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Société - Patrimoine

À Aley, l’escalier d’une querelle éphémère

Alors qu’une pétition circule pour protéger ce vestige qui daterait de l’Empire ottoman, une expertise a clos le débat en le datant d’un peu plus de 60 ans.

À Aley, l’escalier d’une querelle éphémère

Surplombant l’escalier historique daté de 1961, le nouvel escalier construit par la municipalité sera bientôt terminé. Photo Anaïs Lavielle

À Aley, petite ville druzo-chrétienne prisée des touristes et ancienne capitale estivale des gouverneurs ottomans du Mont-Liban, le quotidien des habitants retrouve le calme, après la tempête de ces dernières semaines. La construction d’une nouvelle volée de marches au niveau de l’escalier « historique » de la ville, y reliant les quartiers Piscine et Bsatine, est presque terminée. Entamés à la mi-juin, ces travaux ont été arrêtés quelques jours, après que des militants ont lancé le 20 juin une pétition « Stop à la démolition de l’escalier d’Aley » qui a rassemblé à ce jour 60 signatures.

À l’origine de cette campagne, l’avocate Zeina Jaber-Chehayeb et ses clients qui considèrent cet escalier comme faisant partie de « l’héritage archéologique de la ville ». Dans une lettre ouverte, notamment adressée au ministère de la Culture et à la municipalité de Aley, elle indique que « ces escaliers sont des antiquités » à préserver et non « à maltraiter », sans plus de détails sur l’origine de l’aménagement. Insistant par ailleurs sur le fait que les travaux n’ont pas été publiquement motivés par la municipalité, et allant jusqu’à soupçonner des intérêts privés derrière l’opération, elle demande l’arrêt des travaux et la publication par les autorités compétentes d’un arrêté protégeant le site, après nomination d’une équipe d’experts afin de démontrer « la valeur historique, archéologique, urbaine et culturelle de ce patrimoine ».

Certes, « la municipalité doit maintenir la sécurité de ses résidents, mais aussi la préservation de son héritage architectural », ajoute-t-elle. Car cet escalier, utilisé comme « moyen d’accès rapide » au centre-ville par les résidents du quartier situé en contrebas, devenait un danger pour les personnes âgées.

« Plusieurs habitants sont venus se plaindre à la municipalité et nous ont informés de chutes récurrentes. L’escalier, trop vieux pour être aux normes, présente de nombreuses irrégularités et les marches mesurent bien plus de 18 cm de hauteur », se défend le président de la municipalité, Wajdi Mrad, en désignant des pierres fortement dégradées près d’un ravin sans barrière. « Notre rôle est d’assurer la sécurité des résidents », rappelle-t-il.

Fortement dégradé, l’escalier historique devenait dangereux pour les usagers et inaccessible pour les personnes âgées. Photo Anaïs Lavielle

Cependant, les experts mandatés par l’ordre des ingénieurs et des architectes, en collaboration avec la Direction générale des antiquités et des musées, n’ont même pas le temps de trancher le débat que celui-ci prend de l’ampleur sur les réseaux sociaux, certains commentateurs allant jusqu’à dater la construction de l’aménagement au XIXe siècle, sous l’Empire ottoman. La querelle fait toutefois long feu : quelques jours après le lancement de la pétition, le verdict tombe : l’escalier « antique » de Aley date de 1961.

Conserver mais rénover

La tempête semble donc être retombée. Mais pour un résident, signataire de la pétition et souhaitant rester anonyme, l’expertise « a quand même permis de changer les plans originaux et de préserver l’escalier historique tout en construisant les nouvelles marches par-dessus ». Celles-ci prendront donc place sur l’étroit espace public de l’infrastructure et leur voie d’accès depuis le trottoir est déplacée. Mais comme le souligne Fadi Chehayeb, adjoint au maire et responsable de l’environnement, l’important est « de ne pas détruire, mais de conserver ces vestiges anciens tout en rénovant les infrastructures nécessaires à la sécurité des citoyens ».

De nombreux escaliers de la ville, plus anciens et datés des années 1920, sont eux aussi conservés par la municipalité, mais celui-ci n’en est pas à sa première querelle. Si son côté gauche appartient à la municipalité, une petite démarcation bleue au sol délimite la section privée sur laquelle il débouche. Opposé à la réhabilitation, le propriétaire de la partie privée, que L’Orient-Le Jour n’a pas réussi à contacter, menaçait de clôturer l’accès aux dernières marches qui mènent au trottoir de la rue de la Piscine et ses commerces, selon M. Mrad. Une décision contre laquelle la municipalité ne pouvait pas intervenir : le nouvel escalier devenait donc la solution.

Finalement, pour Rena Zarifi, résidente de la maison avoisinant l’escalier, le sujet a été clarifié : « On pensait que l’escalier était archéologique, mais aujourd’hui je comprends la nécessité des travaux. » Néanmoins, l’avocate et ses clients préviennent : « On continuera à protéger d’autres sites historiques à Aley et ailleurs, pour sauvegarder notre identité nationale et historique », affirme-t-elle. En attendant le séchage du ciment et la pose des rambardes, il faudra pour les habitants patienter quelque temps encore avant de pouvoir à nouveau effectuer leur promenade de routine en évitant le détour de la rue Bsatine, bien trop long. 

À Aley, petite ville druzo-chrétienne prisée des touristes et ancienne capitale estivale des gouverneurs ottomans du Mont-Liban, le quotidien des habitants retrouve le calme, après la tempête de ces dernières semaines. La construction d’une nouvelle volée de marches au niveau de l’escalier « historique » de la ville, y reliant les quartiers Piscine et Bsatine, est presque terminée....

commentaires (1)

La date de construction n'est pas le seul critère. C'est aussi que l'escalier de 1961 me semble plus joli car il est construit avec des methodes d'artisanat pendant que le nouveau escalier semble de beton. Il faudrait trouver des artisans qui savent encore comment construire de façon traditionnel des escaliers en pierre naturel.

Stes David

19 h 39, le 21 juillet 2023

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Commentaires (1)

  • La date de construction n'est pas le seul critère. C'est aussi que l'escalier de 1961 me semble plus joli car il est construit avec des methodes d'artisanat pendant que le nouveau escalier semble de beton. Il faudrait trouver des artisans qui savent encore comment construire de façon traditionnel des escaliers en pierre naturel.

    Stes David

    19 h 39, le 21 juillet 2023

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