La localité de Khaldé a sans doute échappé au pire hier, après une après-midi de combats dignes d’une scène de guerre. De violents affrontements à l’arme automatique et aux roquettes RPG ont eu lieu plusieurs heures durant entre des partisans du Hezbollah et des membres des tribus arabes de Khaldé, après que le convoi funéraire de Ali Chebli, un membre du parti chiite tué samedi dans le cadre d’une vendetta, a été pris dans une embuscade tendue par les proches du tueur. Cette affaire a fait au moins deux morts (plus selon diverses sources) parmi les participants aux funérailles, ainsi que des blessés graves et deux blessés de l’armée. Massivement dépêchée sur place, la troupe a réussi à restaurer le calme en début de soirée. L’armée avait déclaré en journée sur son compte Twitter être prête à « tirer sur tout élément armé se trouvant sur les routes de Khaldé et en direction de toute personne qui ouvrirait le feu de n’importe quel autre endroit ».Ali Chebli, propriétaire du centre Chebli à Khaldé et membre de la formation pro-iranienne, avait été tué samedi dans le cadre d’une vendetta alors qu’il se trouvait à un mariage samedi à Jiyeh. Le tueur a voulu venger la mort de son frère, Hassan Ghosn, un adolescent tué il y a un an dans un crime imputé par la famille à Chebli. À l’époque, une rixe armée à Khaldé entre des partisans du Hezbollah chiite et des tribus arabes sunnites du secteur de Khaldé avait éclaté sur fond de déploiement de banderoles et de drapeaux par des partisans du Hezbollah sur des poteaux électriques à l’occasion de la commémoration de Achoura. Quelques jours plus tard, des tireurs avaient ouvert le feu en direction du centre Chebli. À la suite des violences, les tribus arabes de Khaldé avaient accepté l’apaisement de la situation, à condition que le suspect Ali Chebli, impliqué dans les affrontements, ne remette plus les pieds dans la localité.
Pris dans une embuscade
Hier donc, le convoi transportant la dépouille mortelle de Ali Chebli, parti de l’hôpital al-Rassoul al-A’azam en direction de Khaldé, a été pris pour cible par des tireurs de ce qu’on appelle les tribus arabes. Selon des informations rapportées à L’Orient-Le Jour, des voitures et mobylettes brandissant des drapeaux du Hezbollah accompagnaient le corps jusqu’à la villa Chebli à Khaldé lorsque les affrontements ont éclaté, apparemment après que des membres du convoi funèbre de Ali Chebli ont déchiré un grand portrait de Hassan Ghosn. Des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux montrent des partisans du Hezbollah brandir des drapeaux du parti et se livrer à des combats de rue.
Contacté par L’OLJ, le bureau des médias du Hezbollah a confirmé la mort de deux personnes qui participaient au cortège, sans préciser s’il s’agissait de membres du parti. Une des personnes tuées serait le beau-frère de Ali Chebli. Le bureau du Hezbollah a par ailleurs insisté sur le fait qu’il s’agissait de funérailles « non partisanes, mais familiales », montrant ainsi une volonté de la formation pro-iranienne de ne pas alimenter la discorde. Une source de sécurité a de son côté indiqué à l’AFP qu’au moins « cinq personnes, dont trois membres du Hezbollah », ont été tuées dans cette embuscade. D’autres médias ont fait état de trois morts au total. Les rumeurs selon lesquelles un important cadre du Hezbollah a été tué ont été démenties à notre journal. Le calme est revenu dans le secteur vers 19h30, avec l’arrivée massive de chars de l’armée qui ont interdit l’accès à Khaldé pour éviter un regain de tension. De nombreuses voitures ainsi que des arbres ont été incendiées pendant les combats, a constaté notre journaliste sur place Mohammad Yassine. Des personnes interrogées dans le quartier ont indiqué que les affrontements n’avaient pas fait de morts du côté des tribus. La panique a gagné de nombreux résidents du quartier, qui ont quitté leur domicile en attendant le retour au calme. Face à l’intensité des combats, les tribus arabes ont tenu une réunion urgente dans l’après-midi dans la Békaa et demandé à leurs membres « de faire preuve de retenue afin que la situation ne devienne pas incontrôlable ». Contacté par L’OLJ, un responsable au sein du Parti démocratique libanais du député de la région Talal Arslane a qualifié la situation « de dangereuse et préoccupante ». « Nous lançons des appels à tous les niveaux pour un retour au calme. Nous voulons éviter à tout prix la discorde dans la région et dans le pays, mais je pense que les différents responsables sont assez conscients du danger », a-t-il dit.
La famille du meurtrier s’explique
Dimanche matin, soit quelques heures avant le début des affrontements, la famille de Hassan Ghosn avait affirmé dans un communiqué que « le geste du frère du martyr Hassan Ghosn aurait pu être évité si Ali Chebli avait été remis aux autorités compétentes ». La famille indique que « dès le premier jour du meurtre de son fils, elle a exhorté les services de sécurité et judiciaires à assumer leurs responsabilités en enquêtant sur le crime et en arrêtant le tueur, Ali Chebli ». La famille assure avoir « frappé à toutes les portes pour réclamer que justice soit faite ». Mais « ses tentatives se sont heurtées aux refus des protecteurs de Ali Chebli, qui refusaient de le remettre à la justice malgré les tentatives du commandement de l’armée à cet égard », selon elle. De son côté, le palais de Baabda a rapporté que le président de la République Michel Aoun « a demandé au commandement de l’armée de prendre des mesures immédiates pour rétablir le calme dans la région, arrêter les tireurs, dégager les éléments armés et assurer la sécurité des déplacements des citoyens ». « Le président Aoun a également estimé que les circonstances actuelles ne permettent aucune atteinte à la sécurité et aucune pratique qui alimentent la sédition, et que toutes les parties doivent coopérer pour atteindre cet objectif », conclut le communiqué. Le Premier ministre désigné Nagib Mikati a pour sa part suivi de près les incidents de Khaldé, appelant les habitants de la région « à faire preuve de retenue ». Dans un communiqué, le Premier ministre sortant Hassane Diab a souligné « la nécessité de résister à la sédition et à l’altération de la stabilité sécuritaire ». Le courant du Futur de l’ex-Premier ministre Saad Hariri a de son côté indiqué avoir mené des contacts avec des représentants des tribus arabes afin de parvenir à un apaisement. Il a également appelé les Libanais de toutes les régions à éviter toute réaction, notamment sur les réseaux sociaux, qui risquerait « d’aggraver la situation ».
A quoi s’attend le pouvoir lorsque des criminels restent en liberté, protégés par des zaims qui sont pour la plupart d’entre eux au pouvoir. Ils veulent légitimer la loi de la jungle pour rester maîtres de la situation.
15 h 01, le 02 août 2021