Rechercher
Rechercher

Nos Lecteurs ont la Parole

Le « Napoleon » de Ridley Scott


Le film Napoleon du metteur en scène britannique Ridley Scott est actuellement à l’affiche dans plusieurs salles de cinéma à Beyrouth.

Ce film qui a fait beaucoup de bruit et soulevé nombre de critiques, notamment en France, est une juxtaposition des grands moments de l’épopée napoléonienne. Sont ainsi représentés : la victoire du jeune Bonaparte à Toulon, l’écrasement par le général Bonaparte du soulèvement des royalistes à Paris le 13 vendémiaire an IV (15 octobre 1795), la rencontre et le mariage avec Joséphine, la bataille des pyramides, le coup d’État du 18 brumaire (9 novembre 1799), la cérémonie du sacre de l’empereur, la bataille d’Austerlitz, l’entrevue de Tilsitt avec le tsar Alexandre 1er, l’arrivée de Napoléon à Moscou en flammes, la naissance du roi de Rome, l’abdication, le retour de l’île d’Elbe, Waterloo et le départ de Napoléon sur le navire britannique en route vers son dernier exil à Sainte-Hélène.

Ce film-fresque est dominé par la relation d’amour de Napoléon et Joséphine qui en constitue le seul fil conducteur. Si certaines séquences sont bien présentées, le metteur en scène a pour l’essentiel pris beaucoup de liberté avec l’histoire. Ainsi, la date de naissance de Napoléon est fausse : 1768 au lieu de 1769, le bombardement des pyramides au cours de la campagne d’Égypte n’a jamais eu lieu, Napoléon étant connu pour son admiration de la civilisation pharaonique. Sa phrase adressée à son armée « Songez que du haut de ces pyramides trente siècles nous contemplent » est restée célèbre. Le retour en France après cette campagne est présenté comme motivé par la colère de Napoléon à la suite des nouvelles qui lui sont rapportées sur l’infidélité de Joséphine, alors qu’en fait la relation entre Joséphine et un jeune bellâtre du nom d’Hippolyte Charles eut lieu au cours de la première campagne d’Italie et non pas au cours de la campagne d’Égypte !

Absente du film est la relation de Napoléon avec la comtesse polonaise Marie Walewska qui s’était soumise à lui pour servir son pays que la Russie, la Prusse et l’Autriche s’arrachaient. Marie Walewska lui aurait donné un fils. Scott aurait pu faire figurer un épisode sur cette relation qui tient à la fois de l’histoire et de la vie privée de Napoléon et contenter ainsi les amateurs d’histoire et les personnes friandes de la petite histoire !

Dans la séquence précédant la bataille de Waterloo apparaît un vieil homme représentant Wellington vitupérant (contrairement au flegme et au langage courtois et mesuré du général britannique) au cours de la réunion à Vienne des ministres des Affaires étrangères des puissances européennes qui décidèrent de la reprise de la guerre contre Napoléon. Wellington n’a pas représenté la Grande-Bretagne à cette réunion de Vienne et n’était pas vieux puisqu’il avait le même âge que Napoléon !

Napoléon a fasciné le monde par son intelligence supérieure, ses grandes réalisations, la promptitude de ses actions et prises de décision, et aussi par son caractère à la fois despotique et débonnaire. Toutefois, rien ne figure dans le film sur les grandes réalisations de Napoléon : le Code civil, la Banque de France, la Légion d’honneur, l’organisation de la France en préfectures, la militarisation de l’École polytechnique… Rien sur ses relations avec ses frères, ses maréchaux, le pape, les politiciens comme Metternich, Fouché, Talleyrand… Rien sur la campagne d’Italie qui révéla le génie militaire de Bonaparte, aucune allusion n’est faite à la guerre d’Espagne qui fut le signe avant-coureur de sa vulnérabilité et sa future chute. Si le spectateur non initié peut sortir ébloui par le côté grandiose des séquences, sa connaissance du personnage de Napoléon demeure limitée…

