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Lifestyle - Histoires de thérapies

Serge ou comment se termine une analyse (3/3)

Le moment est sacré, intime, personnel. Un face-à-face entre le psychanalyste et son patient qui se fait dans la colère, des larmes, des fous rire et des silences. Dans cette rubrique bimensuelle, le Dr Chawki Azouri partage des histoires et des cas qu’il a vécus tout au long de sa carrière.

Serge ou comment se termine une analyse (3/3)

Illustration Noémie Honein

Un jour, au bout de quelques années d’analyse, Serge arrive à sa séance complètement bouleversé. Il avait fait un rêve troublant dont il n’a pas compris le sens : il s’est vu débarquer dans une faculté de médecine pour assister à mon cours. Pour le faire, il a dû passer par le secrétariat. Les portes habituelles étaient fermées. Il y avait un grand nombre d’ordinateurs. Sur tous les écrans, il voyait marqué le mot « Saïdi ». Le rêve s’arrête là.

Le mot ne lui disait rien. Il pense à Saïda, une ville côtière du Liban et se souvient que je suis moi aussi libanais. Mais il n’arrive pas à aller plus loin, le mot « Saïdi » continuait de l’occuper. Pendant plusieurs séances, il ne parle que de ça. Jusqu’au jour où il se souvient que lorsque son père était excédé, il levait les bras au ciel en disant « Saïdi ». Particulièrement lorsque lui, Serge, le mettait hors de lui. Pour comprendre le sens du mot, il file à la Bibliothèque nationale et cherche un dictionnaire français/arabe. Ce mot voulait dire « mon maître ».

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Serge, ou comment se fait une analyse (2/3)

Il devenait ainsi clair que son père s’adressait à Dieu lorsqu’il n’avait plus de réponse. Les choses se sont mises en place : le rêve signifiait qu’il y avait un Autre pour le père, qu’il n’était pas la référence dernière. Pareil pour moi, son analyste. En entrant à la faculté de médecine pour suivre mon cours, le mot « Saïdi » sur tous les ordinateurs signifiait que, comme pour son père, moi non plus je n’étais pas la référence ultime. Il venait de terminer son analyse.

En effet, lorsque l’analyste cesse d’être la seule référence, la référence ultime, on peut considérer que le travail est terminé. Il commence quand le futur analysant donne à son analyste le pouvoir de tout savoir. Ce qui est valable également pour la médecine en général. Sauf que dans le cas de l’analyse, ce pouvoir de « tout savoir » donné au spécialiste va lui servir de moyen, le moyen d’occuper, le temps de l’analyse, cette fonction de savoir à la place du patient, ce dernier ne voulant pas assumer que ce savoir est le sien. En fait, ce savoir inconscient, devenu inconscient parce que le patient en a peur, qu’il ne peut pas l’assumer, fonctionne comme s’il était étranger au sujet.

Oublié, il lui permet de vivre. « Être, ce n’est rien d’autre qu’oublier », disait Lacan. Oublié, ce savoir va quand même ordonner la vie du patient, sans que ce dernier ne s’en rende compte. Le sujet va l’appeler « destin ». Le destin fait que les événements échappent à la volonté du sujet, comme s’il était déterminé par une force qui lui échappait et qui lui faisait faire ce qu’il ne voulait pas nécessairement faire, « la fatalité ».

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Serge ou comment commence une analyse (1/3)

Lacan a produit un concept : « Le sujet supposé savoir », pour désigner l’analyste et donner à ce supposé savoir une place déterminante dans le déroulement de l’analyse. En en faisant un « savoir supposé », Lacan donne une place particulière à la psychanalyse par rapport aux autres sciences humaines et par rapport à la médecine, qui prend la dimension d’une philosophie. Le sujet peut se libérer de ses symptômes, les reconnaître puis aller plus loin que la souffrance et accéder à une certaine liberté.

Pour cela, ce qui prépare un psychanalyste à exercer ce métier, ce sont moins les diplômes universitaires (nécessaires sur le plan juridique) que le chemin psychanalytique qu’il a fait, en se faisant lui-même psychanalyser. « Connais-toi toi-même », disait bien Socrate.

Un jour, au bout de quelques années d’analyse, Serge arrive à sa séance complètement bouleversé. Il avait fait un rêve troublant dont il n’a pas compris le sens : il s’est vu débarquer dans une faculté de médecine pour assister à mon cours. Pour le faire, il a dû passer par le secrétariat. Les portes habituelles étaient fermées. Il y avait un grand nombre d’ordinateurs....

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