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Nos Lecteurs ont la Parole

Vers l’irréparable

La situation est si grave, si compliquée, qu’il est sage de garder une posture de retenue. Se soustraire surtout à la véhémence des débats stériles. Or sur les réseaux sociaux, nous assistons et parfois même participons – entraînés malgré nous – à un déferlement de haine, de propos insensés, d’analyses incongrues, de certitudes sans nuls références ou fondements.

Chacun y va avec son commentaire assassin, provoquant adhésion ou réprobation. De la radicalité dans les différents camps, chacun y brandit sa vérité absolue en rejetant sans concession celle de l’autre. L’ennemi.

La paix, conquête récente de l’humanité, est-elle révolue ? La guerre est-elle naturelle ? Inévitable ? L’occasion pour exprimer presque légitimement comme le dit Freud une forme d’agressivité, de violence inhérente à la nature humaine ? Le criminel jugé en temps de paix sera ovationné en temps de guerre, la barbarie portée au pinacle. Héroïsme belliqueux.

J’assiste incrédule et impuissante à l’incompréhension, au rejet et à la haine de l’autre. Les murs s’érigent et sabotent tout dialogue. Les positions se durcissent.

Notre foi en l’humanité est inévitablement ébranlée.

« Un peuple heureux et sans conflits n’a pas d’histoire », affirme Hegel. De l’histoire, nous en produisons à l’infini malgré l’absence d’un livre unifié d’histoire, devoir ultime de mémoire. Les chapitres se succèdent et les personnages se relaient dans de répétitifs et morbides scénarios. Les événements n’épargnent aucune génération. Hegel aurait cité notre Liban en exemple. Surtout que notre histoire est souvent écrite par d’autres, aujourd’hui plus que jamais. Nous attendons, terrés chez nous, ce qui s’improvise dans les coulisses et les rôles que nous devrions bientôt endosser. Bon gré, mal gré. On dispose de notre destinée.

Et pourtant…

À la peur, j’aurais préféré jouer la tranquillité.

À la gravité, la légèreté.

À l’instabilité, la continuité.

À la stérilité, la créativité.

À la paralysie, l’envol.

« La fuite », me dit le script sans ménagement. La fuite pour sentence. Encore ?

Vous préféreriez peut-être l’effroi ? Ou la mort ?

L’amour ? La paix ? Non ? Sommes-nous incapables de les jouer pour ne jamais être suggérés par vos belligérants ?

La nature humaine est certes guerrière comme l’avance Freud, et pourtant, elle aspire fortement à la paix. Il suffit de favoriser l’élan empathique à la pulsion destructive. Œuvrer à la création d’une communauté humaine avec le moins d’affrontements possible. Solliciter le dialogue, éviter le retranchement. S’interdire les humiliations et les frustrations. Veiller à la dignité de tout peuple.

Résoudre les conflits et non les exacerber n’est-il pas en définitive le rôle des politiciens ? Où sont-ils ?

Dans le Projet de paix perpétuelle (délicieuse et prometteuse allitération), Kant a pensé un programme moral de l’humanité. « Si la guerre est un état de nature, la paix peut être instaurée comme état de droit. » Utopie, penseraient certains. Mais comment supporter le réel sans aspirer à un idéal ?

Projet de paix perpétuelle, un livre de chevet conseillé à tous les dirigeants indifférents à la montée des extrêmes et à la propagation de l’horreur, de l’innommable. Incapables d’endiguer l’hégémonie, les génocides, les pogromes. Incapables de protéger les enseignants, transmetteurs du savoir. Incapables de mettre un nom, une identité propre aux visages des innombrables victimes de ce conflit ancestral. Incapables tout simplement d’humanité.

La tentative d’un nettoyage ethnique se fait dans l’impunité. Le déplacement de population dans l’indifférence quasi totale des nations.

Comment avons-nous pu les élire, ces monstres ? Ces désincarnés ? Ces va-t-en-guerre qui foncent vers l’irréparable. Entraînant la race humaine vers son anéantissement.

À moins d’un réveil des consciences.

À moins d’un soulèvement sur soi.


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

La situation est si grave, si compliquée, qu’il est sage de garder une posture de retenue. Se soustraire surtout à la véhémence des débats stériles. Or sur les réseaux sociaux, nous assistons et parfois même participons – entraînés malgré nous – à un déferlement de haine, de propos insensés, d’analyses incongrues, de certitudes sans nuls références ou fondements. Chacun y...
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