Le jugement rendu mercredi par le tribunal militaire libanais dans l'affaire des affrontements d'août 2021 à Khaldé, au sud de Beyrouth, a provoqué des remous, tant sur le terrain qu'au niveau politique, plusieurs parties dénonçant une sentence favorisant le Hezbollah au détriment des membres des tribus arabes de la région, qui sont constituées de descendants de tribus bédouines sunnites, installées sur la côte depuis des décennies.
En août 2021, de violents affrontements à l'arme automatique et aux roquettes RPG avaient eu lieu plusieurs heures durant entre des partisans du Hezbollah pro-iranien et des tribus arabes de Khaldé, faisant au moins deux morts. Les combats avaient commencé après que le convoi funéraire d'un membre du parti chiite, Ali Chebli, avait été pris dans une embuscade. Chebli avait été tué par balles quelques jours avant, lors d'un mariage, par le frère d'un jeune de la famille Ghosn, tué dans une rixe un an auparavant à Khaldé.
Le jugement rendu par le président du tribunal militaire, le général Khalil Jaber, concernait plusieurs dizaines de personnes, toutes membres des tribus de Khaldé. Neuf hommes ont été condamnés à mort par contumace. Un a été condamné à 10 ans de travaux forcés, cinq à neuf ans de la même peine. Omar Ghosn, cheikh d'obédience salafiste considéré comme un chef de file hostile au Hezbollah dans la région de Khaldé, a, lui, été condamné à 7 ans de travaux forcés. Deux autres ont été condamnés à cinq ans de travaux forcés et six à un an et demi de prison. Ces derniers ont été libérés, ayant déjà purgé leur peine. Un mineur a, lui, été déféré devant la justice compétente. Par ailleurs, onze personnes ont été innocentées.
La peine capitale est prévue par la loi libanaise, mais un moratoire sur les exécutions est en vigueur depuis 2004. La justice continue toutefois de prononcer des peines de mort, et un consensus national est toujours attendu pour l'abolir officiellement.
Dès le prononcé du jugement, des membres des tribus arabes ont protesté contre ce qu'ils ont dénoncé comme une injustice à leur égard. L'autoroute reliant Khaldé à la capitale a été bloquée par des manifestants à plusieurs reprises depuis mercredi, au moyen notamment de barrages de pneus enflammés, selon le centre de gestion du trafic (TMC).
Jugement "partiel", "cruel" ou "injuste"
Au niveau politique également, des voix se sont élevées contre le jugement, notamment au sein des partis opposés au Hezbollah.
Le député Ghayath Yazbeck (Forces libanaises - FL) a estimé jeudi, selon des propos rapportés par l'Agence nationale d'information (Ani, officielle), que les sentences prononcées "prouvent une fois de plus que le tribunal militaire est sous la coupe du Hezbollah et qu'il émet des jugements en son nom et non au nom du peuple". Il a rappelé que les FL avaient présenté une proposition de loi pour que ce tribunal soit réservé au jugement des militaires, appelant à ce qu'elle soit rapidement adoptée. Le parti dirigé par Samir Geagea avait vivement critiqué l'instance pour son suivi des affrontements de Tayouné, en octobre 2021, entre des membres du mouvement chiite Amal et du Hezbollah d'un côté, et des tireurs postés dans le quartier de Aïn el-Remmané, connu pour son allégeance aux FL.
De son côté, le député de Tripoli Achraf Rifi, connu pour son hostilité au Hezbollah, a condamné mercredi "la partialité et la politisation du tribunal militaire", qui est selon lui un "outil entre les mains du Hezbollah qu'il utilise pour se venger de ses rivaux, ce que nous rejetons et que nous contesterons par tous les moyens".
Le député Bilal Hocheimi, apparenté au Courant du Futur, a pour sa part dénoncé des "jugements cruels à l'encontre des jeunes des tribus arabes de Khaldé" et la partialité des peines imposées. "Comment la partie surarmée qui a mené l'agression a-t-elle été exemptée de toutes poursuites malgré les preuves de son implication dans des affrontements ?" s'est-il indigné, appelant Dar el-Fatwa, plus haute instance sunnite au Liban, et les députés de cette confession, à réagir.
Dans un long communiqué, le député issu de la contestation Marc Daou, représentant la circonscription du Mont-Liban IV (à laquelle est rattaché Khaldé), a critiqué de son côté un jugement "injuste" qui vise uniquement à "satisfaire le Hezbollah".
Pour sa part, le Parti socialiste progressiste (PSP) a réagi à la décision judiciaire dans un communiqué jeudi. Le PSP et son chef Walid Joumblatt avaient tenté une médiation, aux côtés de plusieurs autres parties et de l'armée, entre les tribus arabes et le Hezbollah. Dans son texte, le parti souligne l'importance de la réconciliation, et réclame que le tribunal militaire se limite à juger les dossiers concernant le personnel de l'armée.
Mr. Paradox est durieux car le liban lui vole son rôle : 2 clans illégalement armés se battent à coups de mitraillettes, RPG et autres armes lourdes et le tribunal MILITAIRE, pas moins, se place comme arbitre entre eux pour choisir le gagnant... euh, juste pour dire, dans un pays normal les 2 seraient poursuivis pour possession d'armes illégales et bien sûr pour une liste super-longue d'infractions qui s'ajoutent à la stupidité homo-sapienne. Bienvenue au wild wild west.
15 h 14, le 22 avril 2023