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Société - Témoignages

« Les Libanais sont habitués à se préparer au pire »

À l’heure où les combats s’intensifient au niveau de la frontière sud avec Israël, les Libanais prennent déjà leurs précautions.

« Les Libanais sont habitués à se préparer au pire »

Des passagers poussant leurs bagages dans l'aéroport de Beyrouth. Photo d'archives L'OLJ / João Sousa

 « L’aéroport de Beyrouth… une catastrophe », écrit un internaute, avec une vidéo montrant l’interminable queue qui s’étale jusque dans le hall d’entrée. Au sein de la foule, Camille*, arrivée de France il y a à peine deux jours pour rendre visite à sa copine Alex*, replie déjà bagage. Elle a préféré écourter son séjour à l’aune des heurts survenus à la frontière opposant des miliciens du Jihad islamique et des Brigades al-Qods à l'armée israélienne près de Aïta el-Chaab, lundi après-midi. « Cela ne servait plus à rien qu’elle reste. Avec tout ce qui se passe, je risque d’être très prise par mon travail. Je ne voulais pas qu’elle reste seule à m’attendre surtout dans ces conditions », explique Alex, sur le chemin du retour de l’Aéroport international de Beyrouth (AIB).

Outre des touristes faisant demi-tour, le hall de l'AIB accueille aussi des expatriés sur le départ, à l’instar de Bastian*, un Allemand de 32 ans récemment employé dans une ONG à Beyrouth. Dans la foulée de l'offensive contre Israël menée par le Hamas depuis Gaza samedi dernier, son patron lui a chaudement conseillé de préparer ses valises, préférant anticiper le pire : « C’est très frustrant de devoir mettre fin à mon expérience après seulement six semaines au Liban, mais je n’avais pas vraiment le choix », confie-t-il en préparant son départ pour l’aéroport, où l’armée a été déployée davantage que d’ordinaire.

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Contactée par L’OLJ, Rima Mekkaoui, responsable du service de communication de la Middle East Airlines, confirme que les récents événements ont un effet sur les réservations et les annulations de vols sur leurs lignes, sans que cela se traduise par une hausse significative du nombre de voyageurs quittant le Liban. « Jusqu’à présent, seuls quelques groupes de touristes européens ont annulé leur vol ces derniers jours, mais cela ne représente que quelques dizaines de personnes, détaille-t-elle. D’autres ont avancé leur date de départ de Beyrouth. Mais pour l’instant, la compagnie ne prévoit pas d’augmenter le trafic. Tout reste à la normale. »

D’autres demeurent indécis, comme Tania, qui devait venir au Liban ce vendredi pour rejoindre « sa moitié », mais pense désormais à annuler son vol. « Pour l’instant, j’attends de voir », dit-elle depuis la Suisse, ajoutant qu'elle prendrait sa décision finale jeudi soir.

Traumatisés par la guerre de 2006

Les exemples de ces derniers jours illustrent surtout les inquiétudes de touristes et de ressortissants étrangers, notamment depuis que de nombreuses ambassades ont actualisé leurs fiches à destination des voyageurs. Pas de vent de panique du côté des Libanais, la vie semblait suivre son cours ce mardi, à quelques détails près. En raison des heurts survenus à la frontière sud, qui ont entraîné la fermeture, sur ordre ministériel, des écoles du public et du privé de la région, certaines familles ont préféré rejoindre la côte ou la capitale.

Khadija* a quitté Nabatiyé, lundi, vers 17h  avec sa fille de 25 ans pour se réfugier chez sa sœur à Beyrouth. « On entendait les bombardements», raconte la cinquantenaire, toujours traumatisée par la guerre de 2006. « Je suis de nature peureuse… et j’ai une phobie du bruit des avions… » dit-elle. Pour l’instant, elle ne sait pas si elle rentrera chez elle les prochains jours. « Nous ne savons rien de ce qui peut arriver, mais ma fille doit retourner travailler… »

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La famille de Moussa Abdallah et 24 autres résidents du village de Marwahin ont, eux, choisi de se réfugier à Saïda lundi soir : « Trois obus sont tombés dans le village et trois maisons ont été détruites », raconte Moussa Abdallah. Lui et ses enfants ont vécu « la terreur ». Pendant plus de deux heures, les bombardements et les tirs n’ont pas cessé. « Les enfants se sont mis à pleurer et à hurler », relate-t-il lundi soir depuis la corniche de Saïda, en attendant d’être hébergé.

Stocker en pleine crise ?

Dans le reste du pays, la situation semble pour l’instant plutôt calme. Après avoir été témoin d’une queue plus importante la veille au soir, l’employé d’une station-service bordant l’autoroute de Hazmieh assure que la situation est revenue à la normale dans la matinée. Selon lui, cette file s’explique aussi par la fermeture d’autres stations dans la capitale au même moment, par crainte d’un événement. « Les Libanais sont habitués à se préparer au pire, alors certains ont pris leurs précautions, relève le pompiste. Il vaut mieux garder son argent que faire des provisions d’essence. Car de toute façon, s’il y a une guerre, où pourrons-nous aller ? »

Dans un « furn », près du quartier de Tayouné, rien à signaler. Mais parmi les quelques clients, le chariot de Emné* et Soraya* est rempli de toutes les formes de pain possibles. « S’il y a une guerre, tout le Liban sera touché et nous ne pourrons plus bouger », s’emporte Soraya. Dans un supermarché, à quelques pas de là, Randa*, qui vit à Dekouané, commence à faire des provisions. « C’est juste quelques produits de plus que d’habitude », dit-elle en montrant 12 sachets de riz. Une autre femme, à la caisse, assure que tout est calme pour l’instant. « Et puis, comment voulez-vous qu’on fasse un stock avec la crise ? » lâche-t-elle.

Un commerçant de la Békaa raconte, lui, qu’un début de panique est tangible : « Nous n’avons plus de riz ni de farine. » Le chef du syndicat des propriétaires de supermarchés, Nabil Fahd, a indiqué à L'OLJ qu’il y avait eu « une augmentation marquée des ventes dans les zones au sud de Beyrouth d’environ 25 % durant le week-end, mais aussi lundi et mardi », ajoutant que « dans d'autres zones, cette hausse n'était que d’environ 10 % ».

Enfin, sur les routes du pays, beaucoup d’automobilistes conduisent en suivant les dernières informations : « Je ne pense pas qu’il y aura une guerre », dit Mahmoud*, chauffeur de taxi résidant à Bourj el-Brajné. S’il dit ne pas avoir peur, il prend néanmoins ses précautions, ayant préparé un sac avec les passeports de la famille. Au fur et à mesure de la conversation, la crainte commence toutefois à se frayer un chemin... « Mais où on partirait ? Peut-être dans mon village dans la Békaa, mais ça risque d’être dangereux aussi. »

*Les noms de famille ont été préservés.

 « L’aéroport de Beyrouth… une catastrophe », écrit un internaute, avec une vidéo montrant l’interminable queue qui s’étale jusque dans le hall d’entrée. Au sein de la foule, Camille*, arrivée de France il y a à peine deux jours pour rendre visite à sa copine Alex*, replie déjà bagage. Elle a préféré écourter son séjour à l’aune des heurts survenus...
commentaires (1)

La photo illustrant cet article est biaisée, vous nous montrez le hall d'arrivée avec sa cohorte habituelle d'indiscipline.

C…

12 h 19, le 11 octobre 2023

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Commentaires (1)

  • La photo illustrant cet article est biaisée, vous nous montrez le hall d'arrivée avec sa cohorte habituelle d'indiscipline.

    C…

    12 h 19, le 11 octobre 2023

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