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Environnement - Environnement

« Bioconnect » ou comment créer des ponts entre les réserves naturelles au Liban

Un projet piloté par l’Association des cèdres du Chouf et financé par l’UE veut renforcer la gestion des sites protégés du Sud et créer des « corridors » de protection entre eux.

« Bioconnect » ou comment créer des ponts entre les réserves naturelles au Liban

Le panorama vu du versant est de la réserve du Chouf, qui concentre une bonne partie des régions incluses dans le projet « Bioconnect ». Photo Mohammad Yassine

Du haut du versant est de la réserve des cèdres du Chouf, la vue est à couper le souffle sur la chaîne de l’Anti-Liban avec ses villages pittoresques et leurs aires protégées. Côté sud, le lac du Qaraoun pointe son nez, et le mont Hermon, qui abrite une nouvelle réserve, se dresse majestueusement. Devant ce panorama, l’idée d’une continuité écologique et territoriale entre ces régions globalement préservées s’impose comme une évidence. C’est cette connexion que veut renforcer le projet « Bioconnect », financé par l’Union européenne et couvrant le sud du pays, du Metn jusqu’à Tyr, en passant par le Chouf et le sud-ouest de la Békaa.

À l’ombre des cèdres centenaires de la forêt de Maasser el-Chouf, Kamal Abou Assi, membre de l’Association des cèdres du Chouf et coordinateur de « Bioconnect », précise que la priorité du projet est de renforcer la gestion dans les réserves existantes par le transfert d’expériences de l’une à l’autre, tout comme la création d’un système de gestion dans les nouvelles réserves. « Sa seconde composante essentielle vise à définir de nouvelles aires à protéger entre ces différents sites afin d’étendre la superficie de terrains où la biodiversité ne serait plus sous pression et de créer des sortes de corridors sûrs pour les espèces », explique-t-il.

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Une protection accrue de la biodiversité est cruciale en ces temps de crise économique. « La biodiversité du Liban est fortement menacée de dégradation, constate en effet Alessia Squarcella, chef adjointe de la coopération à l’UE. Les effets néfastes du changement climatique sont exacerbés par un certain nombre de comportements découlant de la crise financière, tels que l’utilisation accrue et non réglementée de l’eau, l’érosion des sols et le déboisement. Notre projet dans le Chouf vise à préserver la biodiversité et les écosystèmes en donnant aux communautés locales les moyens de gérer efficacement les zones protégées. »

Les récents cas d’abattage illégal et massif d’arbres centenaires en plusieurs points du pays corroborent ces propos, d’autant plus que, comme le constate la responsable de l’UE, la superficie protégée au Liban est bien en deçà des standards internationaux et ne couvre actuellement que 2,18 % du territoire. Et les aires protégées existantes manquent de ressources, de gestion et de support de la part d’un État lui-même en grande difficulté.

L’un des sentiers de la magnifique cédraie de Maasser el-Chouf, l’une des trois que compte la réserve. photo Mohammad Yassine

Ce projet, qui a commencé en décembre 2021 et s’étendra jusqu’en novembre 2025 avec un budget de 4,5 millions d’euros, vise à apporter des réponses concrètes à ces défis.

Créer des « corridors sûrs » pour les espèces

Les réserves incluses dans le projet sont celle des cèdres du Chouf, la nouvelle réserve du mont Hermon et la plage de Tyr, des sites auxquels il faut ajouter un parc géologique à Jezzine en cours de création et les « himas » (des aires protégées par les autorités locales) de Ras el-Metn, Hammana, Aïn Zebed, Kherbet Qanafar, Ebl es-Saqi, Mansouri et Qleilé. Les nouvelles aires à protéger devront être situées entre ces sites, explique Kamal Abou Assi, et seront choisies en fonction des espèces animales et végétales qu’elles renferment. « La biodiversité ne connaît pas de frontières, dit-il. Les oiseaux migrateurs, à titre d’exemple, sont protégés dans les réserves, mais pas au-delà. D’où l’importance de créer ces corridors de protection. »

Kamal Abou Assi, coordinateur de Bioconnect, parle des bienfaits des corridors de protection de la biodiversité et de la coopération entre les équipes de gestion des réserves. Photo Mohammad Yassine

Reconnaissant la difficulté que pourraient poser les tentatives de protéger des terrains potentiellement privés ou déclarés zone militaire par exemple, même s’il ne s’agira pas de les classer en tant que réserves à proprement parler, Kamal Abou Assi estime que la priorité sera d’introduire la composante de la protection dans l’utilisation des terrains : à titre d’exemple, il s’agira de protéger telle fleur de l’expansion urbanistique ou interdire strictement la chasse contre telle espèce d’oiseau dont on aura identifié l’itinéraire. Au besoin, des décrets pourraient être adoptés en collaboration avec les ministères concernés, espère-t-il.

Une agriculture durable contre le changement climatique

Outre l’Association des cèdres du Chouf, qui pilote le projet, sont également impliquées la Société de protection de la nature au Liban (SPNL), qui a réintroduit le concept traditionnel de « hima » au Liban, l’Association pour le développement des capacités rurales (ADR) liée à la réserve de Tyr et l’Association pour la communauté et le développement (ACE), qui travaille sur Jezzine. Le projet donne donc la part belle aux ONG et aux autorités locales, mais aussi, affirme Alessia Squarcella, à des groupes sociaux vulnérables, comme les réfugiés, les chômeurs, les femmes, les enfants ou encore les personnes handicapées. L’idée sera de les intégrer dans des activités liées à la réhabilitation de terrains abandonnés ou encore à l’agriculture durable, ce qui améliorera leur qualité de vie tout en les rendant plus résilients face à la crise économique, ajoute-t-elle.

Du miel, l’un des produits labellisés réserve du Chouf et manufacturés par des habitants des alentours de la réserve. Selon une étude menée par l’Association des cèdres du Chouf, chaque dollar investi dans la protection génère 19 dollars de bénéfices pour les populations locales. Photo Mohammad Yassine

Car l’agriculture dans les environs des forêts n’est pas oubliée dans « Bioconnect ». Dans les alentours de la réserve du Chouf, Kamal Abou Assi nous montre des terres agricoles récemment nettoyées et des terrassements réhabilités, ce qui contribue nettement à réduire le risque d’incendies déclenchés par la biomasse accumulée. Alessia Squarcella précise que le projet comprend la réhabilitation et la gestion durable de 30 hectares de terrains agricoles abandonnés ou surexploités au Chouf et de 20 autres au Mont Hermon.

Kamal Abou Assi a l’espoir que le projet aura des effets concrets, non seulement sur la préservation de la biodiversité dans les réserves, mais aussi sur la protection des espèces sur tout le territoire. « C’est par l’observation à long terme que nous pourrons en mesurer le succès », dit-il. Il ambitionne aussi de généraliser les acquis de « Bioconnect » au reste du pays par la création de groupes de travail entre toutes les réserves à l’avenir.

Cette production a été réalisée dans le cadre du programme « EU NEIGHBOURS South ». Les opinions exprimées sont celles des auteurs et des intervenants. Elles ne prétendent pas refléter les opinions ou les points de vue de l’Union européenne.

Du haut du versant est de la réserve des cèdres du Chouf, la vue est à couper le souffle sur la chaîne de l’Anti-Liban avec ses villages pittoresques et leurs aires protégées. Côté sud, le lac du Qaraoun pointe son nez, et le mont Hermon, qui abrite une nouvelle réserve, se dresse majestueusement. Devant ce panorama, l’idée d’une continuité écologique et territoriale entre ces...

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