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Nos Lecteurs ont la Parole

Être Sethrida Geagea : regard sur le parcours d’une femme du Liban

Pourquoi elle ? Parce qu’elle est l’unique exemple dans l’histoire du Liban d’une femme libanaise qui exerce activement la politique en même temps que son conjoint, formant ainsi un couple politique rare, même en Europe. C’est une nouveauté dans la vie politique libanaise. Ainsi, pour ne donner qu’un exemple, Nazira Joumblatt ne jouera un rôle politique qu’après l’assassinat de son mari. Bien évidemment, cela n’exclut pas la présence d’autres femmes libanaises de qualité dans les milieux socio-économique et politique.

C’est quoi donc « être Sethrida Geagea » ? C’est être plusieurs choses à la fois dans un parcours multidirectionnel.

- Être une épouse… Vivre à côté d’un homme dont la vie n’est pas un long fleuve tranquille nécessite avant tout du caractère et de partager la même cause politique. Cela rappelle la personnalité de Winnie Mandela qui a partagé le combat de Nelson Mandela avant et pendant son emprisonnement. Il existe également des similitudes avec Yvonne de Gaulle, laquelle n’a pas joué directement un rôle politique, mais a partagé discrètement et avec force les soubresauts de la vie de De Gaulle. D’épouse, elle ne peut que devenir une alliée incontournable, voire irremplaçable. Certains critiquent son caractère autoritaire et son influence auprès du chef des Forces libanaises (FL). Il est toujours difficile de saisir l’origine des jugements que les uns peuvent porter sur le comportement des autres : la déception de ne pas avoir un poste quelconque, le fait de ne pas faire partie du cercle étroit du chef, la discordance de vue, la jalousie ? Nous n’allons pas nous engouffrer dans le labyrinthe de l’esprit humain. Cependant, nous pouvons dire qu’être responsable d’une équipe, d’un parti, d’un pays va de pair avec un caractère autoritaire. Avoir de l’autorité, c’est tout simplement montrer le chemin d’une façon claire, sans ambiguïté, que le responsable souhaite prendre pour aboutir à son but. Par conséquent, ce qui compte, c’est le but pour lequel cette autorité est engagée : s’agit-il d’un but collectif ou d’un intérêt personnel ? S’agit-il d’une action pour une corruption ou pour un bien commun ?...

Par ailleurs, il est normal que Sethrida Geagea soit écoutée par le chef des FL et qu’elle ait une influence. Cependant, cela ne veut pas dire que celle-ci est totale car il existe autour de Samir Geagea des hommes politiques de qualité qui ont eux aussi de l’influence politique.

- Être une résistante… Ce sont les moments difficiles de la vie qui montrent le vrai caractère des femmes et des hommes. Comme par exemple l’emprisonnement de Samir Geagea. Cet événement va manifester le caractère de résistante de Sethrida Geagea. Elle va s’entourer d’hommes fidèles et tout faire pour garder intacte la base militante des FL dans un contexte d’une occupation militaire syrienne. Elle va arpenter les couloirs des ministères, de Baabda, de Bkerké… pour tenter de libérer le chef des FL. Il s’agit d’un effort de 11 ans et non de quelques mois! Quelle que soit l’opinion qu’on peut se faire d’elle, cette résistance et cette combativité ne peuvent que soulever le respect et l’admiration.

- Être une députée… C’est une autre expérience que d’être députée. Étant donné l’absence de l’État, un député est amené à résoudre les problèmes socio-économiques de la population, à développer des infrastructures, à être « l’homme ou la femme à tout faire », selon l’expression de Georges Corm… De ce fait, Sethrida Geagea intègre cette réalité et lance des travaux à Bcharré (routes, jardin public, raccordement en eau de certains villages, renouvellement du musée de Khalil Gebran…), apporte des aides aux familles et aux écoles, lance la construction d’un hôpital public, la construction d’un foyer à Dbayé pour les étudiants de la région de Bécharré, fait renaître de ses cendres le Festival international des Cèdres, etc., et de nombreux projets à venir. Toutes ces actions nécessitent de se procurer des dons et de trouver des mécènes, ce qui est une entreprise difficile et chronophage. De plus, ces actions permettent d’offrir du travail aux jeunes de la région de Bécharré et d’éviter ainsi leur émigration. Il me semble qu’elle le fait avant tout par attachement à sa région. Aussi, une députée d’un grand parti politique ne peut que s’intéresser aux élections. L’important, c’est de développer sa région et de s’éloigner des jeux vicieux de la corruption, ce dont le comportement de Sethrida Geagea témoigne. En fin de compte, les résultats des élections ne sont que l’aboutissement de l’action, même si les humains ne sont pas toujours reconnaissants. Comme dit Aristote : « La reconnaissance vieillit vite. » Par conséquent, « il faut agir, mais il ne faut pas attendre de la reconnaissance », comme le conseille Confucius.

- Être présidente du Festival international des Cèdres… Après un long arrêt pendant une cinquantaine d’années, Sethrida Geagea lui donne un nouvel élan. C’est un métier à part, qui nécessite de gérer une équipe dynamique et efficace. De l’avis général, les différentes saisons de ce festival ont été une réussite avec des stars locales et internationales.

- Être une femme… Il est habituel de penser qu’une femme politique manque de féminité. Certaines, embourbées dans des tenues vestimentaires « masculines » pour se donner un air de virilité, oublient qu’une femme n’a pas besoin de virilité, mais de solidité, qui appartient aux deux sexes. Force est de constater que Sethrida Geagea, en femme politique féminine et élégante, a jeté cette idée aux oubliettes. Et c’est un bénéfice pour la femme libanaise en général.

L’avenir le dira, mais le parcours de Sethrida Geagea pourrait être un exemple pour les femmes libanaises des générations futures : un parcours fait d’abnégation, de courage, de résistance, de combativité, d’indépendance, de conviction qu’il ne faut jamais baisser les bras et de féminité. L’important, ce n’est pas d’avoir l’unanimité ni de la popularité. Ce qui importe, c’est le regard que l’histoire portera sur sa personne, car l’histoire remet chacun à sa place.

Chirurgien et diplômé en histoire

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

Pourquoi elle ? Parce qu’elle est l’unique exemple dans l’histoire du Liban d’une femme libanaise qui exerce activement la politique en même temps que son conjoint, formant ainsi un couple politique rare, même en Europe. C’est une nouveauté dans la vie politique libanaise. Ainsi, pour ne donner qu’un exemple, Nazira Joumblatt ne jouera un rôle politique qu’après l’assassinat...

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