Sur le plan cinématographique la bataille de Toulon est bien représentée. Pour ce qui est d’Austerlitz et de Waterloo, le grandiose, facilité par les effets spéciaux, y est très présent et fascinant. Toutefois, les idées relatives aux manœuvres sous-jacentes à ces batailles ne sont pas mises en évidence. De même l’enchaînement des opérations et les retournements de situation au cours de la bataille de Waterloo sont beaucoup moins proches de la réalité que ceux du film Waterloo de Sergueï Bondartchouk dans lequel Rod Steiger interpréta Napoléon. Par exemple, le film de Scott nous montre un Napoléon brandissant son sabre et se jetant dans la mêlée, détail d’autant plus loufoque que les temps où les souverains combattaient avec leurs armées étaient bien révolus. La vraie bataille de Waterloo dans sa première phase fut une lutte acharnée pour le contrôle des crêtes de Mont-Saint-Jean, de la Belle-Alliance et de la Haye Sainte qui changèrent de main plusieurs fois. Cet aspect ne transparaît pas dans le film. Aussi, pour la fin de la bataille, telle que décrite par les historiens, Scott aurait pu montrer l’armée française se retirant en formations carrées dans lesquelles s’enfermaient Napoléon et ses généraux. Il a opté pour l’inverse en réservant la vue des formations en carré à l’armée anglaise résistant aux assauts de la cavalerie française. Les avantages découlant d’un tel choix sont pour le moins discutables.

Il faut toutefois rendre justice à Ridley Scott pour la superbe séquence du sacre de l’empereur, mais pour la réaliser le metteur en scène n’a pas eu à piocher dans les livres d’histoire, le tableau de David relatif à cette cérémonie est mondialement connu.

Le personnage de Napoléon interprété par Joaquin Phoenix est le même tout au long du film qui couvre une durée de vingt ans. À la bataille de Toulon, du temps où le maigrelet commandant Bonaparte avait 25 ans, on nous montre un personnage plutôt pataud de 45 à 50 ans. Ni le visage ni la corpulence du personnage ne changent tout au long du film ; quant aux traits de caractère de Napoléon, la variation de ses états d’âme et ses accès d’humeur, ils y sont mal reflétés. Phoenix, pourtant un très bon acteur, ne brille pas particulièrement. Vanessa Kirby joue bien le rôle de Joséphine, c’est peut-être un des rares côtés brillants du film, et cet aspect plaira aux personnes fascinées par cette histoire d’amour devenue légendaire.

Il est vrai que dans un film traitant d’un sujet historique, un metteur en scène peut parfois prendre ses libertés avec l’histoire afin de donner plus d’entrain et de vigueur à son film. Toutefois, étant donné que l’épopée napoléonienne regorge tellement de faits et de situations spectaculaires et dramatiques, ce genre de déformation trouve peu de justification. Il est aussi vrai que deux heures et trente minutes sont insuffisantes pour un film sur Napoléon, mais le metteur en scène aurait pu choisir un film en deux ou trois épisodes séparés. On nous promet une version en DVD de quatre heures trente minutes, on n’y perd rien à attendre !

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

Le film Napoleon du metteur en scène britannique Ridley Scott est actuellement à l’affiche dans plusieurs salles de cinéma à Beyrouth.Ce film qui a fait beaucoup de bruit et soulevé nombre de critiques, notamment en France, est une juxtaposition des grands moments de l’épopée napoléonienne. Sont ainsi représentés : la victoire du jeune Bonaparte à Toulon, l’écrasement par...

commentaires (1)

Il est jaloux ce Scott nul

Eleni Caridopoulou

18 h 18, le 29 décembre 2023

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • Il est jaloux ce Scott nul

    Eleni Caridopoulou

    18 h 18, le 29 décembre 2023

Retour en haut