-t-il déclaré. La résolution prévoit « l’établissement, entre la ligne bleue et le Litani, d’une zone d’exclusion de tous personnels armés, biens et armes, autres que ceux déployés dans la zone par le gouvernement libanais et la Force intérimaire des Nations unies (Finul) ». Dans ce cadre, Beyrouth est censé mobiliser quelque 15 000 soldats de l’armée libanaise, qui seront chargés, avec les Casques bleus, d’assurer la stabilité dans la région frontalière et d’empêcher la reprise des hostilités.
M. Mikati a déclaré que pour mettre en œuvre la 1701, « l’armée aurait besoin des pays alliés pour l’aider à tous les niveaux, du « carburant, à l’équipement, aux moyens de transport jusqu’aux casernes et même aux armes – tout ce dont l’armée a besoin ».
Deux civils tués à Kafra
En attendant, sur le terrain, la situation reste tendue sur le front sud. Jeudi, le Hezbollah a annoncé avoir lancé roquettes et missiles sur deux localités du nord d’Israël, en réponse à des frappes qui ont tué deux civils la veille. Dans un communiqué, le Hezbollah a annoncé avoir visé le mochav (village agricole) de Goren, à près de quatre kilomètres de la frontière, « à l’aide de missiles Falaq », produits en Iran. Quelques heures avant, le mouvement chiite avait annoncé avoir lancé « une salve de roquettes de type Katioucha » sur le kibboutz d’Eilon, près de Goren. Il a affirmé que ces deux opérations intervenaient « en riposte aux attaques israéliennes contre les villages et les civils, dont la dernière qui a tué deux personnes âgées, Hussein Hamdane et son épouse Manar Abadi », à Kafra. Selon l’ANI, 14 personnes ont également été blessées lors des frappes à Kafra. Un photographe de l’AFP dans cette localité a vu une maison de deux étages presque entièrement détruite. Des secouristes du Hezbollah tentaient de retirer des corps sous les décombres, à l’aide d’un bulldozer notamment, selon lui. Dans l’après-midi, le mouvement chiite a annoncé la mort d’un de ses combattants, originaire de Kafra. Le parti pro-iranien a en outre annoncé quatre autres attaques contre des objectifs militaires israéliens.
Nagig Mikati rêve tout simplement les yeux ouverts
14 h 16, le 01 mars 2024