« Il est intolérable (…) de voir le président de la République, un chrétien maronite, occulté ». Ces propos tenus par le patriarche Béchara Raï dans le cadre de son homélie dimanche résument parfaitement l’état d’esprit dans les rangs maronites à l’issue de la dernière réunion, tenue vendredi, du gouvernement chargé de gérer les affaires courantes. Aux yeux de ténors de la communauté, cette réunion a témoigné d’une flagrante atteinte aux prérogatives du futur chef de l’État qu’on n’arrive toujours pas à élire. Et pour cause : le Premier ministre sortant, Nagib Mikati, a renvoyé au Parlement trois textes de loi adoptés lors de la séance plénière du 15 décembre, une prérogative perçue comme étant liée à la personne du président de la République.
Au-delà d'une volonté d’absorber la grogne suscitée par ces textes (se rapportant aux anciens loyers commerciaux et aux retraites des enseignants du secteur privé), la démarche de Nagib Mikati est d’abord politique. Conscient que la présidentielle ne se tiendra pas dans un avenir proche, le Premier ministre sortant semble profiter au maximum de la précieuse couverture que lui fournit le tandem chiite Amal-Hezbollah pour gérer le pays en période de vacance. Non seulement il réunit presque régulièrement son équipe, il semble même être sorti de l’expédition des affaires courantes stricto sensu. De quoi provoquer une colère chrétienne qui devrait se traduire par un éventuel recours en invalidation de la décision gouvernementale que le Courant patriotique libre entendrait présenter devant le Conseil d’État.
« Nous ne faisons que prendre les décisions qu'il faut pour épargner au pays les secousses », affirme à L’Orient-Le Jour Nicolas Nahas, conseiller de M. Mikati, pour tenter de justifier la démarche du Premier ministre. « Il n’y a aucun problème avec les chrétiens », ajoute-t-il dans une volonté de réduire l’ampleur de la polémique.
Mais Nagib Mikati a-t-il vraiment violé la Constitution ? Les réponses sont, comme à chaque fois qu'il est question d'interprétation de la Loi fondamentale, mitigées. « Il ne peut pas renvoyer les lois à la Chambre par une décision unilatérale. D’où le fait d’avoir inclus à l’ordre du jour de la séance de vendredi un point articulé autour de la révision de la décision du Conseil des ministres du 19 décembre 2023 promulguant certaines lois votées par le Parlement », explique à L’OLJ une source ministérielle. M. Mikati s'est donc référé à l’article 57 de la Constitution. Ce texte stipule que « dans le délai fixé pour la promulgation, le président de la République peut, après avoir informé le Conseil des ministres, demander au Parlement, et pour une seule fois, de réviser la loi. Une requête qui ne peut lui être refusée ». Cet article fait dire à Chucri Sader, ancien président du Conseil d’État, que le Premier ministre n’a pas vraiment violé la Loi fondamentale. « Il faut tout simplement user de son bon sens : M. Mikati gère le pays en l’absence du président. Et en la présence d’un texte clair de la Constitution sur un point bien déterminé, il est normal d’y recourir », explique le juge.
Pour sa part, Ziyad Baroud, constitutionnaliste et ancien ministre de l’Intérieur, présente un autre point de vue. Selon lui, « la plus grande entorse à la Constitution » réside dans le fait que le Conseil des ministres renvoie aujourd’hui au Parlement des lois qu’il a déjà promulguées (en lieu et place du chef de l’État). « Comment cela est-il possible ? » s’indigne M. Baroud, faisant valoir que toutes les prérogatives du président de la République sont attachées à sa personne. « Les décrets émis et décisions prises par le Conseil des ministres sont entachés d’une faille liée au nombre de ministres qui y apportent leur contreseing, alors que c'est le gouvernement dans son ensemble qui devrait exercer les prérogatives du chef de l’État ». L'article 62 de la Constitution auquel se réfère M. Baroud ne prévoit aucune majorité sur ce plan. Le texte stipule en effet qu’« en cas de vacance à la magistrature suprême pour quelque raison que ce soit, les pouvoirs du président de la République sont exercés à titre intérimaire par le Conseil des ministres ».
Vers une contre-attaque du CPL
C’est d’ailleurs sous ce prétexte que les ministres aounistes ont présenté, en janvier 2023, un recours en invalidation des décisions prises par le gouvernement sortant lors de sa fameuse réunion controversée du 5 décembre 2022. Aujourd'hui, le CPL s’apprêterait à récidiver. « Le Premier ministre n’a pas le droit de confisquer les prérogatives du futur président. D’où notre (probable) décision de saisir le Conseil d’État », affirme Nagi Hayek, vice-président du CPL pour les affaires extérieures. Sauf que cette démarche risque de ne pas porter ses fruits car les actions dites « de gouvernement » – c’est-à-dire celles liées aux rapports entre le législatif et l’exécutif – ne sont pas soumises au contrôle du CE, selon M. Baroud.
Mais, pour le CPL, l’objectif de la démarche est ailleurs : il s’agit d’empêcher le cabinet sortant de procéder à des nominations, notamment pour ce qui est du chef d’état-major de l’armée et des membres du Conseil militaire. Il reste que ce nouvel épisode de la colère chrétienne contre Nagib Mikati met, une fois de plus, le courant aouniste face à ses contradictions : ce même parti qui n’avait pas de problème à voir le cabinet sortant désigner un nouveau chef de la troupe uniquement pour en finir avec le présidentiable Joseph Aoun (dont le mandat a finalement été prorogé) se veut aujourd’hui le fer de lance de la bataille pour la « préservation des droits des chrétiens et des prérogatives du président ». Entre-temps, « nous normalisons le vide », déplore Ziyad Baroud.
commentaires (9)
-SI LE BARBU DECIDE DE TOUT, -SI LE PERCHE EXECUTE TOUT, -SI MIKO SUIT ET GOUVERNE EN TOUT, -QUI SONT LES SEULS COUPABLES DE TOUT ? -QUI D,AUTRES ? NOS CHRETIENS MARONITES ! -MAUDITE L,HEURE OU LA PRESIDENCE, -LEUR FUT CONFIEE. TANT D,AUTRES CHRETIENS, -LES CI-HAUT MENTIONNES, TOUS, EN TOUT, - N,AURAIENT JAMAIS APPARUS... DU TOUT !!!
LA LIBRE EXPRESSION
22 h 23, le 16 janvier 2024