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Politique - Crise politique au Liban

À Dimane, Mikati marque un point… symbolique

Le Premier ministre sortant assure à « L’OLJ » que la réunion informelle tenue mardi sous la houlette du patriarche maronite ne visait à défier « personne ». Un message implicite au courant aouniste.

À Dimane, Mikati marque un point… symbolique

Quinze ministres réunis à Dimane sous la houlette du patriarche maronite, Béchara Raï, en présence du Premier ministre sortant Nagib Mikati, le 8 août 2023. Photo fournie par le bureau de presse du Sérail

« Le gouvernement a été bien accueilli par le patriarche maronite et a reçu un appui. Ni plus ni moins. » C’est ainsi que le Premier ministre sortant, Nagib Mikati, dresse pour L’Orient-Le Jour le bilan de la réunion ministérielle informelle tenue mardi au siège d’été du patriarcat maronite en présence de Mgr Béchara Raï. Le chef du gouvernement sortant est donc conscient d’avoir gagné son pari, ne serait-ce que symboliquement. Car dans la forme, M. Mikati a marqué un point : il a réuni une partie de son équipe ministérielle sous la houlette de la plus haute autorité religieuse maronite du pays. Le message est clair : bien que boudé par un important parti chrétien (en l’occurrence le Courant patriotique libre de Gebran Bassil), le cabinet jouit d’un appui chrétien de taille. Mais ce n’est que la pointe de l’iceberg. Car même l’autorité morale et religieuse du patriarche Raï n’a pas conduit le CPL, lequel, rappelons-le, fait partie du gouvernement, à lâcher du lest.

De son côté, le patriarche maronite a également marqué un point important. Il s’est affirmé comme la référence chrétienne majeure, surtout en période de vacance à la présidence de la République. C’est très probablement pour cette raison qu’il a accepté d’ouvrir les portes de Dimane devant les membres du gouvernement. Sauf que cela ne signifie pas que Béchara Raï assure désormais une couverture chrétienne à celui-ci, dont il a critiqué l’action à plusieurs reprises. Il a d’ailleurs tenu à préciser que la rencontre n’est pas un Conseil des ministres, mais « une réunion spontanée pour discuter des sujets d’actualité ». Comme pour faire comprendre au Premier ministre qu’il ne peut pas gérer le pays comme si de rien n’était. Car aux yeux du prélat, la priorité demeure à l’élection d’un nouveau chef de l’État.

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« C’est le patriarche Raï qui a ouvert les discussions en évoquant le dossier de la présidentielle », confie à L’OLJ un ministre présent à la réunion, initialement consacrée aux dossiers des réfugiés syriens et de la communauté LGBTQ+, au centre de plusieurs discours et polémiques ces dernières semaines.

« Lors de la première visite de l’émissaire présidentiel français Jean-Yves Le Drian, je lui ai dit que ce qu’il avait entendu ne reflète pas la réalité. Notre pays est une République démocratique parlementaire, avec deux candidats à la présidence. Que les députés exercent leur devoir électoral. Soit un président est élu, soit il ne l’est pas. En fonction du résultat, un dialogue pourra être engagé en vue d’un consensus sur un troisième candidat », a lancé le patriarche, dans ce qui constitue un message au tandem Amal-Hezbollah qui bloque la tenue du scrutin présidentiel par le jeu du défaut de quorum.

Cependant, tous les ministres du tandem chiite étaient présents à Dimane mardi. Le ministre sortant de la Culture, Mohammad Mortada (à l’origine de l’idée de la réunion), a qualifié la rencontre d’« excellente ». Une impression confirmée par son collègue de l’Information, Ziad Makary. « Les discussions ont porté sur des questions générales. Ce qui fait que l’importance de la démarche réside dans sa dimension symbolique», dit-il.

Il n’en demeure pas moins que Nagib Mikati a profité de la réunion pour adresser les messages qui s’imposent à ses détracteurs, à commencer par le CPL, qui boycotte les séances du Conseil des ministres tenues en période de vacance à la tête de l’État. « Cette réunion a été improvisée », a-t-il lancé, laissant entendre qu’il ne s’agissait pas d’une séance du Conseil des ministres programmée à l’avance. « Nous sommes surpris du fait que certains considèrent que cette réunion est une atteinte à l’accord de Taëf », a ajouté M. Mikati. « L’esprit de l’accord de Taëf appelle au dialogue entre Libanais », a souligné le Premier ministre. « Il est très difficile de faire comprendre à tout le monde que nous ne voulons défier personne », a dit M. Mikati à L’OLJ à l’issue de la réunion.

