Rechercher
Rechercher

Société - Guerre Israël-Hamas

Comment la guerre à Gaza a affecté une partie de la jeunesse libanaise

Selon une enquête d’opinion de septembre 2022, 88 % des jeunes Arabes de 18 à 24 ans vivant dans la région du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord considèrent Israël comme un « ennemi » ou « une sorte d’ennemi ». Aucune étude récente sur le changement d’opinion publique depuis le 7 octobre n’a encore été publiée.

Comment la guerre à Gaza a affecté une partie de la jeunesse libanaise

Manifestation propalestinienne à Beyrouth, le 31 octobre 2023. Photo AFP

Tout a commencé comme n’importe quel samedi matin pour Maya Dahnoun. Dans sa maison familiale de Bchamoun, dans la montagne non loin de Beyrouth, la maquilleuse de 25 ans raconte avoir allumé son téléphone le 7 octobre, pour regarder sur Instagram les photos et vidéos d’une fête à laquelle elle a participé la veille. « C’était l’anniversaire d’un ami et je m’étais vraiment bien habillée », se souvient-elle en riant. Mais, quand elle ouvre son compte, la première vidéo sur laquelle elle tombe est celle d’un militant du Hamas en parapente. Très vite, la jeune femme rejoint sa famille dans le salon. « Je n’oublierai jamais le visage de mon père. Il avait l’air sidéré et ne décrochait pas de (la chaîne de télévision panarabe) al-Mayadeen. »

Comme le monde entier, elle apprend alors l’attaque surprise du mouvement palestinien en Israël à partir de la bande de Gaza. Depuis, la guerre fait rage dans l’enclave palestinienne, tuant près de 19 000 Palestiniens, selon les derniers chiffres publiés par le ministère gazaoui de la Santé. En parallèle, les bombardements à la frontière libano-israélienne entre le Hezbollah, des factions palestiniennes au Liban et l’armée israélienne sont devenus quotidiens. Selon un rapport publié par le ministère libanais de la Santé, plus de 100 personnes ont été tuées par les frappes aériennes israéliennes au Liban, dont trois journalistes, et environ 55 000 personnes ont été déplacées des villes frontalières.

La tension permanente qui règne depuis deux mois et le bain de sang auquel assiste en temps réel la jeunesse libanaise sur les écrans, ainsi que les événements et les images, ont accru l’intérêt « pour Gaza et les préoccupations humanitaires » via les réseaux sociaux », explique Leila el-Ali, chercheuse en sociologie au ministère de l’Éducation. En contact avec des adolescents et des jeunes adultes jusqu’à l’âge de 25 ans, elle affirme avoir « remarqué que certains étaient activement engagés, s’exprimant sur ce qui se passe, alors que d’autres, bien que favorables à la Palestine, s’étaient moins impliqués au départ ». Un soutien qui n’a fait que croître au fil des semaines, souligne-t-elle.

Génération des réseaux sociaux

Maya Dahnoun fait partie de ces jeunes pour qui l’utilisation des réseaux sociaux a explosé durant cette période. Elle estime désormais son temps d’écran à plus de huit heures par jour. En tant que maquilleuse, elle avait l’habitude de promouvoir son travail en ligne ou d’apprendre de nouvelles techniques de maquillage. Elle utilisait principalement TikTok et ne suivait que quelques médias d’information sur Instagram. « Cela a changé depuis le 7 octobre. Pendant les premières semaines de la guerre, j’étais collée au compte Instagram de Plestia. Je m’identifiais à elle, nous nous ressemblons, elle aurait pu être moi », explique-t-elle. Plestia Alaqad est une jeune journaliste de Gaza qui documente la guerre depuis le 7 octobre, principalement sur son compte Instagram, @byplestia, qui a depuis lors rassemblé des millions de followers.

Leila el-Ali a ainsi remarqué un autre groupe de jeunes Libanais émerger depuis le 7 octobre : ceux qui « n’étaient auparavant pas intéressés par la politique se sont engagés après avoir vu les événements se dérouler sur les réseaux sociaux. » Cette exposition « a considérablement modifié leur perspective, les rendant plus conscients de la situation humanitaire à Gaza. ils sont soudainement devenus plus enclins à discuter de ces questions ».

Lire aussi

Qui est Saleh el-Arouri, ce dirigeant du Hamas résidant au Liban ?

De son côté, Eva Oueiss, spécialiste en relations publiques à Jounieh, a affirmé qu’elle était attentive à documenter le « narratif du Moyen-Orient » sur les réseaux sociaux pour son réseau d’amis non libanais et non arabes. « Je me sentais responsable de contribuer à sensibiliser sur ce qui se passe vraiment à l’intérieur de Gaza » pour ceux qui ont été élevés à croire le contraire, dit-elle. Le plus souvent, Eva Oueiss utilise Instagram pour partager des informations sur la Palestine et le conflit. C’est une plateforme puissante pour des jeunes comme elle : « Nous parlons d’une génération qui passe la majeure partie de sa vie sur les réseaux sociaux », explique ainsi la sociologue.

« J’avais peur de partager des publications pro-Palestine, mais maintenant je m’en fiche »

Selon les conclusions de la 14e enquête annuelle sur la jeunesse arabe de Asda’a BCW, publiée en septembre 2022 et pour laquelle 3 400 jeunes Arabes âgés de 18 à 24 ans dans 17 pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord ont été consultés, 88 % d’entre eux considèrent Israël comme un « ennemi » ou « une sorte d’ennemi ». Aucune étude récente sur le changement d’opinion publique depuis le 7 octobre n’a encore été publiée, bien que les jeunes qui ont parlé à L’Orient Today suggèrent des niveaux encore plus élevés d’opposition à Israël et de soutien à la Palestine. « C’est très simple : les occupants et les colons sont les oppresseurs, dans ce cas Israël, et les peuples autochtones ont le droit, selon le droit international, d’utiliser la violence dans leur lutte pour l’indépendance et l’autodétermination », souligne Hussein Charafedine, étudiant de 31 ans en études de paix et conflits à Nabatiyé.

