Les négociations sur la situation au Liban-Sud progressent rapidement, notamment après l'ouverture exprimée par Beyrouth, mais aussi par le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah. L'annonce des détails de l'accord et sa mise en œuvre pourraient être reportées jusqu'après la fin de la guerre à Gaza. Toutefois, les efforts de l'émissaire américain pour la sécurité énergétique Amos Hochstein – qui entame une tournée au Liban jeudi – ont atteint un stade avancé, celui de la négociation des moindres détails. La question n'est plus seulement liée à la délimitation des frontières terrestres, c'est-à-dire au retrait d'Israël des 13 points de litige et à un règlement de la question des fermes contestées de Chebaa, en plus du point B1 sur le littoral. Ce que souhaite Washington, c'est une stabilité durable dans la région frontalière, consolidée par un panier politique global comprenant l'élection d'un président de la République, la formation d'un gouvernement et le début de la reprise économique, de manière à ce que cette dernière contribue à maintenir la stabilité au Liban-Sud et la sécurité de la région.
« Khraj el-Mari », le dernier-né des villages libanais
Amos Hochstein, qui s'est entretenu lundi avec le vice-président du Parlement libanais Élias Bou Saab à Rome, s'est ensuite rendu à Paris, où il a rencontré des responsables français pour les informer du statut des négociations avec Israël et de ce qu'il compte faire à Beyrouth. De son côté, M. Bou Saab s'est entretenu avec le président de la Chambre pour l'informer de la teneur de sa réunion avec l'émissaire américain. « Nabih Berry a toujours eu des propositions pour éloigner le spectre de la guerre, et nous espérons que la visite demain (de Hochstein) constituera une étape vers la stabilité », a-t-il déclaré à la suite du tête-à-tête. « L'émissaire américain insiste sur la nécessité de reprendre les opérations de forage dans les blocs 8, 9 et 10, révèle une source diplomatique occidentale. Il vient à Beyrouth pour négocier plusieurs détails avec un objectif principal qui est de rétablir la stabilité au Liban-Sud et l'arrêt des affrontements entre le Hezbollah et Israël. » Ce plan se base sur la finalisation du tracé terrestre et le retour sous la souveraineté libanaise du nord du village Ghajar annexé par l'État hébreu en juillet. La partie libanaise sera rebaptisée « Khraj el-Mari », littéralement « périphérie d'el-Mari, une bourgade située un peu plus au nord. Des discussions sont également en cours sur la manière de traiter la question des résidents de cette région qui souhaitent rester en Israël. L'accord prévoit également la résolution de la question des fermes de Chebaa et des collines de Kfarchouba, occupées par Israël, revendiquées par le Liban et considérées par la communauté internationale comme faisant partie du Golan syrien.
Une source libanaise impliquée dans les tractations avec l'émissaire US précise toutefois que la question des fermes de Chebaa n'est pas actuellement au centre des négociations. « Le tracé des 13 points reste la principale préoccupation, la question de Chebaa et des collines de Kfarchouba est reportée à une étape ultérieure », explique-t-elle. Selon des informations obtenues par notre journal, la raison de ce report est un désaccord au sein de l'administration américaine sur le rôle de Hochstein. Certains s'opposent à son travail dans le domaine politique et de la délimitation de la frontière, arguant que sa mission est axée uniquement sur la question des hydrocarbures. Cependant, lui affirme qu'il œuvre pour une évolution diplomatique afin de protéger les champs pétroliers et gaziers. En octobre 2022, le diplomate américain a négocié un accord de démarcation maritime entre le Liban et Israël qui permet à ces deux États d'exploiter les ressources gazières dans leurs zones économiques exclusives respectives. Mais en raison de ces objections à Washington, Amos Hochstein a demandé à ses négociateurs de ne pas faire référence à toute discussion liée au dossier sensible de Chebaa pour le moment. « Il faut tout de même noter que, lors de sa dernière visite au Liban-Sud où il s'est entretenu avec le commandement de la Force intérimaire des Nations unies, M. Hochstein a posé plusieurs questions et demandé plusieurs cartes, cherchant à élaborer une vision sur la façon de résoudre le dilemme de cette zone contestée », souligne la source diplomatique précitée. Et de rappeler que lors de ses rencontres avec des responsables libanais et des diplomates, il a souligné l'importance de placer cette région sous la tutelle des Nations unies jusqu'à sa délimitation finale entre le Liban, la Syrie et Israël. « Selon lui, le règlement de cette question retirerait au Hezbollah toute raison d'invoquer la libération des territoires libanais occupés pour mener des opérations militaires contre Israël », explique la source. Toutefois, cela ne signifie pas que la milice chiite renoncera à ses armes, car celles-ci seront, à ses yeux, une force de dissuasion et un outil de défense dont le Liban a besoin dans le cadre de l'équilibre de la dissuasion avec Tel-Aviv pour protéger son territoire et ses ressources.
