La commission parlementaire des Finances et du Budget, présidée par le député Ibrahim Kanaan, a bien entamé lundi l’examen du projet de budget de 2024 que le gouvernement a adopté en une poignée de jours lors de la première quinzaine de septembre. Cette réunion, à laquelle a notamment assisté le ministre sortant des Finances Youssef Khalil, avait été annoncée la semaine dernière et n’a pas été reprogrammée, malgré la situation explosive entre Israël et le Hamas depuis l’offensive du mouvement islamiste palestinien samedi et les débordements, jusqu’ici contrôlés, qu’elle occasionne à la frontière libano-israélienne.
L’enseignement principal de la réunion d’hier est que le gouvernement sortant a finalement fusionné les deux projets de budget qu’il a approuvés cet été, à savoir celui de 2023 – dont le processus d’adoption est en retard de plusieurs mois et que la commission avait renvoyé à l’exécutif – et celui de 2024, qui est encore dans les temps par rapport aux délais prévus par la Constitution.
Selon les chiffres du projet de budget que L’Orient-Le Jour a pu consulter, le nouveau projet compte 133 articles et table sur un déficit de 18 000 milliards de LL, soit un peu plus de 211 millions de dollars au taux de 85 000 LL pour un dollar retenu, proche de celui de 90 000 LL actuel sur le marché. Selon nos calculs, cela représente 6,1 % des dépenses publiques, un ratio bien moins élevé que les 13,8 % initialement prévus dans le projet de budget de 2024 et celui de 24 % du budget de 2023. Les recettes s’élèvent à 277 000 milliards de LL, un objectif que la commission des Finances juge difficile à atteindre, comme l’a souligné son président, le député Ibrahim Kanaan, du Courant patriotique libre (CPL, aouniste), au cours de sa conférence de presse après la réunion.
Infractions et critiques
Selon Ibrahim Kanaan, les députés ont décidé d’examiner le texte malgré les infractions commises par rapport à la Constitution. « La commission des Finances statuera sur ces questions après avoir examiné le fond du projet », a-t-il encore assuré.
Les députés ont relevé deux entorses :
- Le fait que le projet de budget ait été transmis sans être signé par l’ensemble des ministres sortants du gouvernement, alors que cela aurait dû être le cas, vu que le gouvernement est démissionnaire et que le pays est sans président depuis fin octobre 2022.
- Et le fait que le gouvernement n’ait pas transmis au Parlement « le compte définitif de l’administration des finances » pour l’exercice 2023, comme le prévoit la Constitution, qui régit le processus de clôture des comptes publics.
Parmi les autres remarques faites par les députés sur le fond et qui ont été rapportés pendant la conférence de presse d’Ibrahim Kanaan, figure le fait que le projet de budget ne repose sur aucune vision économique et que le choix des mesures fiscales adoptées pour gonfler les recettes publiques en alignant le taux employé soit de nature à provoquer d’importants déséquilibres Le ministre sortant des Finances assure qu’il ne s’agit pas de hausse d’impôts, mais d’un processus d’alignement sur le marché du taux de change employé par l’administration fiscale pour calculer les impôts et taxes.
Si la valeur de la livre s’est effondrée en quatre ans de crise, marquée aussi par des restrictions bancaires, l’administration a en effet longtemps maintenu l’ancienne parité officielle de 1 507,5 livres pour un dollar pour le calcul des impôts et taxes, et n’a commencé à changer de méthode qu’en fin d’année dernière, avec l’entrée en vigueur tardive du budget de 2022.
La commission a prévu de se réunir lundi prochain pour poursuivre l’examen du document, qui devra être approuvé par l’assemblée plénière du Parlement pour être applicable.