Une nouvelle semaine vient à peine de commencer et trois nouvelles polémiques font déjà couler de l'encre au sujet du drapeau arc-en-ciel au Liban. Sur la scène politique, une première controverse a opposé sur Twitter le député issu de la contestation, Marc Daou, qui dénonce la "criminalisation" de l'homosexualité, et le député Jamil el-Sayyed, proche du Hezbollah, qui lui répond de manière ironique. La deuxième polémique concerne un gâteau aux couleurs de l'arc-en-ciel de la chaîne de boulangerie Pain d'Or, tandis que la troisième a éclaté à Faraya autour d'une décoration installée dans le cadre d'un festival.
L'arc-en-ciel "un phénomène naturel"
Face à la vague d'homophobie grandissante ces derniers mois au Liban, et alors que chaque affichage d'un drapeau aux couleurs de l'arc-en-ciel fait débat, le député Marc Daou, issu de la contestation, a réagi samedi sur son compte Twitter en affirmant : "L'arc-en-ciel est un phénomène naturel qui apparaît dans la nature, donc il est naturel ! Nier la nature et la criminaliser, c'est cela qui n'est pas normal."
"L'homosexualité est naturelle chez certaines personnes, pouvant résulter de déséquilibres hormonaux ou de problèmes psychologiques, mais ce qui n'est pas naturel, c'est sa propagation et sa promotion", lance Michel Chamoun, ancien candidat aux élections législatives de la région de Baabda.
"Comment avez-vous pu aboutir à cette équation ? Si l'arc-en-ciel est un phénomène naturel, est-ce que cela implique que l'homosexualité est également naturelle ? Sérieusement, comment avez-vous pu établir ce lien ?", réplique de manière ironique Sahar, une autre internaute.
Le député Jamil el-Sayed, proche du Hezbollah, quant à lui, est allé encore plus loin dans sa réponse. Dans un tweet ironique, il s'est adressé au député Daou qu'il a appelé "Notre collègue, le nouveau marié", en remerciant Dieu que ce dernier "se soit décidé à temps de se marier et ait rejoint notre camp en se mariant normalement" (en allusion au camp des hétérosexuels, Ndlr). "L'arc-en-ciel ne peut être comparé à l'homosexualité, car il s'agit d'un phénomène naturel temporaire et exceptionnel qui apparaît dans le ciel et disparaît complètement. (...) En revanche, l'homosexualité, anciennement appelée perversion sexuelle, est une condition contraire à la nature humaine et animale, limitée exclusivement aux hommes et aux femmes dont la reproduction de l'espèce humaine dépend", explique le député. "Espérons que nous n'atteindrons jamais une époque où l'homosexualité devienne obligatoire pour tous", poursuit-il.
Depuis le début du mois des fiertés, le Hezbollah, par la voix de son secrétaire général Hassan Nasrallah, ou du numéro deux du parti Naïm Kassem, multiplie les attaques contre la communauté LGBTQ+.
Contacté par L'Orient-Le Jour, le député Marc Daou n'était pas disponible dans l'immédiat pour se prononcer sur les réactions à son tweet.
Un gâteau, ni plus, ni moins !
Un gâteau aux couleurs de l'arc-en-ciel de la marque Pain d'Or a également fait parler de lui durant le week-end écoulé, bien que cette pâtisserie soit en vente depuis plus de quinze ans.
"Moi, je boycotte cette marque ! Et vous ?", lance sur son compte Twitter une internaute, associant son message à une photo du dessert en question. "Ce dessert serait parfait pour Marc Daou (...)" ajoute une autre internaute, poursuivant son commentaire assorti de propos diffamatoires à l'encontre du député.
Face à cette polémique, la marque a immédiatement sorti un communiqué démentant que le produit en question soit représentatif du drapeau LGBTQ+. "L'administration de Pain d'Or désapprouve vivement la diffusion d'informations sur les réseaux sociaux citant un produit fabriqué pour soutenir des slogans et des objectifs qui sont totalement éloignés de nos croyances, de nos coutumes et de nos traditions", peut-on lire dans le communiqué, en allusion probable, sans les citer directement, à la communauté LGBTQ+. Ces propos ont été jugés "homophobes" par plusieurs internautes, entraînant ainsi une deuxième vague de critique visant l'enseigne.
Contacté par L'OLJ, Marwan Koussa, propriétaire et président de la marque, s'est désolé de ces propos sur les réseaux sociaux : "Nous sommes une entreprise qui produit des gâteaux, ni plus, ni moins", a-t-il affirmé. "Ce gâteau est produit depuis plus de 15 ans" explique-t-il. "Notre but est uniquement de créer des produits qui plaisent à nos clients, notamment aux enfants et d'assurer la pérennité de notre entreprise, qui fait vivre plus de 800 employés" ajoute-t-il, refusant de commenter avec plus de détails l'incident, ou de revenir sur le communiqué.
Un festival qui perd ses couleurs
À Faraya, sur les hauteurs du Kesrouan, la fièvre anti-arc-en-ciel a également frappé lors des préparatifs du festival annuel du village, en raison de drapeaux colorés, bien que l'ordre des couleurs de la décoration en question n'a rien à voir avec les couleurs du drapeau LGBTQ+.
Des messages de haine et d'incitation à la violence ont circulé sur les réseaux sociaux, incitant les habitants à demander le retrait de cette décoration et appeler les autorités religieuses à intervenir.
"Le festival du souk de Faraya décoré de drapeaux de la déviance. Les chrétiens s'opposent, mais pourquoi l'Eglise ne dit rien ?" a écrit cet internaute.
Selon des médias locaux, les habitants ont demandé aux responsables de retirer cette décoration.
L'année 2023 a été marquée par une hausse alarmante de l'homophobie au Liban, notamment dans les discours politiques. Cette situation a poussé l'organisation Proud Lebanon, en faveur des droits des LGBTQ+ au Liban, à publier un communiqué en fin de semaine dernière mettant en garde contre "le nombre croissant de menaces et de discours haineux dirigés envers des individus LGBTQ+ sur les applications de rencontres". Le texte ajoute : "En tant que communauté qui a subi discrimination et violence pendant des années, il est essentiel que nous soyons prudents et que nous nous protégions de tout préjudice."
En juin 2022, pendant le mois des fiertés, le ministre sortant de l'Intérieur, Bassam Maoulaoui, avait publié une décision ordonnant aux forces de l'ordre d’annuler tous les événements LGBTQ+, une mesure condamnée par une coalition de groupes de défense des droits. Sauf que le Conseil d’État avait annulé la décision du ministre. Ce dernier a quand même récidivé en novembre 2022.
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Si Hassan Nasrallah avait un zeste de croyance en Dieu, il aurait respecté toutes les créations du Seigneur et de la nature. Nous sommes tous les enfants de Dieu, quelque soit notre différence biologique. Nasrallah ne fait que vociférer pour semer la terreur et la discorde. C'est lui qui est l'intrus parmi les gens normaux.
Saliba Patricia
22 h 16, le 01 août 2023