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Politique - Conseil des ministres

Migrants syriens : derrière la farce de lundi, un règlement de comptes à la libanaise

Défaut de quorum le matin, quorum assuré le soir... On promet de faire acte de présence puis on revoit ses calculs... 

Migrants syriens : derrière la farce de lundi, un règlement de comptes à la libanaise

La réunion consultative tenue lundi au Sérail, en présence du chef de l'armée et du directeur p.i. de la Sûreté générale, pour examiner le dossier des migrants syriens. Photo Dalati et Nohra

« En politique, l’absurdité n’est pas un obstacle », disait Napoléon Bonaparte. Si les sujets sur lesquels le gouvernement sortant s’est penché lundi devraient être prioritaires dans un pays en crise depuis 2019, les protagonistes libanais avaient, eux, d’autres calculs. Leurs priorités à eux :  marquer des points et régler des comptes. En pleine échéance présidentielle, ils semblent ainsi avoir fait passer la crise des réfugiés syriens au second plan, alors qu’ils ne cessent ces derniers temps de rappeler combien l’heure était grave. 

Couper l’herbe sous le pied de Joseph Aoun ?
Revenons à ce lundi, où deux Conseils des ministres étaient programmés. Cette journée-là a mal commencé pour le chef sortant du gouvernement Nagib Mikati. Contrairement aux attentes, la première séance à laquelle il avait convié une semaine auparavant pour examiner le dossier des nouvelles vagues de migrants syriens n’a pas eu lieu. Le quorum des deux tiers de ministres n’ayant pas été atteint – seuls 15 (sur 24) ont fait le déplacement –, M. Mikati a dû se contenter d’une « rencontre consultative » avec les membres de son équipe présents. En effet, malgré l’ouverture qu’ils avaient affichée dans un premier temps, les ministres sortants proches du Courant patriotique libre ont fini par boycotter la séance, fidèles à leur position de principe en période de vacance présidentielle. D’autres ministres sortants s’étaient également absentés pour des raisons qui ne sont pas d’ordre politique.

Mais c’est la démarche du CPL qui a suscité plus de questions que de réponses, d’autant que le parti fait du dossier des réfugiés syriens son cheval de bataille. Dans un communiqué, le ministre sortant des Affaires sociales Hector Hajjar, proche du CPL, qui avait promis de faire acte de présence, a expliqué son boycottage par une phrase qui, dans le contexte d’urgence actuelle, ne semble pas convaincante. « La séance nécessite davantage de préparation pour être efficace », selon lui... Plus absurde encore, la seconde mi-temps, qui devait étudier en soirée le projet de budget 2024, a pu se tenir comme par magie, le ministre sortant de l’Économie Amine Salam (qui ballotte entre Nagib Mikati et Gebran Bassil) ayant assuré le quorum. « M. Salam était en déplacement et n’a pas pu assister à la première séance », justifie un proche du ministre sortant.

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Au-delà de ces justificatifs, Gebran Bassil a-t-il voulu saboter la séance pour marquer un point contre Nagib Mikati, grand adversaire des aounistes, en l’empêchant de s’approprier le bénéfice de son action ? « Nous ne faisons pas confiance au Premier ministre sortant, qui ne s’est intéressé que maintenant au dossier, commente un ancien député aouniste. Dès lors, nous ne comptons pas couvrir sa démarche. » Et d’ajouter : « D’ailleurs, nous estimons que rien de sérieux n’en sortira. » Mais, selon une autre lecture, il n’y a pas que le milliardaire tripolitain qui serait visé, mais aussi le commandant en chef de l’armée Joseph Aoun. Convié au premier Conseil des ministres, ce sérieux présidentiable est la bête noire de Gebran Bassil, qui semble redouter par-dessus tout son ascension à Baabda puisqu’il pourrait lui disputer la base aouniste, historiquement attachée à l’institution militaire. Or l’armée s’impose de plus en plus comme la seule capable de stopper le flux des migrants, et la réunion de lundi était centrée autour des efforts de son commandant. Assez pour pousser le chef du CPL à provoquer un défaut de quorum pour couper l’herbe sous les pieds de son rival et l’empêcher de paraître comme « l’homme » du dossier des réfugiés, source de grande inquiétude notamment pour l’électorat chrétien ? « Nous ne sommes pas nécessairement satisfaits du général Joseph Aoun, mais sa présence lors de la réunion est normale », nuance l’ancien député. « Nous avons senti un manque de sérieux chez le gouvernement, et c’est pour cela que nos ministres n’ont pas fait acte de présence », commente de son côté Maya Maalouf, porte-parole du CPL, sans donner plus de détails.

