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Politique - Commentaire

Le Liban pour le retour des réfugiés... sans fâcher Assad

À l’heure où le régime syrien se montre très peu disposé à accueillir ses exilés, même s’il affirme le contraire, Beyrouth mise sur la coopération avec Damas pour permettre leur rapatriement. 

Le Liban pour le retour des réfugiés... sans fâcher Assad

Des enfants dans un camp de réfugiés syriens dans la Békaa, dans l’est du Liban, en 2023. Photo Mohammad Yassine

Cherchez l’erreur. À l’occasion de l’Assemblée générale des Nations unies, la semaine dernière à New York, le Liban monte au créneau pour dénoncer la présence de plus d’un million de réfugiés syriens sur son territoire. Jusque-là, rien d’anormal pour un petit pays auquel on ne peut pas raisonnablement demander d’intégrer un si grand nombre de déplacés. Toutefois, en juin dernier, c’est au sein de cette même assemblée que ce même Liban s’abstenait de soutenir une résolution visant à créer une commission indépendante sur le sort des dizaines de milliers de disparus en Syrie, dont de nombreux Libanais. Une position qui consacre l’impunité du régime de Bachar el-Assad, en grande partie responsable de l’exode massif du peuple syrien, 12 ans après le début de la guerre civile syrienne.

« Qui fuis-je ? »

Dès leur arrivée au Liban avec la tournure violente prise par la révolte de 2011, la présence de ces réfugiés a posé un défi d’envergure. Parce que le Liban traverse la pire crise économique, financière et sociale de son histoire – même si la part de responsabilité des migrants dans cet effondrement est exagéré – ; parce que l’afflux d’une population marginalisée entraînée via le service militaire obligatoire à porter les armes dans un contexte sécuritaire tendu est rarement une bonne idée ; parce que l’équilibre démographique (ou ce qu’il en reste) entre les différentes confessions est devenu la pierre angulaire de la vie politique libanaise… Bref, ce ne sont pas les « parce que » qui manquent. Dès lors, cela fait depuis 2013 que le départ des réfugiés est réclamé par une large frange de la population et de l’échiquier politique, notamment les chrétiens. Le sujet est revenu sur le devant de la scène ces derniers temps, alors qu’une nouvelle vague de ressortissants syriens tente de rejoindre en douce le Liban. Ils pourraient être en train de fuir la reprise des bombardements de l’armée de Damas contre le dernier bastion rebelle dans le Nord-Ouest, ou des conditions économiques rendues invivables par un régime qui continue de s’enrichir à coup de monopoles et de commerce du Captagon, voire la perspective d’une nouvelle répression dans le sang des manifestations qui reprennent dans le Sud. Il n’y a pas de réponse claire au niveau des détails. Mais dans tous les cas, c’est surtout Bachar el-Assad qu’ils sont en train de fuir. 

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Or, et c’est paradoxalement vers le président syrien que le Liban compte se tourner pour arrêter le flux de réfugiés, et même rapatrier ceux qui s’y trouvent déjà. Le gouvernement sortant de Nagib Mikati prévoit en effet de dépêcher en Syrie le ministre sortant des Affaires étrangères, Abdallah Bou Habib, pour en discuter avec Damas. L’argumentaire du Sérail serait que la seule manière de rapatrier les Syriens est de coordonner leur retour avec les autorités de leur pays. Mais il suffit à ces responsables de jeter un coup d’œil rapide sur les rapports d’organisations indépendantes, à l’instar d’Amnesty International ou de Human Rights Watch, énumérant les violations à l’encontre des rapatriés par le gouvernement de Bachar el-Assad, pour comprendre que cette stratégie est vouée à l’échec. De la saisie de leurs biens immobiliers aux disparitions forcées, il paraît clair que le régime ne souhaite tout simplement pas le retour de ses citoyens exilés et les utilise pour  marchander une place au sein de la communauté internationale. D’autant que le statu quo arrange ses affaires. Car Assad paraît bien heureux de s’être débarrassé – en toute impunité, évidemment – de millions de pauvres gens, de contestataires, et surtout de sunnites, une communauté que son régime œuvre depuis toujours à marginaliser. 

Le Liban défend son ancien occupant

Mais plutôt que de rejoindre le rang de ceux qui veulent forcer la main du régime syrien et le pousser à faire de véritables concessions pour ouvrir la porte aux réfugiés (les amnisties décrétées par la présidence syrienne restent cosmétiques), le Liban prend haut et fort la défense de son ancien « tuteur » dans les forums internationaux. « Il faut aider la Syrie », décrétait par exemple M. Bou Habib devant ses homologues arabes, au Caire, début septembre, tandis qu’il accuse les pays occidentaux d’être le principal obstacle au retour des réfugiés. Lorsqu’il lançait son appel, le chef de la diplomatie feignait-il d’ignorer que les capitales arabes étaient de plus en plus frustrées à l’égard de la Syrie, qui continue d’être la plaque tournante de trafics de drogue vers leurs territoires malgré la normalisation des relations ? « Depuis que notre dialogue avec la Syrie a commencé, nous avons remarqué une augmentation des opérations de trafic de Captagon vers le royaume », a concédé cette semaine le ministre jordanien des Affaires étrangères, Ayman Safadi, dont le pays a été l’un des premiers à ouvrir la voie à une normalisation avec le régime de Bachar pour tenter de l’apaiser. En vain.

