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Nos Lecteurs ont la Parole

Quand « rien » n’est plus fort que le gouverneur...

Dans une société où chacun tend à démontrer sa supériorité, rien n’est plus intelligent que la démocratie pour conférer au groupe lui-même, uni, le pouvoir sur le gouverneur au pouvoir… Les défenseurs de la démocratie, tels que John F. Kennedy, considèrent cela comme la manifestation la plus évidente pour octroyer le pouvoir au peuple. Kennedy déclare : « La démocratie n’est pas simplement une forme de gouvernement, c’est une philosophie de vie où chaque voix compte, chaque choix importe, et où le pouvoir émane du peuple pour le peuple. » Cette philosophie donne au gouverneur, souvent le président de la République, l’opportunité de diriger tout en établissant des garde-fous pour éviter les abus, suivant le principe de Montesquieu : « Le pouvoir arrête le pouvoir. » En retour, elle permet aux gouvernés, le peuple, de contester les décisions du gouverneur sans recourir à la violence, préservant ainsi l’égalité entre le dirigeant et les dirigés. Pour réussir, le dirigeant doit montrer des qualités au niveau de son profil de pensée telles que la transversalité, l’intégrité, la productivité et l’optimisme. Avec le temps, le concept de démocratie a perdu de son essence, se diluant dans des déterminants moins évolués du gouverneur. Au Liban, ces déterminants ont conduit notre démocratie à adopter une philosophie bien différente du reste du monde, contredisant le sens même de la démocratie. Voici une analyse des actuels déterminants du profil de pensée du gouverneur qui rendent la démocratie une description nostalgique difficile à réaliser.

La dominance

La dominance, tendance à démontrer sa supériorité, est ancrée dans notre patrimoine génétique depuis notre évolution en tant qu’êtres humains. Bien que les actes de démonstration de la dominance aient évolué, nous la manifestons désormais par la possession de biens, le contrôle sur le corps et surtout la quête du pouvoir. Lorsque cette recherche de pouvoir utilise la démocratie, le concept de pouvoir du peuple est compromis. Dans certaines mentalités telles que la nôtre, le refus d’obéir à un gouverneur découle de l’instinct de ne pas vouloir être dominé, sans toujours comprendre la dynamique démocratique qui élimine la supériorité absolue de la gouvernance, mais oblige le peuple à accepter la guidance du gouverneur par souci de manque de direction, de manque d’objectifs, de manque de vision et donc de manque de sens. De même, le désir généralisé de dominer en tant que dirigeant, oubliant que ce statut devrait théoriquement porter exclusivement une supériorité dans les responsabilités, peut d’un autre côté conduire à l’abolition de la démocratie à travers le besoin d’autovalidation par la dominance dans la gouvernance.

La déception

La déception, comportement trompeur, consiste en des actions intentionnelles visant à induire en erreur ou dissimuler la vérité en vue d’obtenir un avantage personnel. Ce comportement est redouté par les penseurs sur la démocratie et la gouvernance, comme Montesquieu, qui ont prôné l’intégrité et la transparence absolues du leader pour éviter la corruption et l’abus de pouvoir dans sa gouvernance. Être intègre et transparent n’est pas une option, mais une obligation intrinsèque qui doit être constante dans la vie du gouverneur. Au Liban, nous avons tous été témoins de la vague d’accusations de manque d’intégrité et de transparence envers nos gouvernants, les accusant « tous, c’est-à-dire tous », de corruption et d’abus de pouvoir. Malgré tout, ils continuent à nous guider, alimentant nos rêves confus d’un Liban futur.

