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Lifestyle - Histoires de thérapies

Serge, ou comment se fait une analyse (2/3)

Le moment est sacré, intime, personnel. Un face-à-face entre le psychanalyste et son patient qui se fait dans la colère, des larmes, des fous rire et des silences. Dans cette rubrique bimensuelle, le Dr Chawki Azouri partage des histoires et des cas qu’il a vécus tout au long de sa carrière avec des interlocuteurs qui resteront souvent anonymes, sur un chemin emprunté à deux pour arriver à y voir clair.

Serge, ou comment se fait une analyse (2/3)

Illustration Noémie Honein

Après ses nombreuses réticences et mes explications, et que les séances de thérapie se sont enfin mises en place, Serge a pris le temps de parler de tout, d’entrer dans les détails, comme si les entretiens préliminaires ne le permettaient pas.

Et d’abord de sa passion pour la médecine et de sa volonté de reprendre ses études. Les deux premières années ont été heureuses, il appréciait la physiopathologie et l’histologie. Il avait lu dans Introduction à la psychanalyse de Freud une phrase qui lui servait de repère et consolidait son intérêt pour ces deux matières : « La psychanalyse est à l’histologie ce que la psychiatrie est à l’anatomie. » Autrement dit, la psychanalyse permet de voir ce qu’il y a derrière les symptômes, comme l’histologie permet de voir ce qu’il y a derrière l’anatomie.

Cet intérêt pour les mécanismes qui régissent notre pensée et nos actes venait de son intérêt à vouloir comprendre son père lorsque ce dernier parlait en arabe. Dans la famille, ce dernier était le seul à pratiquer cette langue. Sa mère refusait de le faire et Serge se demandait pourquoi. Il l’interrogea sans obtenir une réponse satisfaisante. De même, son père a refusé de répondre à cette question. Du coup, le sujet est resté un mystère pour lui et il n’a jamais pu apprendre cette langue.

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Serge m’a également raconté sa nostalgie de l’Algérie. Il était heureux là-bas, le soleil et la mer étaient toujours présents. Il a réalisé que, comme son père, il aurait voulu rester en Algérie, contrairement à ses deux frères qui voulaient, eux, retrouver Paris avec la mère. Il réalise aussi qu’il a fini par haïr sa mère et, un peu moins, ses deux frères. C’est ainsi qu’il réussit à faire le lien entre sa haine actuelle pour sa femme et celle qu’il éprouve pour sa mère. Les deux ont contrarié son désir. Il cherche à minimiser ce lien en affirmant que sa haine pour sa femme ne vient pas de sa haine contre sa mère. « Un peu quand même », finit-il par avouer. Mais pourquoi son père ne s’était-il pas opposé à sa mère ?

Il se rend compte alors qu’il en a toujours été ainsi. Sa mère décidait de tout et son père la laissait faire. Serge comprend aussi que son refus d’apprendre l’arabe était dirigé contre son père. Il éprouvait du mépris à son égard et de la haine contre sa mère. Maintenant, il ose le dire. En fait, avant ce jour, il n’avait jamais réalisé qu’il éprouvait du mépris pour son père, ajoutant : « Ma haine contre ma mère recouvrait, en partie, le sentiment de mépris pour mon père. »

Serge était bouleversé par cette découverte. Les séances qui ont suivi étaient marquées par cette révélation. Il en était fortement troublé. « Ne vous méprenez pas, docteur, j’aime mon père malgré tout. » Son père qui était infirmier et n’avait pas réussi sa médecine, sans jamais l’avouer. Un jour, il finit par le confier à Serge : « Ce fut un moment très fort. » Serge réalise alors que son désir d’étudier cette matière provenait aussi de là et il en était aussi bouleversé.

Le fait d’avoir établi ce lien n’en a pas réduit pour autant son désir de faire médecine. Ça aurait pu se faire mais, heureusement pour lui, ce ne fut pas le cas.

Après ses nombreuses réticences et mes explications, et que les séances de thérapie se sont enfin mises en place, Serge a pris le temps de parler de tout, d’entrer dans les détails, comme si les entretiens préliminaires ne le permettaient pas. Et d’abord de sa passion pour la médecine et de sa volonté de reprendre ses études. Les deux premières années ont été heureuses, il...

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