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Nos Lecteurs ont la Parole

De retour d’Irak, le christianisme n’est pas mort

Qui sait que l’Irak est un des premiers berceaux majeurs du christianisme, évangélisé par Thomas l’apôtre, qui selon la tradition est passé par là sur sa route vers la Perse et l’Inde en compagnie de ses disciples Addaï (Thaddée) et Mari ?

La terre d’Irak, cette ancienne Mésopotamie dont les origines remontent loin dans le temps, à Sumer et Akkad, suinte le christianisme par ses pores, du Nord au Sud et d’Est en Ouest. Son influence fut prépondérante. Son patrimoine est reconnu par le pays et le peuple irakien en est conscient.

Mosaïque de communautés, creuset de croyances qui datent de la nuit des temps, ce pays a connu le message de Jésus précocement depuis les Rois mages, l’événement de la Pentecôte et la venue des apôtres Pierre, Thomas et Barthélémy. Les Ninivites, ou habitants de Ninive, sont cités dans les Évangiles et le pays est truffé d’églises et de monastères. De Qaraqosh à Mossoul ou Alqosh, les églises sont nombreuses, ornées d’une architecture qui date des premiers temps, comme celles qui portent le nom d’al-Tahira (la Pure) ou de Mar Thomas.

On en a eu le témoignage sur place dans le cadre d’une mission à l’initiative de l’association Mesopotamia

(www.mesopotamiaheritage.org), du vendredi 31 mars au vendredi 7 avril, au cours de laquelle nous avons rencontré les communautés chrétiennes et les yazidis, et exploré leur riche héritage, tour à tour à Mossoul, à Qaraqosh (Bakhdida), Karamless, Lalesh, Alqosh, Samarra, Bagdad et Ur. Arrivée par Erbil, la capitale de la région du Kurdistan autonome, et repartie par Bagdad, la capitale de l’Irak, la délégation lyonnaise a été bien accueillie par les autorités chrétiennes et par la population, ainsi que par les autorités irakiennes qui ont assuré sa sécurité.

Les destructions perpétrées durant l’assaut de Daech furent massives et les traces sont encore visibles partout. La terreur exercée par cette organisation islamiste a laissé des séquelles et des blessures qui sont loin d’être cicatrisées. De nombreuses églises ont été pillées et vandalisées, des mausolées bombardés, des icônes burinées. Toutes les communautés chrétiennes furent victimes : chaldéenne, assyrienne, syriaque-

catholique et syriaque-orthodoxe. Qaraqosh, fief de la chrétienté syriaque planté au cœur de la plaine de Ninive, en est un symbole tristement célèbre. Un événement tragique a eu lieu dans cette ville dans la nuit du 6 au 7 août 2016 : la fuite de tous ses habitants, estimés à 50 000.

Les projets de restauration, notamment menés par des fondations et œuvres françaises, sont nombreux. Certains lieux sont ainsi entièrement reconstruits, tout en gardant quelques stigmates de cette période. Les différentes célébrations de la semaine sainte ont pu s’accomplir dans toutes les églises, patriarches et évêques orientaux à leur tête.

Le dimanche des Rameaux, qui est l’entrée à Pâques, se marque à nouveau par des processions solennelles et impressionnantes comme à Qaraqosh, Karamless ou Alqosh, qui voient toute la population chrétienne descendre dans la rue en acclamant sa joie et sa foi collectives et contagieuses. Un régal pour le regard et l’esprit. La vie culturelle a également repris. À Qaraqosh, un concert donné par l’orchestre Kadnara a mis en valeur à travers les chants des choristes des hymnes de saint Ephrem, de Jacques de Saroug et de Mar Narsaï.

À l’entrée de Karamless la chaldéenne, au pied de la montagne, à proximité de Qaraqosh, se situe le couvent chaldéen de Mart Barbara, occupé par Daech et transformé en base militaire et désormais restauré par des organisations humanitaires. Dans cette même commune, se trouvent les reliques de Mar Addaï, disciple de saint Thomas.

Le monastère de Rabban Hormuzd (datant selon certains experts probablement du Ve siècle) et l’église Notre-Dame des Semences (du XIXe siècle) sont les joyaux de la ville de Alqosh, évangélisée dès le premier siècle et où se trouve aussi la tombe du prophète Nahoum.

Le prestigieux couvent de Mar Behnam et Sarah (IVe siècle) dans le village de Khodhr Ilyas, abîmé sous Daech, est un trésor d’histoire et d’architecture où les pèlerins aussi bien chrétiens que musulmans reviennent se ressourcer.

À Lalesh, où se trouve le sanctuaire spirituel des yazidis, qui ont aussi terriblement souffert de Daech, surtout les femmes, la communauté se rassemble et s’y ressource en nombre.

Entre Mossoul et Bagdad, Samarra, seconde capitale des califes abbassides, ville musulmane sunnite, mais où reposent des imams chiites, a également connu dans son histoire un passé chrétien important, reconnu par les autorités irakiennes.

À Bagdad, la cathédrale syriaque-

catholique Sayidate al-Najate (Notre-Dame du Perpétuel Secours), qui se situe dans le quartier al-Karrada, est entièrement restaurée, alors qu’elle fut victime d’actes génocidaires le 31 octobre 2010, en pleine célébration eucharistique. Il y eut 47 morts, dont les deux prêtres, et des dizaines de blessés. À la cathédrale chaldéenne Mar Yousef de Bagdad, les célébrations résonnent à nouveau.

Le patrimoine plurimillénaire irakien revit aussi après les saccages comme au sein du musée national à Bagdad, où abondent les antiquités mésopotamiennes. Ur, au sud de l’Irak, la patrie d’Abraham, le père des croyants, attend aussi les visiteurs à travers la maison d’Abraham, sa ziggurat et ses tombes royales des trois dynasties de cette

cité-État.

Malgré les souffrances, les destructions et les incertitudes actuelles, le christianisme n’est pas mort en Irak. Un souffle l’anime toujours. Autrefois qualifiés d’adeptes d’une « religion rayonnante », les chrétiens de cette terre de Ninive sont encore un signe pour notre monde aujourd’hui.

Joseph YACOUB

Professeur honoraire de sciences politiques à l’Université catholique de Lyon. Auteur de nombreux

ouvrages sur les chrétiens d’Orient et les assyro-

chaldéens, traduits en plusieurs langues. Dernier ouvrage paru (coécrit avec son épouse Claire Yacoub) : « Martyrs par amour

en Perse. Mgr Sontag

et ses trois compagnons »,

éd. Salvator, juin 2022.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

Qui sait que l’Irak est un des premiers berceaux majeurs du christianisme, évangélisé par Thomas l’apôtre, qui selon la tradition est passé par là sur sa route vers la Perse et l’Inde en compagnie de ses disciples Addaï (Thaddée) et Mari ? La terre d’Irak, cette ancienne Mésopotamie dont les origines remontent loin dans le temps, à Sumer et Akkad, suinte le christianisme par ses...

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