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Société - Focus

Les hôpitaux libanais sont-ils prêts à l’éventualité d’une guerre ?

Faire des réserves de matériel médical, prévoir un plan d’évacuation… Les hôpitaux se préparent au pire, comblant le manque de ressources par les expériences de conflits passés. 

Les hôpitaux libanais sont-ils prêts à l’éventualité d’une guerre ?

L'hôpital libano-italien, à Tyr, mercredi 18 octobre 2023. Photo Lucile Wassermann

À l’hôpital du Mont-Liban, la guerre est avant tout une affaire de couleurs. « Nous avons mis en place un code blanc, à l’instar des autres hôpitaux, qui prévoit un plan d’évacuation des malades en cas de bombardements, et une reconfiguration du service d’urgences avec un triage entre patients rouges, jaunes et verts » en fonction de la gravité de leur blessure, explique mardi 24 octobre Gracia Dona, directrice des soins infirmiers de l’établissement hospitalier privé, situé à deux pas de la banlieue sud de Beyrouth pilonnée par Israël en 2006. L’épisode meurtrier de 33 jours a marqué les professionnels de santé, au point d’inspirer directement leur plan d’urgence actuel en cas de nouvelle déflagration : « En 2006, nous avons accueilli des patients en sous-sol pour les protéger des bombardements », rappelle-t-elle en déambulant dans les couloirs souterrains. « Nous sommes désormais prêts à accueillir 27 lits en soins intensifs dans nos trois niveaux de sous-sol » où tout a été prévu, jusqu’à recouvrir les vitres de parois boisées en cas d’explosion.

Se préparer au pire dans le sillage du conflit entre Israël et le Hamas, qui pourrait déborder au Liban, c’est ce que s’évertue à faire le syndicat des médecins libanais qui a organisé la veille un atelier dans la Maison des médecins à Beyrouth, réunissant ministère de la Santé, partenaires humanitaires et médecins. « Ce qui se passe à Gaza nous montre qu’Israël est prêt à tout. Or soyons francs, la situation des hôpitaux est déjà difficile au Liban, entre l’absence d’électricité et le départ de nombreux médecins pour l’étranger » en raison de la crise multidimensionnelle que traverse le pays, reconnaît d’entrée le député Bilal Abdallah (Chouf, Parti socialiste progressiste) et président de la commission parlementaire de la Santé. Dans la foulée, Amin Azzi, président du syndicat des médecins urgentistes, tire la sonnette d’alarme : sur les 90 médecins urgentistes, essentiels en cas de guerre, enregistrés dans le pays, « seuls 30 sont actifs », le reste ayant quitté le pays, notamment attirés par de meilleurs salaires. Président du syndicat des hôpitaux, Sleiman Haroun précise à L’OLJ : « Il y a un manque cruel d’infirmiers et de médecins en raison de la crise. Or il va falloir composer avec en cas de conflit. » Le directeur du syndicat des médecins, Youssef Bakhache, précise que les médecins qui restent en première ligne au cas où une guerre « éclate » vont suivre une formation pour apprendre à soigner les blessures de guerre.

Devant un powerpoint, Nadeen Hilal, conseillère du ministre de la Santé Firas Abiad, est revenue sur le plan d’urgence du ministère de la Santé en soutien aux hôpitaux : « Dès le 9 octobre, nous avons activé le Centre d'opérations d'urgence de la santé publique », précise-t-elle. Le but de cette cellule ? « Sauver les vies des blessés et prendre en charge la santé des personnes déplacées », en réunissant des données sur chaque hôpital, puis en redistribuant les ressources et les patients en fonction de leurs capacités respectives. Dans la salle, Élias Jaradé, médecin et député de la contestation (Sud III), s’impatiente : « Un plan d’urgence ? Mais de quoi parle-t-on ? La guerre a démarré depuis deux semaines dans le Sud et ce n’est que maintenant que l’on évalue les ressources des hôpitaux ? »

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« Avec les moyens du bord »