De source ministérielle, on apprend que le chef de la diplomatie, Abdallah Bou Habib, et le ministre de la Justice, Henri Khoury, ont fait savoir à Nagib Mikati qu’ils « auraient aimé assister à la réunion », mais qu’ils sont « dans l’incapacité de le faire ». Gebran Bassil aurait-il exercé des pressions sur les ministres gravitant dans son orbite ? Très probablement. Contacté, le ministre sortant des Affaires sociales, Hector Hajjar, met l’accent sur le volet politique. « Nous sommes en profond désaccord avec M. Mikati sur sa façon de gérer le pays pendant la vacance présidentielle », rappelle-t-il. Aux yeux de M. Hajjar, c’est un vice de forme qui l’a empêché de se rendre mardi à Dimane. « Personne ne m’a personnellement convié à cette réunion dont je ne connaissais même pas l’ordre du jour », déplore-t-il. « Que l’on oublie le Conseil des ministres et que les réunions officielles se tiennent chez le mufti et les patriarche grec-orthodoxe et grec-catholique », ajoute M. Hajjar. Le ministre sortant du Tourisme, Walid Nassar, qui gardait une marge de manœuvre par rapport à ses collègues aounistes, a lui aussi boycotté la réunion de mardi, pour des motifs similaires à ceux évoqués par M. Hajjar. « Nous n’avons pas officiellement convié les ministres. Nous les avons simplement informés de la tenue de la réunion, afin de leur permettre de prendre la décision qui leur convient », commente Nagib Mikati, qui se doutait du fait que le CPL allait bouder la réunion.

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Mais la démarche parrainée par le patriarche Raï ne portait-elle pas clairement un message en direction du parti orange, qui prive le cabinet d’une couverture chrétienne que M. Mikati cherche à compenser à tout prix ? « Il ne s’agit de défier personne. Je veux que le pays puisse traverser cette période de vacance à la tête de l’État avec le moins de dégâts possible », répond le Premier ministre sortant. 

Quoi qu’il en soit, la réunion s’est soldée par un communiqué insistant sur la « nécessité d’accélérer l’élection d’un président pour conduire le processus de sauvetage et de rétablissement ». Sur un autre registre, le texte appelle les protagonistes libanais à « collaborer avec les autorités syriennes et la communauté internationale pour résoudre la question des réfugiés syriens ». Enfin, sur la question des LGBTQ+, il invite « toutes les autorités, les institutions éducatives, les médias et la société civile à s’attacher à l’identité nationale, à son éthique et à ses valeurs, notamment la famille ». Il convient d’affronter « les idées qui heurtent l’ordre divin et les principes partagés par tous les Libanais », conclut le texte. 

« Le gouvernement a été bien accueilli par le patriarche maronite et a reçu un appui. Ni plus ni moins. » C’est ainsi que le Premier ministre sortant, Nagib Mikati, dresse pour L’Orient-Le Jour le bilan de la réunion ministérielle informelle tenue mardi au siège d’été du patriarcat maronite en présence de Mgr Béchara Raï. Le chef du gouvernement sortant est donc conscient...

commentaires (4)

Mgr Rai s'est trompe. En acceptant que la reunion du conseil se tienne a Dimane, il a cree un precedent. - La constitution stipule que le conseil des ministres doit se tenir a son siege, pas ailleurs. - A l'avenir, chaque chef religieux, de quelque confession que ce soit, serait en droit de demander a abriter des reunions du conseil. Le confessionnalisme s'affirme de jour en jour. Croyez-nous Mgr Rai, il est nefaste a ce pays, et vous etes en train de l'encourager.

Michel Trad

23 h 23, le 08 août 2023

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Commentaires (4)

  • Mgr Rai s'est trompe. En acceptant que la reunion du conseil se tienne a Dimane, il a cree un precedent. - La constitution stipule que le conseil des ministres doit se tenir a son siege, pas ailleurs. - A l'avenir, chaque chef religieux, de quelque confession que ce soit, serait en droit de demander a abriter des reunions du conseil. Le confessionnalisme s'affirme de jour en jour. Croyez-nous Mgr Rai, il est nefaste a ce pays, et vous etes en train de l'encourager.

    Michel Trad

    23 h 23, le 08 août 2023

  • Cherchez le bon prétendant à la présidentielle et présentez le. Que Azour et Frangié soient écartés. Et cette fois ci, plus de défaut de quorum.

    Mohamed Melhem

    22 h 47, le 08 août 2023

  • Ils se reunissent pourquoi faire ? Ces tribus archaïques dévastatrices

    Abdallah Barakat

    22 h 09, le 08 août 2023

  • Yes you can…

    Sissi zayyat

    21 h 48, le 08 août 2023

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