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Lifestyle - Histoires de thérapies

Serge ou comment commence une analyse (1/3)

Le moment est sacré, intime, personnel. Un face-à-face entre le psychanalyste et son patient, qui se fait dans la colère, des larmes, des fous rires et des silences. Dans cette rubrique bimensuelle, le Dr Chawki Azouri partage des histoires et des cas qu’il a vécus tout au long de sa carrière, avec des interlocuteurs qui resteront anonymes, sur un chemin emprunté à deux pour arriver à y voir clair.


Serge ou comment commence une analyse (1/3)

Illustration Noémie Honein

J’étais encore à Paris lorsque Serge est venu me voir. Il voulait faire une psychanalyse, mais voulait s’assurer que j’étais bien juif. Mon prénom semblait bien indiquer une certaine référence à la judaïté, mais il n’en était pas sûr.

Comme toujours dans ces cas-là, l’analyste ne répond pas. Au-delà de la demande du patient, et de la politesse qui exige une réponse de sa part, en gardant le silence, il lui indique que cela peut avoir un sens pour lui. Si c’est surtout valable au début d’une analyse, par la suite, il peut répondre à des questions qui lui sont adressées touchant une réalité quelconque, la réponse étant mise entre parenthèses par rapport au discours analytique qui se tient. Cette question est importante car beaucoup de spécialistes se taisent tout le temps, estimant que la non-réponse fait partie de la neutralité analytique. Le silence absolu ne peut être érigé en règle et cette neutralité ne se réduit pas au silence. Car une fois le processus mis en place, ne pas répondre est incompréhensible et peut avoir un effet sadique sur le patient. Comme si on lui signifiait qu’il ne fait pas partie du monde du thérapeute ou que cela ne le regarde pas ; ou bien qu’il n’a pas à tout savoir, comme s’il était dans la position de l’enfant vis-à-vis des parents. Finalement, le discours analytique ne peut pas fonctionner tout le temps et à certains moments, la réalité reprend sa place. Il s’agit de l’accepter tout en la mettant entre parenthèses.

Quant à Serge, une fois sa question posée, qui finalement n’attendait pas de réponse, il continue à parler et à dire pourquoi il voulait faire une analyse. À 20 ans, il était en deuxième année de médecine quand sa femme s’est trouvée dans une situation financière particulièrement difficile. Plutôt malgré lui, il a accepté de l’épouser car, en plus, elle était enceinte. Il aurait préféré continuer ses études et reporter le mariage à une date ultérieure.

Lorsqu’elle a repris son travail, leur situation financière s’est améliorée, ce qui lui a permis d’envisager de reprendre ses études. Mais sa femme s’y est opposée car, pour cela, il devrait quitter son propre travail et elle se retrouverait seule à travailler. Ce désaccord avec sa femme était intolérable car il éprouvait une grande hostilité envers elle qui se transformait parfois en haine, mettant en péril leur couple. Cependant, il n’a pas trouvé de faculté de médecine où faire ses études était compatible avec l’exercice d’un travail.

Voilà la raison principale qui l’amenait à vouloir faire une analyse. Comment sauver son couple sans renoncer à ses études ?

Les trois premiers entretiens mettent également en évidence le lien entre ses conflits actuels avec sa femme et ceux de ses parents. Ils vivaient alors en Algérie et, après la guerre d’Algérie, ils n’étaient pas d’accord pour le retour en France. Sa mère voulait retourner vivre à Paris et son père voulait rester en Algérie

Je lui propose de mettre en place trois séances par semaine et lui explique les deux règles de base de l’analyse : associer librement ses idées sans censure et venir aux séances fixées, en payant les séances manquées. En indiquant le divan de son index, il me demande s’il doit s’y allonger ou rester en face de moi. Je lui explique l’utilité du divan, à savoir être allongé dans une position de demi-sommeil, ce qui lui permet de dire plus facilement ce qui lui passe par la tête, d’autant plus qu’il ne verra pas son analyste. Il accepte les règles et commence son analyse.

J’étais encore à Paris lorsque Serge est venu me voir. Il voulait faire une psychanalyse, mais voulait s’assurer que j’étais bien juif. Mon prénom semblait bien indiquer une certaine référence à la judaïté, mais il n’en était pas sûr.Comme toujours dans ces cas-là, l’analyste ne répond pas. Au-delà de la demande du patient, et de la politesse qui exige une réponse de sa...

commentaires (1)

Merci de partager vos expériences professionnelles, c'est très intéressant d'avoir votre point de vue.

Odile Nerfin

11 h 41, le 18 août 2023

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Commentaires (1)

  • Merci de partager vos expériences professionnelles, c'est très intéressant d'avoir votre point de vue.

    Odile Nerfin

    11 h 41, le 18 août 2023

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