À Tyr, près de 7 000 habitants fuyant les bombardements israéliens ont trouvé refuge, selon Mortada Mohanad, directeur de l’unité de gestion des catastrophes auprès de la fédération des municipalités du caza. Youssef Jaafar, directeur de l’hôpital libano-italien, un établissement privé, ne cache en effet pas ses difficultés : « Nous nous préparons, mais avec les faibles ressources dont nous disposons. Car aujourd’hui, nous peinons à obtenir des médicaments, et même certains équipements médicaux », dit-il à L’OLJ. La crise financière de 2019 a provoqué une pénurie de médicaments, dont l’accès est devenu encore plus difficile avec la fin des subventions fournies par la Banque du Liban sur la grande majorité des médicaments en 2021. Plus à l’ouest, non loin de la frontière avec Israël, le directeur de l’hôpital public de Nabatiyé, Hassan Wazni, abonde : « En temps normal, la santé publique est déjà mise à mal. Mais en cas de conflit, il faut faire des réserves supplémentaires d’équipements, de médicaments et de carburant pour les générateurs, car les routes peuvent être coupées », précise-t-il, ajoutant s’être organisé « avec les moyens du bord pour avoir des réserves d’un mois ». Selon lui, le plan d’urgence du ministère de la Santé « est pour l’instant théorique, en l’absence de financements pour sa mise en œuvre ».

Contacté, Firas Abiad répond qu’outre des donations d’équipement de la part de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), « le gouvernement a avancé au ministère de la Santé l’équivalent de près de 11 millions de dollars en livres libanaises, tout en permettant l’utilisation d’un million de dollars, prévu pour la lutte contre la Covid, pour soutenir les hôpitaux publics ». Cela a notamment permis de couvrir les frais des déplacés blessés à Tyr, dit-il. « Des négociations sont en cours avec la Banque mondiale pour qu’une partie des prêts attribués au Liban soit versée aux hôpitaux en cas de blessés à prendre en charge », ajoute-t-il.

« Habitués à la guerre »

En attendant, les directeurs d’hôpitaux disent compenser le manque de moyens par l’expérience accumulée lors de précédents conflits. Car « nous sommes habitués à la guerre », concède Youssef Jaafar. À Nabatiyé, l’expérience de 2006 sert encore d’étalon à Hassan Wazni : « Nous ferons probablement comme à l’époque où, dès qu’il y avait une trêve, nous envoyions des malades et des blessés dans des zones plus calmes, comme à Saïda ou à Beyrouth », dit-il.

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Directeur de l’hôpital privé Al-Raai de Saïda, Brahim al-Raai dit avoir lancé il y a trois semaines un plan d’urgence avec « des réserves pour tenir deux mois, des médecins urgentistes en alerte, prêts à intervenir à tout moment, ainsi qu’une formation déployée aux employés pour les soins d’urgence ». Outre le souvenir de la guerre de juillet, il évoque le conflit plus récent dans le camp palestinien de Aïn el-Heloué : « Nous avons reçu de nombreux blessés, ce avec le soutien matériel du CICR, pas du ministère de la Santé », précise-t-il.

À Beyrouth, plusieurs hôpitaux privés ont l’expérience de soigner des blessés transférés d’autres régions. « Nous avons accueilli 220 blessés par hélicoptère lors du conflit de Nahr el-Bared » en 2007 entre l’armée militaire et Fateh el-Islam, précise Georges Ghanem, chef du service de cardiologie de l’hôpital Rizk. En charge du développement stratégique de l’hôpital, il précise que « les grands hôpitaux ont tous un plan de préparation à l’urgence. Nous avons amélioré le nôtre au regard de l’expérience de l’explosion au port le 4 août 2020. Le plus important, c’est que chacun connaisse exactement son rôle », souligne-t-il, précisant que l’hôpital prévoit de faire un exercice grandeur nature le 4 novembre. « Malgré les crises à répétition, de la pandémie de Covid à la crise financière, nous sommes prêts ».

À l’hôpital du Mont-Liban, la guerre est avant tout une affaire de couleurs. « Nous avons mis en place un code blanc, à l’instar des autres hôpitaux, qui prévoit un plan d’évacuation des malades en cas de bombardements, et une reconfiguration du service d’urgences avec un triage entre patients rouges, jaunes et verts » en fonction de la gravité de leur blessure,...

commentaires (2)

C’est quoi le problème du modérateur? Un commentaire affirmant que le Liban est loin d’être prêt puisqu’il ne l’a jamais été en temps normal pour subvenir aux besoins de ses citoyens si une guerre arrivait à être provoquée? Où trouve t-il à redire et pourquoi censurer?

Sissi zayyat

17 h 36, le 27 octobre 2023

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Commentaires (2)

  • C’est quoi le problème du modérateur? Un commentaire affirmant que le Liban est loin d’être prêt puisqu’il ne l’a jamais été en temps normal pour subvenir aux besoins de ses citoyens si une guerre arrivait à être provoquée? Où trouve t-il à redire et pourquoi censurer?

    Sissi zayyat

    17 h 36, le 27 octobre 2023

  • OLJ.... vous créez une psychose de guerre avec toutes vos questions tournées en articles.

    Marie Claude

    10 h 32, le 26 octobre 2023

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