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La condition des femmes : fatalité historique ou résultat des choix sociaux et des structures patriarcales ?

La condition des femmes nous semble relever non pas d’une fatalité de l’histoire, mais des effets des choix sociaux et des structures patriarcales qui ont façonné un grand nombre de sociétés depuis l’aube de l’humanité. En effet, durant des millénaires, de l’Antiquité jusqu’aux temps modernes, les femmes ont souvent été reléguées à des rôles subalternes, soumises aux contraintes de normes culturelles restrictives et aux limites imposées par les structures de pouvoir dominantes. Leurs droits et leurs opportunités étaient régulièrement restreints, avec des limitations en matière d’éducation, d’autonomie et de participation politique. Dans de nombreuses sociétés et religions, la femme est encore considérée comme ayant un esprit immature, placée sous tutelle, et son corps est perçu comme une source de honte pour la communauté, tandis que les crimes d’honneur la poursuivent. Ainsi les interprétations parfois erronées des religions monothéistes ont joué un rôle préjudiciable aux droits des femmes, les maintenant dans une position dépourvue de statut, jusqu’à notre époque.

La position des femmes par rapport aux hommes était très différente, voire opposée, d’une société à une autre et d’une région à une autre, indépendamment de leur niveau de développement. En effet, l’histoire nous montre que le progrès des civilisations n’a pas toujours entraîné une amélioration des droits des femmes, contrairement à ce qui s’est produit depuis la fin du XIXe siècle, période durant laquelle la libération des femmes est devenue proportionnelle au degré de développement socioculturel d’un pays. Dans certains cas, ce progrès s’est même effectué au détriment de leurs droits. Historiquement, de nombreuses sociétés développées ont maintenu des inégalités de genre, tandis que d’autres, moins développées, ont accordé aux femmes une plus grande liberté et une autonomie plus large, leur conférant même parfois des positions supérieures à celles des hommes. Ces exemples démontrent que l’égalité des genres est complexe et ne peut être réduite à une simple corrélation. Le destin ou la fatalité de la condition des femmes ne sont pas des facteurs déterminants en soi, mais plutôt le résultat des choix sociaux, des structures patriarcales et des circonstances historiques.

À l’aube de l’humanité, pendant la période paléolithique, c’est-à-dire il y a plus de 10 000 ans, dans les sociétés de chasseurs-cueilleurs, les rôles étaient souvent répartis entre l’homme et la femme, qui contribuaient, tous deux, de manière complémentaire, à la survie du groupe. Des indices suggèrent même que certaines femmes ont pu participer occasionnellement à la chasse et aux décisions communautaires. De plus, des découvertes archéologiques indiquent que des femmes ont contribué aux arts pariétaux des grottes, démontrant ainsi leur implication dans l’expression artistique de cette période. Néanmoins, au fil du temps, dans certaines sociétés postérieures plus développées, les femmes ont été limitées dans leur participation au domaine artistique. Ainsi, l’existence de figurines féminines préhistoriques (vénus paléolithiques) peut être interprétée comme ayant une signification symbolique ou rituelle liée à la fertilité, ce qui a conduit certains chercheurs à supposer que la première divinité découverte en Europe était une figure féminine.

La période néolithique, il y a environ 10 000 ans, marque un tournant majeur dans l’histoire de l’humanité. Les premières communautés domestiquent des plantes et des animaux cultivent des terres et construisent des structures permanentes. Cela permet la sédentarisation, la formation de villages et le développement de sociétés agricoles diversifiées, le tout accompagné d’une explosion démographique. Cela a entraîné des transformations profondes tant dans l’organisation sociale que dans le statut des femmes. Ainsi, les sources de production se sont multipliées et la division du travail a conduit au début de la formation d’une société, caractérisée par l’esclavage, les classes sociales, qui a mené à la dégradation de la situation des femmes. La division de l’humanité en différents groupes a effectivement engendré des conflits qui ont souvent débouché sur des guerres. Dans ces contextes, les hommes ont souvent tiré davantage profit de leur force physique par rapport aux femmes. Cette réalité a contribué à renforcer leur domination sur les femmes et à limiter leur rôle.

La situation des femmes dans les sociétés antiques telles que la Grèce, Rome, l’Égypte pharaonique et la Mésopotamie présentait des différences significatives d’une culture à l’autre. Par exemple, les femmes grecques étaient les moins avantagées parmi ces civilisations antiques, malgré le développement avancé de la civilisation grecque dans plusieurs domaines. En revanche, les femmes romaines jouissaient d’une certaine liberté et pouvaient être actives dans la vie publique, surtout parmi les classes aisées. En Égypte pharaonique, les femmes bénéficiaient d’une plus grande égalité que dans certaines autres sociétés de l’Antiquité. Elles pouvaient posséder des biens, gérer des entreprises et exercer certains rôles religieux. Dans la Mésopotamie antique, les femmes avaient des droits et pouvaient posséder des biens. Certaines exerçaient des professions, notamment en tant que prêtresses et commerçantes. Il est important de noter que le statut de ces femmes était souvent supérieur à celui de celles qui les ont suivies, même de nos jours.