 « Danger existentiel »
Mais même « la séance consultative » n’était pas à l’abri de la polémique. L’Orient-Le Jour a en effet appris que lors de la réunion, le général Aoun a affirmé que plus de 26 000 migrants ont franchi illégalement la frontière depuis le début de l’année, mettant en garde contre un « danger existentiel » pour le pays. Sauf que cette phrase a finalement été retirée du compte rendu de la réunion. Une façon d’éviter au gouvernement sortant de devoir adopter des mesures radicales à ce sujet ? « Le Premier ministre a fait ce choix pour éviter de compliquer la situation, d’autant que la résolution de ce problème a commencé à travers l’action du cabinet », répond Ali Darwiche, ancien député proche du Premier ministre sortant.

En effet, Nagib Mikati a profité de la tenue de la seconde réunion ministérielle (dans la soirée) pour remonter le dossier des migrants dans l’ordre du jour, malgré le refus des aounistes. Parmi les mesures adoptées, le gouvernement démissionnaire prévoit de dépêcher en Syrie le ministre sortant des Affaires étrangères Abdallah Bou Habib pour se concerter avec les autorités syriennes, aux côtés de représentants de l’appareil sécuritaire. Une décision qui intervient alors que M. Bou Habib s’était lui-même retiré le mois dernier de la délégation qui devait se rendre à Damas avec une poignée de ses collègues, dans le cadre du plan du gouvernement sortant pour rapatrier les réfugiés syriens. « Il préfère le format actuel de délégation réduite », commente un ministre sortant. Sauf que M. Bou Habib, proche du CPL, n’était même pas présent au Sérail...  « Des concertations bilatérales entre MM. Mikati et Bou Habib ont eu lieu à ce sujet », affirme Ali Darwiche. En résumé : on boude un Conseil des ministres, on critique le gouvernement sortant et son approche, mais on accepte une mission après concertations en tête à tête...

« En politique, l’absurdité n’est pas un obstacle », disait Napoléon Bonaparte. Si les sujets sur lesquels le gouvernement sortant s’est penché lundi devraient être prioritaires dans un pays en crise depuis 2019, les protagonistes libanais avaient, eux, d’autres calculs. Leurs priorités à eux :  marquer des points et régler des comptes. En pleine échéance...

commentaires (3)

L'ombre destructrice des aounistes plane toujours sur le pays comme pour l'achever en bonne et dûe forme. Sans nouveau président, il semblerait que le sexennat de Aoun traîne encore...

Esber

06 h 24, le 13 septembre 2023

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Commentaires (3)

  • L'ombre destructrice des aounistes plane toujours sur le pays comme pour l'achever en bonne et dûe forme. Sans nouveau président, il semblerait que le sexennat de Aoun traîne encore...

    Esber

    06 h 24, le 13 septembre 2023

  • Quelle perte de temps cet article inutile comme bien d’autres

    Abdallah Barakat

    05 h 34, le 13 septembre 2023

  • Vous pointez les paradoxes du CPL diligenté par son président le fameux gendre comme si c’était une exception, alors que nous assistons à ses retournements de veste et positions depuis qu’il a été propulsé par les fossoyeurs pour épauler son bo père sur la scène politique pour ramasser le plus possible de miettes qu’il prend pour avantages alors que notre pays est en train carrément de disparaître grâce à son excès de zèle exécuté par ses cadres et approuvés par ses partisans qui ne voit que du feu. Sa comédie est on ne peut plus pathétique et dangereuse, en premier pour lui. On ne peut que l’encourager si on veut le voir se brûler les ailes le plus tôt possible.

    Sissi zayyat

    20 h 50, le 12 septembre 2023

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