Le consumérisme

Le consumérisme comme stratégie gouvernementale se caractérise par l’utilisation des ressources d’autrui durant le mandat du dirigeant au lieu d’encourager la production et l’innovation. Un leader doit avoir une vision à long terme pour guider son peuple dans la gestion de ses propres ressources. La dépendance à la consommation et le manque de production et d’innovation conduiront à l’épuisement des ressources pour les générations futures. Le consumérisme en tant que forme de guidance révèle une défaillance temporaire de la vision collective envers l’avenir. Au Liban, notre souffrance gouvernementale résulte de l’absence de stratégie contre le consumérisme, la gouvernance servant malheureusement de modèle au peuple sur la manière d’assumer un rôle de dirigeant sans prouver sa capacité à produire ou à créer.

Le pessimisme

Le pessimisme est un vice qu’un leader doit certainement éviter dans une société. Loin de l’analyse psychologique individuelle, le pessimisme s’oppose à l’optimisme, qui débute par le préfixe « opt » du verbe « opter » ou choisir, signifiant posséder une ou plusieurs « options ». Cette question transcende l’humeur du leader devant son peuple et influe sur son style de résolution des problèmes, consistant à chercher systématiquement des options face à toute difficulté. Au Liban, de nombreux leaders ont ouvertement déclaré leur incapacité à trouver des solutions devant le peuple, mais sont restés en statut de leader. Cela souligne un point crucial lié à la transmission du pouvoir. Il serait important de permettre à ceux avec des options convaincantes de guider le peuple à tour de rôle, plutôt que de maintenir le pouvoir au sein d’une même personne ou famille avec des options connues et limitées, entraînant ainsi un pessimisme antidémocratique.

* * *

La démocratie souffre mondialement. Cependant, au Liban, cette souffrance se distingue, le pays étant unique par le nombre de jours sans président ni gouvernement effectif. Le mal réside dans l’incompréhension du principe de la « supériorité en guidance, mais égalité en valence ». Les confessions refusent d’être gouvernées par d’autres, croyant en une hiérarchie réduisant leur valeur. Les partis, liés aux confessions, démontrent leur supériorité à tous les niveaux au lieu de le faire exclusivement pendant les élections qui servent d’acte de délégation du pouvoir du peuple à des dirigeants. Le problème vient de l’acceptation nécessaire par les confessions et leurs partis qu’un Libanais de toute appartenance peut gouverner, respectant l’égalité entre citoyens. Pour réussir cette égalité, le gouverneur doit montrer intégrité, optimisme, productivité et créativité. John Stuart Mill, philosophe du XIXe siècle, avait des préoccupations sur la démocratie dans son application classique, soulignant la possibilité d’une « tyrannie de la majorité ». Au Liban, c’est la tyrannie de la minorité qui prévaut, chaque groupe réclamant, quelle que soit la nature des liens qui unissent ses membres, son droit de participer à la direction. Ajoutons une autre forme de tyrannie, celle de l’ignorance, où les gouvernés satisfont un gouverneur avec un pouvoir et une supériorité absolus car, tout simplement, il leur ressemble sans comprendre que dans une vraie démocratie, « rien » n’est plus puissant par rapport au pouvoir du gouverneur que le pouvoir du peuple ; sinon, c’est vraiment « rien » ou, en d’autres termes, le néant qui gouvernera !

Rami BOU KHALIL, MD, PhD

Chef de service de psychiatrie

à l’Hôtel-Dieu de France

Professeur associé

à la faculté de médecine

de l’Université Saint-Joseph

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Dans une société où chacun tend à démontrer sa supériorité, rien n’est plus intelligent que la démocratie pour conférer au groupe lui-même, uni, le pouvoir sur le gouverneur au pouvoir… Les défenseurs de la démocratie, tels que John F. Kennedy, considèrent cela comme la manifestation la plus évidente pour octroyer le pouvoir au peuple. Kennedy déclare : « La...

commentaires (1)

Très bel article, est-ce que Hassouna a lu votre article ?

Eleni Caridopoulou

12 h 17, le 24 janvier 2024

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Commentaires (1)

  • Très bel article, est-ce que Hassouna a lu votre article ?

    Eleni Caridopoulou

    12 h 17, le 24 janvier 2024

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