Cependant, de manière générale, le statut des femmes s’est progressivement affaibli avec le progrès. Malgré le développement avancé de ces sociétés dans des domaines tels que la démocratie, la philosophie et l’architecture, les femmes étaient généralement limitées dans leur rôle dans la sphère publique et sociale. Leur principal rôle était de se consacrer aux tâches domestiques et elles étaient soumises à l’autorité masculine. Leurs libertés étaient limitées, reflétant ainsi les normes patriarcales préexistantes.

Un exemple marquant d’une civilisation structurée et organisée en classes sociales est celle des Mayas. Les femmes y bénéficiaient d’une condition sociale relativement meilleure que celle d’autres civilisations précolombiennes et antiques. En effet, elles jouissaient d’un statut élevé et occupaient des postes importants dans l’économie, la politique et la religion, tant et si bien que cet héritage culturel et spirituel des femmes mayas continue à être célébré jusqu’à nos jours. À noter cependant que la civilisation maya, malgré son développement remarquable dans de nombreux domaines, restait en retard par rapport aux autres civilisations anciennes, en raison du fait qu’elle n’avait pas pu accéder au fer, au cuivre et à la roue.

Par contre, dans certaines sociétés primitives ou traditionnelles, il existe des cas de femmes avantagées par rapport aux hommes. Ainsi, les Amazones de l’ancienne Grèce constituaient une société de femmes guerrières jouant un rôle important dans la prise de décisions et occupant des postes de leadership. De même, les femmes iroquoises en Amérique du Nord jouaient également un rôle significatif dans la prise de décisions politiques et économiques au sein de leur société. Quant aux Moso en Chine et aux Minangkabau en Indonésie, ils sont connus pour leurs sociétés matriarcales, dans lesquelles les femmes avaient un rôle prépondérant dans la gestion des biens familiaux et la prise de décision et pouvaient choisir leurs partenaires, sans compter que les enfants étaient souvent élevés par leur famille maternelle. Enfin, les Touareg en Afrique du Nord sont organisés en une société dans laquelle les femmes jouissent d’une grande autonomie, possèdent souvent des terres et des animaux et disposent du pouvoir de divorcer ou de se remarier sans restriction.

Parfois, lors de leur émergence, les religions monothéistes ont pu apporter des améliorations à la situation des femmes. Cependant, les interprétations des règles de ces religions par les hommes ont joué un rôle extrêmement négatif à cet égard, entravant toute évolution et figeant la condition des femmes pendant plus de 1 500 ans, jusqu’à aujourd’hui. Elles ont souvent adopté des conceptions patriarcales, plaçant les hommes dans des rôles de leadership et restreignant la participation des femmes, tout en justifiant l’injustice au nom de la volonté divine. En revanche, la sécularisation, qui a débuté à la fin du XIXe siècle, a stoppé les spéculations machistes des religions et a joué un rôle essentiel dans l’amélioration de la condition des femmes.

Ce qui découle de ce qui précède, c’est que la position inférieure des femmes dans la société n’est en aucun cas une conséquence inévitable de l’histoire. C’est plutôt le résultat d’une construction sociale qui peut être remaniée par des efforts collectifs. De nombreuses sociétés ont déjà prouvé que l’égalité entre les sexes est atteignable et qu’elle apporte des avantages à l’ensemble de la population. Actuellement, les mouvements d’émancipation des femmes ont joué un rôle déterminant dans cette voie, mais il reste encore beaucoup à accomplir pour parvenir à une véritable égalité des sexes.

Architecte D.P.L.G.

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La condition des femmes nous semble relever non pas d’une fatalité de l’histoire, mais des effets des choix sociaux et des structures patriarcales qui ont façonné un grand nombre de sociétés depuis l’aube de l’humanité. En effet, durant des millénaires, de l’Antiquité jusqu’aux temps modernes, les femmes ont souvent été reléguées à des rôles subalternes, soumises aux...

commentaires (1)

Très intéressant votre article , merci

Eleni Caridopoulou

01 h 16, le 23 août 2023

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Commentaires (1)

  • Très intéressant votre article , merci

    Eleni Caridopoulou

    01 h 16, le 23 août 2023

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