Le 7 octobre dernier, une partie du monde arabe a célébré l’attaque du Hamas comme une victoire historique contre l’ennemi. Malgré les atrocités commises par le mouvement islamiste, malgré le déferlement de violence qu’allait subir la population de Gaza en réaction (prévisible dès le premier jour), la faillite sécuritaire israélienne a été présentée comme un tournant historique dans ce conflit vieux de plus de 75 ans.
Sept mois plus tard, Gaza est un cimetière à ciel ouvert. 35 000 Palestiniens ont été tués, dont près de la moitié sont des enfants. L’enclave est un champ de ruines. Tout ou presque y a été détruit. Une partie du monde arabe continue pourtant de parler de « victoire ». De considérer que la mort de 15 000 enfants est le « prix à payer » pour défaire l’ennemi. D’affirmer sur tous les plateaux que le meilleur est à venir pour les Palestiniens et qu’Israël sera bientôt vaincu.
Peuvent-ils avoir raison ? Quelque chose de positif peut-il naître de cette horreur ? On a du mal à le croire. L’histoire n’a évidemment pas commencé le 7 octobre. Et cette attaque, si effroyable soit-elle, est aussi le résultat de la politique israélienne de ces trente dernières années. Mais le « Déluge d’al-Aqsa » a dynamité les portes de l’enfer et l’on ne voit pas ce qui pourra, à court terme, les refermer. Les extrémistes de tous bords ont le vent en poupe. Et aucune microperspective de sortie de crise n’est en train d’émerger. Plus que jamais, la solution passe, dans l’esprit des deux camps, par la destruction totale de l’autre. Sauf que l’un demeure, quoi que l’on en dise, beaucoup plus fort que l’autre.
Rien ne permet de penser aujourd’hui que le quotidien des Palestiniens va s’améliorer dans les mois et les années à venir. Ni à Gaza ni en Cisjordanie. Bien au contraire. Force est toutefois de constater deux choses. La première, c’est que le 7 octobre a fait bouger certaines lignes, à défaut de modifier toute l’équation. La seconde, c’est qu’Israël n’a jamais semblé aussi fragile.
La question palestinienne avait disparu. Elle est désormais au cœur des discussions, éclipsant même parfois la guerre en Ukraine et la rivalité sino-américaine. 143 États ont voté vendredi pour l’adhésion de l’État de Palestine à l’ONU et les chancelleries occidentales évoquent à nouveau la solution à deux États. Des manifestations propalestiniennes ont fleuri sur les campus américains et, dans une moindre mesure, européens, dans ce qui pourrait marquer une véritable rupture générationnelle.
Israël a perdu la bataille de la communication. Il a également perdu la bataille diplomatique, même si ce point mériterait d’être nuancé, toutes les voix et tous les votes ne se valant pas au sein de l’Assemblée de l’ONU. Il est enfin, beaucoup plus surprenant, en train de perdre la bataille militaire. Sept mois plus tard, la première puissance régionale n’a pas réussi à en finir avec les bataillons du Hamas. Et son principal allié menace, par la voix du président le plus sincèrement pro-israélien de l’histoire américaine, de ne plus lui fournir d’armes offensives s’il persiste à vouloir envahir Rafah.
Israël est montré du doigt comme un État paria, comparé à l’Afrique du Sud de l’apartheid et accusé par des militants, des étudiants mais aussi des experts de renom de commettre un génocide. L’État hébreu est isolé, son image sérieusement abîmée, son leadership en état de perdition. Il n’a rien de sérieux à proposer, ni pour mettre fin à la guerre ni pour construire la paix.
Israël est au plus bas. Le Hamas, lui, est plus populaire que jamais dans tout le monde arabe, à l’exception peut-être de Gaza. Mais il n’y a pas de quoi se réjouir de cette évolution. D’une part parce que tant le Hamas que le leadership israélien – bien au-delà de Benjamin Netanyahu – sont enfermés dans une logique de guerre de longue durée. D’autre part parce que la réalité du terrain peut changer d’une semaine à l’autre. Et que s’il y a bien une chose à retenir de tous les drames qu’a connus le Moyen-Orient ces dernières décennies, c’est que seul le rapport de force compte véritablement à la fin de la partie.
Bravo pour la limpidité de vos articles qu’on lit toujours avec un énorme plaisir. Samia
23 h 52, le 13 mai 2024