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Nos Lecteurs ont la Parole

Les Libanais ont toute l’éternité devant eux...

C’est du moins ce que nous, citoyens du pays du Cèdre, semblons croire mordicus. La preuve par quatre.

Nous sommes dotés d’une patience à toute épreuve.

Nous excellons dans la procrastination, cette tendance à remettre au lendemain, à ajourner, à temporiser.

Nous remettons notre destin entre les mains de Dieu. « Allah bi dabber » (Dieu arrange les choses)… N’est-ce pas l’un de nos leitmotivs préférés ? Celui auquel nous recourons le plus fréquemment ?

Nous comptons beaucoup sur la Providence. Peut-être bien que la foi a encore sa place sous nos cieux cléments.

Tandis que nos gouvernants nous abreuvent d’échéances en continu.

Des promesses ? Ils ne se donnent même plus la peine d’en faire. Nous sommes crétins, mais il y a des choses qui ne passent plus. Malgré tout, cela ne nous empêche nullement d’aller croire à d’autres boniments et bluffs.

Non seulement nous acceptons tout ce qui nous tombe sur la tête, comme catastrophes j’entends. Mais nous nous adaptons à toutes les situations, aussi rocambolesques soient-elles.

Si notre faculté d’adaptation est devenue le défaut d’une grande qualité, elle aiguise toutefois notre extraordinaire débrouillardise. À quelque chose malheur est bon.

Chez nous, le temps n’existe pas. Même si le pays est dans un passage à vide depuis des décennies, le temps ne compte pas pour ceux qui en font fi comme nos politiciens.

Revenons donc à nos moutons : les échéances…

Toujours en tête de file, l’élection présidentielle et la formation d’un gouvernement. Ici, nous battons des records, de plus en plus de records.

Les reports et autres ajournements s’étalent à l’infini…

De quelques semaines, nous dépassons bien vite les mois, les semestres, bientôt l’année. La vacance au pouvoir a déjà offert au pays du Cèdre une place dans le quinté de tête des pays ayant échoué pendant une longue période à former un gouvernement à l’issue d’élections.

Le Liban a déjà connu une situation similaire entre septembre 1988 et novembre 1989, et entre novembre 2007 et mai 2008. Les vacances présidentielles et gouvernementales ont peu à peu fini par devenir une forme d’habitus politique. N’en sommes-nous pas à ce jour à notre dix-

septième session parlementaire pour élire un président ?

Où est le problème ? Nos dirigeants ont le choix et apparemment le temps.

Soit on ajourne… indéfiniment. Soit on recourt à des reconductions, des prolongations. Ad vitam aeternam.

S’agissant des conseils municipaux et des moukhtars, par exemple, le Parlement libanais a voté pour la seconde fois leur prolongation d’un an.

Ça va… On n’en parle pas. On ne le relève même pas.

Mais s’agissant de questions nettement plus graves, nous nous contenterons d’évoquer l’inextricable problématique de l’électricité et celle non moins labyrinthique des déchets.

C’est très simple, la première fait des siennes depuis la fin de la guerre civile, à savoir depuis 1992. Nous voilà en 2023… Au bout de trente années et des milliards de dollars qui se sont envolés, nous sommes plus que jamais dans le noir. Mais tout va s’arranger… un jour. Avec le lancement du projet régional de la Banque mondiale prévoyant de construire deux centrales ainsi qu’une troisième plus tard… si nécessaire.

On y croit encore… Et nous nous répétons sans cesse à nous-mêmes que « bien sûr, un jour viendra où tout va s’arranger, on ne peut pas rester dans cette situation, c’est impossible ». Et pourtant, ce fut possible, et c’est encore fort possible, et ça le sera, puisque nous tournons en rond depuis belle lurette.

Je vous l’ai dit, nous avons toute l’éternité devant nous…

Quant à nos déchets, ils ont eu tout le temps de pourrir depuis 2015, date du début de la crise. Mais ils poussent comme des champignons, ici et là. De simples remblais en volumineuses décharges, d’incinérations en enfouissements, nos ordures ménagères auront tout connu. Elles nous accompagnent dans notre quotidien, elles frôlent nos habitations. Mais il paraît que nous ne les voyons plus. De temps en temps, elles se rappellent à notre souvenir par leurs effluves. Mises à part ces petites inconvenances, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Comme toutes « nos » crises, elles ont un début et jamais une fin. C’est cela l’éternité !

Et il y a tout le reste… Les pénuries qu’on ne peut même plus dénombrer… Pour n’en citer que les plus graves, on mentionnera l’argent, les médicaments, l’eau, l’essence, le gaz, la farine… Mais ce qui est remarquable chez nous, c’est que les pénuries ne sont jamais longues dans le temps ! Rien n’est définitif. Ça va et ça vient… Et lorsqu’on est dans le rouge, les milliers d’expatriés viennent toujours à la rescousse…

Nos gouvernants peuvent donc se permettre de prendre leur temps, tout leur temps… Nous avons l’éternité devant nous…

Merci, mon Dieu.

Marianne SARADAR BARAKAT

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

C’est du moins ce que nous, citoyens du pays du Cèdre, semblons croire mordicus. La preuve par quatre. Nous sommes dotés d’une patience à toute épreuve.Nous excellons dans la procrastination, cette tendance à remettre au lendemain, à ajourner, à temporiser. Nous remettons notre destin entre les mains de Dieu. « Allah bi dabber » (Dieu arrange les choses)… N’est-ce pas...
commentaires (1)

Il faut prier saint Charbel pour sauver le Liban

Eleni Caridopoulou

21 h 55, le 11 mai 2023

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Commentaires (1)

  • Il faut prier saint Charbel pour sauver le Liban

    Eleni Caridopoulou

    21 h 55, le 11 mai 2023

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