Un rôle accru de l'armée ?
En somme, les négociations sont très sérieuses et les Américains sont déterminés à finaliser la délimitation terrestre et à éliminer tout risque d'escalade. Cela ne peut cependant pas être dissocié de l'arrêt des opérations militaires israéliennes dans la bande de Gaza. Les Israéliens ont déjà annoncé qu'ils passaient à la troisième phase de la guerre, celle des attaques ciblées plutôt que des combats intensifs. Des efforts sont également déployés pour parvenir à une trêve humanitaire et relancer les négociations pour la libération des otages. « La trêve est censée durer quatre semaines, révèle la source diplomatique, au cours desquelles des négociations seront menées en parallèle avec le Liban et le Hezbollah pour parvenir à un accord ». Elle souligne dans ce cadre que « les Américains cherchent par là à distancier le parti chiite du conflit si les combats reprennent à Gaza. Mais le Hezbollah refuse catégoriquement ».
Le principal objectif des négociations actuelles est l'obtention de garanties sécuritaires permettant le retour des habitants des villes du nord d'Israël. Le Liban a d'ailleurs reçu plusieurs messages des chancelleries occidentales soulignant leur attachement à cette question. Parmi ces garanties proposées par les puissances internationales, il y a la question du retrait par le Hezbollah – conformément à la résolution 1701 – de l'essentiel de sa force militaire, en particulier ses armes précises, les missiles et les drones. Cela ne signifie cependant pas que le parti se retirera totalement de la région située entre la frontière et le fleuve Litani, certaines chancelleries évoquant la possibilité pour les responsables du mouvement et ses observateurs militaires de rester dans les localités du Sud dont ils sont originaires, mais sans les armes les plus sophistiquées. Toutes ces propositions sont envisageables pour le Liban, révèle la source libanaise précitée, mais dans le cadre d'un panier complet : le tracé terrestre, le retrait d'Israël des 13 points litigieux, le retour à la délimitation des frontières internationales établie en 1923, le retrait de la position B1 et son retour sous la souveraineté libanaise et un règlement de la question des fermes de Chebaa et des collines de Kfarchouba.
Dans ce contexte, on évoque l'expansion du rôle de la Finul et de ses prérogatives au Liban-Sud, mais cette idée n'est pas bien accueillie par les Casques bleus eux-mêmes, qui craignent que cela n'expose leurs contingents au danger et estiment qu'ils sont incapables de faire plus que ce qu'ils font actuellement. Le renforcement du rôle de l'armée libanaise et le déploiement davantage de troupes au Sud est également évoqué, en échange d'une assurance d'obtenir les moyens financiers nécessaires pour cette mission. Cela rend d'autant plus urgent la création des conditions économiques stables permettant au Liban de financer l'armée et de maintenir la stabilité. L'idée est de confier à l'institution militaire ce que la Finul ne pourra pas assumer. Ainsi, si les Casques bleus détectent une activité suspecte, comme le mouvement d'armes, ils informeront la troupe qui agira en conséquence. Tout cela nécessitera, en parallèle au renforcement du rôle de l'armée, la mise en place d'un panier global politique et économique. En d'autres termes : sortir l'État libanais des soins intensifs...
commentaires (13)
Hochstein croit vraiment qu'il est posslble de contraindre pacifiquement le Hezbollah à déposer les armes ou avec l'aide de l' ONU ? Malheureusement sans changement de régime en Iran. Ce sera impossible.
Dorfler lazare
17 h 40, le 11 janvier 2024