
L'enseignante syndicaliste Nisrine Chahine, lors d'une manifestation au Liban. Photo d'archives fournie par Michel Hallak
Nisrine Chahine, une enseignante syndicaliste visée par une plainte du ministre sortant de l'Education Abbas Halabi pour diffamation, a été interrogée puis brièvement détenue jeudi sur ordre du procureur général près la cour de cassation Ghassan Oueidate. La libération de l'enseignante a été confirmée à L'Orient-Le Jour peu avant 18h par un membre de la famille et par son avocat Rafic Ghraizi.
L'enseignante, une contractuelle de l'enseignement public engagée dans la lutte syndicale, avait comparu jeudi matin, pendant plusieurs heures, devant le bureau des enquêtes criminelles au Palais de justice de Beyrouth, après une plainte pour diffamation déposée contre elle par Abbas Halabi, à la suite d'un message qu'elle avait écrit et partagé sur les réseaux sociaux. Dans cette publication datée du 29 mars, l'enseignante avait critiqué le Premier ministre sortant Nagib Mikati, ainsi que le ministre sortant de l'Education, les accusant entre autres d'encaisser des pots-de-vin et d'avoir embauché 800 enseignants par le biais de pratiques clientélistes.
Selon l'avocat de l'intéressée, Rafic Ghraizi, Nisrine Chahine avait été arrêtée en début d'après-midi et incarcérée dans le centre de détention du palais de justice, après avoir refusé de retirer sa publication. Toutefois, après sa libération, Mme Chahine n'a pas été obligée de retirer sa publication, affirme son avocat. Selon ce dernier, l'arrestation était "uniquement politique, pour faire pression et intimider" l'enseignante.
Une source proche de Abbas Halabi, qui a requis l’anonymat, n’a pas souhaité commenter cette information, se contentant de dire : “Nous attendons que la justice suive son cours”.
"Chaos dans les écoles publiques"
Jeudi matin, une vingtaine d'enseignants des écoles publiques ont manifesté devant le palais de justice , en soutien à leur collègue.
"Son crime, c'est qu'elle met le doigt sur la corruption au sein du ministère de l'Education et qu'elle dénonce le chaos dans les écoles publiques", a confié à L'Orient-Le Jour Hoda Hatoum, une enseignante du public, présente sur place.
Amal Abi Faraj, une autre professeure venue soutenir Nisrine Chahine, a exprimé son "refus des agissements du ministre". "Il veut l'écarter (de son poste) parce qu'elle dit la vérité", estime-t-elle.
Abbas Halabi avait licencié l'enseignante fin 2022, mais le Conseil d’État a suspendu cette décision controversée. Le licenciement de Nisrine Chahine après onze ans de services dans le secteur public avait été justifié par le fait que ses services n'étaient plus nécessaires, mais il avait été dénoncé par une partie du corps enseignant et par la société civile, l'enseignante étant connue pour sa proximité avec la contestation populaire et son engagement syndical.
Début 2023, les enseignants des écoles publiques ont fait grève pendant plusieurs semaines pour demander une amélioration de leurs conditions de travail, alors que le Liban poursuit son effondrement économique entamé en 2019.
Le Liban est devenu une dictature, pouah !
17 h 51, le 15 juin 2023