
L'émissaire français, Jean-Yves Le Drian, accueilli par le leader druze Walid Joumblatt, le 13 septembre 2023, à Beyrouth. Photo Anwar Amro/AFP
Le leader druze libanais Walid Joumblatt et le chef du groupe parlementaire du Hezbollah Mohammad Raad se sont prononcés mercredi devant l'émissaire français Jean-Yves Le Drian, qu'il a reçus séparément, en faveur des appels au dialogue lancés par ce dernier et le président du Parlement Nabih Berry, en vue de débloquer la présidentielle au Liban. Ces appels au dialogue ont toutefois été critiqués par le chef des Kataëb Samy Gemayel, le leader des Forces libanaises Samir Geagea, et le député Michel Moawad, avec lesquels M. Le Drian s'est successivement concerté dans l'après-midi.
Ainsi, Walid Joumblatt a assuré mercredi qu'il « soutient l'initiative de Nabih Berry et celle de l'émissaire français Jean-Yves Le Drian », selon des propos rapportés par des médias locaux, à l'issue d'une réunion qui s'est tenue en présence de l'actuel chef du PSP, Taymour Joumblatt, et du député Wael Bou Faour. « Les Forces libanaises (FL) ont toujours des points de vue différents des nôtres. Nous préférons le point de vue de MM. Berry et Le Drian qui appellent au dialogue », a-t-il encore dit.
« Certaines parties ne veulent pas de solutions »
Interrogé sur un appel au dialogue prévu le 21 septembre au sujet de la présidentielle, le leader druze a dit ne pas avoir été notifié d'une telle rencontre. « Tout arrivera au moment opportun », a-t-il estimé. Concernant un soutien possible de Jean-Yves Le Drian à la candidature du chef des Marada, Sleiman Frangié, Walid Joumblatt a assuré « ne pas avoir évoqué de noms » lors de la réunion. Il a par ailleurs appelé les différents blocs parlementaires, ainsi que son fils, le député Taymour Joumblatt, à répondre à l'invitation au dialogue. L'ex-chef du PSP a également déploré que « certaines parties ne veulent pas de solutions » à la crise politique.
Fin août, Nabih Berry s’était engagé à tenir des séances électorales ouvertes au Parlement, à condition qu’elles soient précédées d’un dialogue élargi qui réunirait les chefs des groupes parlementaires à l’hémicycle pendant sept jours. Saluée par le Hezbollah et le Courant patriotique libre (CPL), son initiative a été critiquée par l’opposition. Le chef de l'Eglise maronite Béchara Raï a, lui, indirectement encouragé les députés à participer au dialogue. Le Liban est sans chef de l'Etat, depuis le 31 octobre dernier, date de la fin du mandat de Michel Aoun. Douze séances électorales se sont soldées par un échec, faute de consensus politique.
Par ailleurs, un communiqué publié mercredi en début d'après-midi par le bureau de presse du Hezbollah révèle que Jean-Yves Le Drian s'est concerté avec le chef du bloc parlementaire du parti chiite, Mohammad Raad, à une date non communiquée. « Les discussions ont porté sur l'initiative française qui essaie de lancer le dialogue entre les Libanais au sujet de la présidentielle. Mohammad Raad considère que la proposition de Nabih Berry s'inscrit dans le sillage des efforts français », indique le texte.
L'émissaire français, Jean-Yves Le Drian, lors d'une réunion avec le chef du bloc parlementaire du Hezbollah, Mohammad Raad, à Beyrouth. Photo bureau de presse du Hezbollah
Selon le communiqué, le chef du bloc du Hezbollah a insisté sur « l'importance du dialogue et de la communication entre les Libanais, étant donné qu'il s'agit du seul moyen pour sortir de la situation actuelle au niveau de la présidentielle ». Les discussions ont également porté sur le mécanisme qui pourrait être mis en place à ce sujet.
Le niet de Moawad, des FL et des Kataëb
L'émissaire français s'est par la suite entretenu avec l'ex-candidat à la présidentielle Michel Moawad et le député Fouad Makhzoumi. Ces derniers ont appelé à « tenir des séances électorales ouvertes pour élire un président ». Le groupe parlementaire conduit par M. Moawad a aussi insisté sur le fait que « le dialogue ne signifie pas légitimer des tables qui sortent du cadre des institutions ». Les députés ont par ailleurs réitéré la position commune de l'opposition illustrée par « le refus de participer à ce genre de tables » de dialogue.
Jean-Yves Le Drian s'est par la suite concerté avec le chef des Kataëb Samy Gemayel. « L'opposition a fait un pas lorsqu'elle a annoncé la candidature de Jihad Azour et s'est entendue avec Michel Moawad pour qu'il retire sa candidature. C'est un pas qui s'inscrit dans le cadre du dialogue. Mais l'initiative s'est heurtée à un refus total, à une menace et à un blocage. Le président du Parlement Nabih Berry a cessé de convoquer le Parlement et le Hezbollah s'est accroché à son candidat », a dénoncé M. Gemayel. « Le Hezbollah doit nous rejoindre à mi-chemin », a-t-il plaidé. Le leader chrétien a aussi estimé que « celui qui menace et tue est traité comme celui qui souffre de blocage et d'attentat. Ils ne peuvent être mis à la même table comme s'ils étaient égaux ».
L'envoyé français a enfin été reçu par le leader des Forces libanaises Samir Geagea. « Actuellement, il faut élire un président et non pas perdre du temps avec des dialogues qui se tiennent de toute façon à longueur de journée, de façon directe ou indirecte », a déclaré M. Geagea à l'issue de leur entretien. Il a aussi rappelé que celui qui bloque la présidentielle est l'axe de la Moumanaa (axe pro-iranien au Liban). « Nous n'avons pas de veto sur le nom du commandant en chef de l'armée Joseph Aoun. Chaque chose en son temps », a-t-il conclu.
Mardi, l'émissaire de l’Élysée pour le Liban, avait rencontré le Premier ministre sortant Nagib Mikati, le président du Parlement, le chef du CPL Gebran Bassil, et Sleiman Frangié. Il s'était également entretenu avec le commandant en chef de l'armée, le général Joseph Aoun. Jean-Yves Le Drian avait déclaré, mardi au Grand Sérail, que l'initiative lancée par le président de la Chambre pour tenter de débloquer la présidentielle constituait « un début de solution ».
commentaires (10)
Jumblatt est cet homme qui est toujours égal à lui même et reste fidèle à sa réputation de caméléon inconséquent et incohérent. Il ne faut pas chercher à comprendre ses prises de positions, elles sont basées sur ses propres intérêts comme tous les politiciens de notre poulailler. Espérons que cela ne soit pas héréditaire comme tout le reste.
Sissi zayyat
10 h 49, le 14 septembre 2023