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Que le gouvernement sortant ferme les yeux sur le rôle du régime dans la crise des réfugiés et migrants syriens n’est pas choquant. Il s’agit au final d’un cabinet soumis au Hezbollah, complice de Bachar el-Assad. Mais ce qui peut surprendre, c’est de voir que même le camp de l’opposition, héritier du mouvement qui a conduit les troupes syriennes vers la sortie en 2005, a fini par sombrer dans le populisme. « Les réfugiés ont voté Assad lors de l’élection présidentielle de 2021 », dénonce un cadre des Forces libanaises, alors qu’on estime que moins de 5 % des Syriens au Liban ont participé à ce scrutin qualifié de « farce » par les experts et les organisations internationales. « 80 % du territoire syrien est sûr », abonde de son côté Samy Gemayel, chef des Kataëb, reprenant (à son insu ?) la thèse du régime qui prétend que le territoire qu’il contrôle est stable et adapté à l’accueil des rapatriés. Pour aboutir à cet objectif, le député du Metn a d’ailleurs appelé Beyrouth à « dialoguer avec toutes les parties concernées ». Même avec celui que les partis du 14 Mars décrivaient comme le « bourreau commun » des Syriens et des Libanais ?

Cherchez l’erreur. À l’occasion de l’Assemblée générale des Nations unies, la semaine dernière à New York, le Liban monte au créneau pour dénoncer la présence de plus d’un million de réfugiés syriens sur son territoire. Jusque-là, rien d’anormal pour un petit pays auquel on ne peut pas raisonnablement demander d’intégrer un si grand nombre de déplacés....

commentaires (3)

L’erreur est connue, elle procède de l’incompétence des Libanais au pouvoir depuis le début de la guerre civile Syrienne. En effet, nos dirigeants ont tous, chacun à sa manière et d’une façon ou d’une autre, pensé prendre profit de l’arrivée de ces malheureux torturés et embastillés par Bachar el-Assad. Cela n’a pas vraiment fonctionné comme ils l’espéraient et maintenant plus personne, ou presque, n’en veut ! Le seul moyen de rapatrier ces réfugiés est la coopération avec les autres pays arabes et à travers l’ONU afin d’éliminer ce régime sanguinaire afin qu’ils puissent rentrer et reconstruire leur pays. Pour cela il faut un Liban dont les institutions gouvernementales fonctionnent, mais cela ne semble pas être pour demain. En attendant, les Libanais et les Syriens vivent, et vont continuer à vivre, un martyr.

TrucMuche

17 h 03, le 26 septembre 2023

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Commentaires (3)

  • L’erreur est connue, elle procède de l’incompétence des Libanais au pouvoir depuis le début de la guerre civile Syrienne. En effet, nos dirigeants ont tous, chacun à sa manière et d’une façon ou d’une autre, pensé prendre profit de l’arrivée de ces malheureux torturés et embastillés par Bachar el-Assad. Cela n’a pas vraiment fonctionné comme ils l’espéraient et maintenant plus personne, ou presque, n’en veut ! Le seul moyen de rapatrier ces réfugiés est la coopération avec les autres pays arabes et à travers l’ONU afin d’éliminer ce régime sanguinaire afin qu’ils puissent rentrer et reconstruire leur pays. Pour cela il faut un Liban dont les institutions gouvernementales fonctionnent, mais cela ne semble pas être pour demain. En attendant, les Libanais et les Syriens vivent, et vont continuer à vivre, un martyr.

    TrucMuche

    17 h 03, le 26 septembre 2023

  • - RETOUR SANS FACHER LE LIONCEAU. - NAIF QUI CROIRAIT CETTE HISTOIRE, - QUE NOUS VENDENT ET A GOGO, - LES AUTEURS DE NOTRE DEBOIRE. - CAR UNE TELLE DECISION, - ET SA MISE A EXECUTION, - EST DE LEURS MAITRES L,APANAGE. - NOS BOUFFONS NE SONT QUE DES PAGES.

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 28, le 26 septembre 2023

  • Il faut dire que les ONG participent grandement à cet afflux de réfugiés sur notre territoire en déclarant haut et fort les aides de tous ceux qui s’y trouvent. On se demande pourquoi les irresponsables politiques vendus de notre pays n’ont pas exigé que ces aides soient conditionnées par la présence des syriens sur leur sol et non dans des pays étrangers alors qu’ils ont la possibilité de leur aménager les mêmes tentes dans de meilleurs conditions dans leur pays sans qu’ils soient en danger vu la superficie de la Syrie et le manque de places et d’infrastructures au Liban? Sans parler du danger démographique que cela représente pour notre pays petit pays exsangue vu leur nombre croissant. Pourquoi s’évertuent ils à nous imposer ce qu’ils refusent dans leurs propres pays?

    Sissi zayyat

    11 h 15, le 26 septembre 2023

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