Manifestants propalestiniens devant l’ambassade de France à Beyrouth, le 31 octobre 2023. Photo AFP

Avant le 7 octobre, il croyait que « la violence ne pouvait pas répondre à la violence ». « Je croyais vraiment qu’à travers des négociations de paix, avec la communauté internationale comme médiatrice, les Palestiniens pourraient retrouver leur droit à un État indépendant. Mais après les actions d’Israël ces dernières semaines, je pense que les Palestiniens n’ont d’autre choix que de prendre les armes contre leurs occupants. »

Dima Obeid, kinésithérapeute, a elle aussi senti son soutien à la Palestine augmenter. Elle se décrit comme une « accro à la consommation de contenu sur les réseaux sociaux ». Mais là où elle passait autrefois une heure à faire défiler sans réfléchir des TikTok sur la mode chaque jour, elle passe maintenant son temps à regarder des journalistes sur Instagram, suivant la couverture en direct de la guerre à Gaza.

Cela faisait aussi des mois que la jeune femme tentait d’émigrer en Allemagne pour ses études. Alors ses publications sur les réseaux sociaux avant le 7 octobre étaient « légères et simples » : « Je n’avais jamais partagé quoi que ce soit lié à la politique dans ma vie. J’avais toujours peur de partager des publications pro-Palestine, de crainte d’être rejetée pour un emploi ou un possible visa, mais maintenant je m’en fiche, je veux que le monde sache ce qui se passe. » Maya Dahdoun, pour sa part, confie que beaucoup de ses clients « n’aiment ni la Palestine ni les Palestiniens, mais je m’en fiche si je les perds, je continuerai à partager (des informations) sur la Palestine. Cette guerre est brutale, c’est un cauchemar, je continuerai jusqu’à ce que cela se termine ».

« Le cercueil du droit international »

« Gaza pourrait être, et probablement est déjà, le cercueil du droit public international tel que nous le connaissons. Si les auteurs (de la guerre) ne sont pas tenus pour responsables, l’ordre mondial actuel, l’ONU et les tribunaux internationaux perdront toute leur légitimité », assure Vanessa Abou Jaoudé, avocate de 30 ans du quartier beyrouthin d’Achrafieh. Avocate pour la cause palestinienne, elle n’avait jamais autant utilisé son compte pour sensibiliser à cette cause. Selon Leila el-Ali, il y a eu un changement clair dans les aspirations des jeunes qui rêvaient autrefois d’aller en Occident. « Ils sont désillusionnés, réalisant la forte disparité entre la situation à Gaza et leurs perceptions de la liberté et de la démocratie en Occident », dit la sociologue.

Lire aussi

Les combats à la frontière anéantissent les espoirs d’une agriculture durable au Liban-Sud

Pour Ahmad Hajj, lycéen de 18 ans, aller à l’Université de New York a toujours été un rêve d’enfance. « J’étais superexcité de m’y rendre dans quelques mois pour étudier le génie mécanique. Mes parents m’y avaient inscrit, et étudier à la NYU est presque une tradition familiale. Mais maintenant, mon estomac se tord quand je pense être aux États-Unis dans quelques mois. Est-ce que je veux vraiment être dans le pays qui autorise ce génocide ? » confie-t-il à L’Orient Today. Sa mère s’est elle dit « choquée » lorsque son fils a dit qu’il ne voulait plus aller aux États-Unis. « Son père et moi voulons qu’il aille dans une grande université, et il ira toujours à la NYU à l’automne. Pour autant, je suis soulagée que mon fils commence à voir le monde tel qu’il est, ce n’est pas tout noir et blanc », affirme-t-elle.

Si la situation économique au Liban avait autrefois poussé de nombreux jeunes à chercher des opportunités à l’étranger, « j’ai remarqué un changement parmi eux maintenant », conclut Leila el-Ali. « L’éclat de l’Occident ne brille plus aussi fort à leurs yeux. »

Tout a commencé comme n’importe quel samedi matin pour Maya Dahnoun. Dans sa maison familiale de Bchamoun, dans la montagne non loin de Beyrouth, la maquilleuse de 25 ans raconte avoir allumé son téléphone le 7 octobre, pour regarder sur Instagram les photos et vidéos d’une fête à laquelle elle a participé la veille. « C’était l’anniversaire d’un ami et je...
commentaires (2)

Yes! Lave encore plus blanc... certains cerveaux... nous prédisait Abou Fouad... espérons qu'ils soient réutilisables sinon... drôle de gâchis...

Wlek Sanferlou

12 h 56, le 20 décembre 2023

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • Yes! Lave encore plus blanc... certains cerveaux... nous prédisait Abou Fouad... espérons qu'ils soient réutilisables sinon... drôle de gâchis...

    Wlek Sanferlou

    12 h 56, le 20 décembre 2023

  • "...et les peuples autochtones ont le droit, selon le droit international, d’utiliser la violence dans leur lutte pour l’indépendance et l’autodétermination », souligne Hussein Charafedine, étudiant de 31 ans en études de paix et conflits à Nabatiyé." Oui, certainement, quitte à ne pas oublier que la violence engendre une violence contraire, et qu'ils devaient s'attendre à ce qui arrive aux civils à Gazza, alors que les combattants sont bien protégés dans leurs tunnels!

    Georges MELKI

    09 h 54, le 18 décembre 2023

Retour en haut