On se demandait à quoi servait Abdallah Bou Habib, maintenant on sait : à se laver les mains de la question des Libanais évaporés en Syrie, faire un pied de nez à leurs parents qui se rongent les sangs depuis des dizaines d’années et s’empêtrer ensuite dans des contorsions croquignolettes pour ramasser sa boulette. On a le Talleyrand qu’on peut…
Il est quand même proprement hallucinant de voir la facilité avec laquelle nos papys de la République s’étalent devant les canassons présidant aux destinées du monde arabe. Une belle brochette de parangons de la modernité, de la démocratie et de l’alternance politique. Espère un peu : des militaires, des fils de militaire, des copains de militaires et, pour les civils, une pelletée de rois et roitelets de droit divin. Pour le coup, le Moyen-Orient est vraiment resté sur le paillasson du IIIe millénaire.
Faut dire que les charlots de la Ligue ont du couscous sur la planche depuis qu’ils ont réintégré le Tyranneau de Damas dans leur club guilleret. Voilà donc un ophtalmologue atteint de myopie politique aiguë qui, depuis 2000, mène son pays à la dague et la schlague. Toujours tiré à quatre épingles, le gougnafier claque des doigts, et il se ramasse tout ce que le cirque local peut produire comme brutes biberonnées au Baas, en âge de taper des mains, et de proposer leur âme et leur sang pour solde de tout compte. Pour lui, gouverner est facile : il récolte 100 % des voix, arrache 100 % des ongles et s’adjuge avec sa fratrie 100 % des marchés publics. Sans compter les économies à la clé, puisqu’il n’y a qu’un seul portrait à tirer. Bref, un pays arabe normal, où la seule liberté est celle de fermer sa gueule, d’ouvrir et de claquer les portières du carrosse du Maître, où les gens d’en bas sont payés au lance-pierres, sans droits, sans retraite, sans syndicat, sans partis politiques… Le paradis, quoi !
Tout cela, alors que son pays est saucissonné dans le Nord par les Américains à coups de vitamine F-16, McDo et Nike, et par les islamistes au plan com très élaboré : pas d’alcool, pas de nanas, pas de musique, la joie de vivre uniquement par la barbe !
On peut facilement imaginer le barnum d’une Syrie oscillant entre la semelle de Bachar, une botte parlant anglais et des babouches camouflant des poignards. S’il faut ajouter à cela l’agité de la kippa Netanyahu qui vient y déverser ses missiles bariolés, la coupe arabe est pleine. N’en jetez plus !
Face à cette mélasse, tout ce que notre ministre du Dehors a trouvé a été de présenter l’abstention du Liban au vote de l’ONU comme un acte de solidarité envers les frérots du voisinage. Un renvoi solitaire d’ascenseur, en somme, sauf que l’ascenseur n’existe pas puisqu’au départ, il n’avait jamais été reçu. Il pourra toujours prétendre que lui et ses prédécesseurs ont systématiquement servi de cache-sexe à une politique syrienne consistant à les charger des basses œuvres et que, dans cette affaire, il n’avait pas le choix.
Ben, si, quand même : Abdallah pouvait démissionner et rentrer chez lui. Mais avec le risque que personne ne s’en aperçoive.
gabynasr@lorientlejour.com
Hahaha!! C’est tellement triste que je me dois d’en rire!!
08 h 36, le 08 juillet 2023