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Le nationalisme entre émancipation, union et xénophobie

Le nationalisme est un concept complexe et évolutif, interprété de diverses manières selon les cultures. Il repose sur le sentiment d’appartenance à une nation partageant des caractéristiques communes, telles que la langue, la culture et l’histoire. Cette solidarité nationale peut protéger les nations et encourager les mouvements d’émancipation, tout en favorisant l’unité au sein de la base nationale. Cependant, il est tout aussi essentiel de reconnaître que le nationalisme extrême peut entraîner l’exclusion de certains groupes sociaux, la xénophobie, le racisme et même des conflits violents.

Les racines du nationalisme remontent au XVIIIe siècle, avec des événements tels que la Révolution américaine et la Révolution française qui ont propagé cette idéologie, favorisant ainsi l’émergence du concept d’État-nation basé sur l’unité nationale autour du peuple plutôt que de structures monarchiques héritées. Le siècle des Lumières a contribué à définir le concept de nationalisme. Parmi les penseurs éminents de cette période, Johann Gottfried Herder (1744-1803), originaire d’Allemagne, a joué un rôle crucial dans la construction des bases intellectuelles de ce mouvement, dont l’influence perdure jusqu’à nos jours. Il soutenait l’idée que chaque nation possédait une essence unique, une sorte d’âme collective, qui se manifestait à travers différents éléments tels que la langue, la culture et l’histoire. Herder considérait cette essence intrinsèque comme le fondement de l’identité nationale.

Le nationalisme est un puissant sentiment qui unit les peuples et les pousse à l’émancipation face aux pouvoirs centraux des empires. Au XIXe siècle, une grande partie de l’Europe était sous la domination de deux empires puissants, l’Empire austro-hongrois et l’Empire ottoman. La diversité des ethnies et des religions présentes dans ces empires, ainsi que la discrimination et le despotisme exercés par le pouvoir central, ont créé un terreau favorable à l’émergence du nationalisme. Les populations de différentes ethnies et religions ont, dès lors, exprimé des aspirations nationales distinctes, afin de préserver leur identité culturelle et de former des États-nations indépendants.

L’Empire austro-hongrois du XIXe siècle était un empire multiculturel et multireligieux, rassemblant une grande diversité de peuples parlant différentes langues et pratiquant différentes religions, tels que les Autrichiens, les Hongrois, les Tchèques, les Slovaques, les Polonais, les Ukrainiens, les Croates, les Serbes, les Roumains, les Slovènes, les Italiens, ainsi que des communautés juives et diverses minorités ethniques et religieuses. La dynastie des Habsbourg gouvernait l’Empire austro-hongrois et cherchait à maintenir son unité malgré cette large diversité, ce qui a engendré des tensions et des conflits au sein de l’empire.

De ce fait, cette coexistence forcée ayant engendré des tensions a créé un terreau propice à l’émergence de mouvements nationalistes. Cela a conduit à des révoltes pour l’indépendance et l’autonomie, telles que les révoltes hongroise, tchèque, polonaise et serbe. L’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand et de sa femme en 1914, lié à la conspiration pour l’indépendance de l’Empire austro hongrois, a déclenché la Première Guerre mondiale et a entraîné la chute de l’empire. Après la guerre, l’empire a été démantelé, donnant naissance à de nouveaux États-nations. Le nationalisme a ainsi laissé une empreinte durable sur la géopolitique de la région.

Pendant plus de quatre cents ans, l’Empire ottoman, quant à lui, a occupé une grande partie de l’Europe orientale, de l’Asie mineure, du Levant et du nord de l’Afrique. Bien qu’étant un empire islamique, il était également caractérisé par une grande diversité ethnique et religieuse. Outre la majorité musulmane, on trouvait des populations chrétiennes, juives ainsi que d’autres religions dans les territoires sous son autorité.

En général, les musulmans de l’empire faisaient preuve de loyauté envers l’État, leur religion exigeant d’eux de mettre de côté leur appartenance ethnique et de s’unir au nom de l’islam. En effet, l’islam appelle à renforcer la tolérance et l’amour entre tous les membres de la société musulmane, quelles que soient leurs différences. Il existe de nombreux « hadiths » et paroles du prophète Mohammad qui vont dans ce sens.

L’Empire ottoman (1354-1918) a dominé une large partie de l’Europe orientale, soumettant à son emprise de nombreuses ethnies telles que les Grecs, les Serbes, les Bulgares, les Albanais, les Roumains, les Hongrois et les Croates. Auparavant, ces peuples jouissaient de leur indépendance, avec leurs propres territoires, leur langue et leur histoire. Au XIXe siècle, animés par un fort sentiment national, ils ont mené des guerres d’indépendance afin de former leurs propres États. Progressivement, chaque ethnie a obtenu son indépendance, mettant fin à l’influence ottomane dans les Balkans et dans d’autres territoires.

En revanche, les conditions vécues par les chrétiens et les juifs en Asie Mineure, au Levant et dans le nord de l’Afrique étaient différentes de celles des chrétiens en Europe, du fait de leur coexistence avec les populations musulmanes dominantes, ils subissent plus que les Européens leur traitement comme des citoyens de rang inférieur, soumis à diverses restrictions. À l’exception des chrétiens en Asie mineure, les chrétiens de ces régions n’ont jamais eu l’opportunité de former un État indépendant tout au long de leur histoire. Leur émergence s’est produite sous la domination romaine et, par la suite, ils ont continué à vivre sous les règnes byzantin et islamique après la conquête arabe du VIIe siècle, jusqu’au début du XXe siècle. Leur répartition en petits groupes dans des zones différentes et leur division en plusieurs confessions et langues rendaient improbable un mouvement pour l’indépendance sans le soutien de certaines parties musulmanes. Des révoltes ont eu lieu afin d’améliorer leur sort, mais elles ont été sévèrement réprimées. Malgré cela, les chrétiens et les juifs de la région ont su s’adapter et résister tout en préservant leur héritage culturel et religieux, et ont même réussi à prospérer.

Au XIXe siècle, Boutros Boustani et Nassif Yazigi furent des pionniers du nationalisme arabe, et cela sous l’influence de leur professeur américain à l’Université américaine de Beyrouth, Samuel Smith. Leur aspiration était d’unir les musulmans et les chrétiens arabes au sein d’une nation indépendante, éloignée de l’Empire ottoman. Cependant, leur mouvement ne prit de l’ampleur qu’après 1908, lorsque le comité de l’Union et du Progrès imposa le nationalisme turc. En réponse, la révolution arabe, menée par le chérif de La Mecque, chercha à former un État national arabe indépendant. Malheureusement, les pays vainqueurs de la Première Guerre mondiale eurent un impact marquant sur la région, entraînant une division du monde arabe marquée par leurs propres intérêts, entravant ainsi la réalisation du nationalisme arabe.

Le nationalisme unit les peuples partageant une même langue, une même culture et une même histoire sur une géographie commune, malgré leurs identités diverses, et cela en créant pour eux des États-nations distincts. Au XIXe siècle, l’Europe – notamment l’Italie et l’Allemagne – était divisée en entités politiques distinctes, avec des frontières internes et des influences étrangères. Les mouvements nationalistes se sont intensifiés, conduisant à l’unification de ces territoires en deux États-nations indépendants : l’État italien formé en 1861 et l’État allemand formé en 1871.

Le nationalisme peut donc constituer un élément de force puissant pour l’unité et la prospérité nationales, mais il peut également avoir des conséquences catastrophiques lorsqu’il est utilisé pour justifier l’exclusion, la discrimination et la violence envers des groupes minoritaires en les considérant comme une menace à l’identité nationale. Cette obsession pour l’homogénéité nationale peut, de plus, être associée à des idées extrémistes qui prônent la supériorité d’une race ou d’une nation sur les autres, justifiant ainsi l’élimination des « indésirables ».

Plusieurs guerres et conflits liés à un nationalisme extrême ont conduit à des tensions et à des discriminations entre différents groupes ethniques, religieux ou culturels. En voici quelques exemples : la Seconde Guerre mondiale, la guerre civile yougoslave (1991-2001), le conflit israélo-palestinien, la guerre civile rwandaise (1994) et la guerre en Bosnie (1992-1995).

En définitive, le nationalisme est un concept complexe qui peut constituer une force unificatrice pour les peuples partageant une même langue, une même culture et une même histoire. Il a contribué à l’émancipation de nombreux États-nations indépendants. Cependant, un nationalisme extrême peut aussi conduire à l’exclusion, à la discrimination et à des conflits violents.

L’avenir des regroupements humains devrait dépasser le nationalisme pour s’orienter vers un monde plus ouvert, fondé sur les intérêts communs, l’échange et la richesse de la diversité, dans un cadre général d’égalité et de droits de l’homme. L’Union européenne, malgré les nombreux défis qu’elle doit affronter actuellement, offre, à cet égard, un modèle sociopolitique apte à inspirer, à ce niveau, d’autres initiatives internationales.

Architecte D.P.L.G.

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Le nationalisme est un concept complexe et évolutif, interprété de diverses manières selon les cultures. Il repose sur le sentiment d’appartenance à une nation partageant des caractéristiques communes, telles que la langue, la culture et l’histoire. Cette solidarité nationale peut protéger les nations et encourager les mouvements d’émancipation, tout en favorisant l’unité au...

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